Les Chinois ont beau avoir investi à peu près tous les secteurs de l'économie, celui des véhicules motorisés résiste toujours. On se permet même de regarder avec condescendance leurs timides efforts. Mais pour CF Moto, motoriste qui est aussi constructeur de motos et de véhicules hors route, le temps de la rigolade est bientôt terminé. Et ce sera un peu grâce à des entreprises du Québec.

Aux 12 heures de La Tuque, en mai dernier, seulement 5 des 11 inscrits de la catégorie côte à côte ont réussi à croiser le fil d'arrivée de cette exigeante course d'endurance. Parmi eux, deux machines chinoises, les deux seules de moins de 850 cc en compétition.

Concédant plus d'une trentaine de chevaux à tous les autres bolides en piste - BRP et Arctic Cat -, les deux Snyper 850EX auraient pu jouer le rôle de figurant. Au contraire, l'un d'eux a frôlé le podium du classement général. En fait, la course de La Tuque se voulait avant tout le terrain d'essai idéal pour le constructeur chinois CF Moto. Mais pourquoi diable aller se perdre en Haute-Mauricie? Parce que l'importateur Canada Motor Import, de Saint-Benoît-Labre, en Beauce, a littéralement transformé les VTT de CF Moto, en faisant appel à des entreprises bien de chez nous.

«On a voulu améliorer l'image de marque et la qualité de CF Moto, explique François Hamel, vice-président ventes et marketing chez CMI. On est conscients qu'on part avec une reconnaissance à peu près nulle; mais on a ajouté des pièces haut de gamme à nos machines et on souhaite que cela puisse aider à redéfinir l'image de qualité de la marque.»

Les pièces haut de gamme en question proviennent de chez Elka Suspension, de Boucherville, et de CVTech IBC, de Drummondville. Deux entreprises dont la réputation n'est plus à faire dans le milieu de la motoneige et des véhicules tout-terrain. Les premières machines ainsi équipées étaient destinées au seul marché canadien. Les pièces québécoises étaient d'ailleurs installées ici. Mais, aujourd'hui, elles sont envoyées en Chine où elles sont boulonnées en première monte, pour les clients canadiens, mais aussi russes, australiens et bientôt français. Et ce n'est que le début, car d'autres distributeurs ont pris bien note des changements réalisés par CMI.

«On n'avait pas prévu travailler comme ça, admet M. Hamel. Mais on s'est aperçus qu'il y avait certaines lacunes et il a fallu faire des choix. Les propriétaires chinois de CF Moto ont une très grande ouverture d'esprit et nos propositions nous ont ainsi permis de gagner en crédibilité auprès d'eux.»

Et auprès des fournisseurs québécois: «CF Moto a fait des améliorations importantes depuis deux ou trois ans, mais c'est surtout grâce à leur collaboration avec les gens de CMI, affirme David Ouellet, représentant technique et commercial chez CVTech-IBC. Ce sont eux qui ont décelé les problèmes et ont proposé les solutions, et ça ne se limite pas aux seules transmissions et suspensions.»

«Notre collaboration avec l'importateur russe de CF Moto est aujourd'hui encore plus poussée, notamment en ce qui concerne les motos et les motoneiges, illustre de son côté Patrick Tellier, directeur du marketing chez Elka Suspension. Notre objectif est d'étendre notre collaboration au réseau mondial de CF Moto.» C'est d'ailleurs déjà le cas pour CVTech IBC, dont les transmissions à variation continue sont maintenant installées en option sur tous les modèles CF Moto vendus dans le monde.

Si installer une nouvelle transmission CVTech sur les machines CF Moto a été un jeu d'enfant - «elles sont identiques aux pièces Arctic Cat, avec qui nous faisons déjà affaire», explique M. Ouellet -, Elka Suspensions a calibré ses amortisseurs à la mesure des machines CF Moto, selon la méthode qui caractérise l'entreprise du sud de Montréal.

«Le client commande quelque chose qui est ajusté à ses besoins, explique Patrick Tellier. On travaille à partir d'une plateforme modulaire, plusieurs pièces communes sont donc utilisées dans la plupart de nos produits, ce qui nous permet de contrôler nos coûts de développement. Aussi, nos employés sont de véritables gars de quad, ils connaissent les machines et sont eux-mêmes appelés à les tester sur circuit.»

L'un de leurs techniciens est nul autre que Pierre-Yves Denault, pilote de VTT qui a gagné le Baja 1000 en 2009 et le Baja 500 en juin dernier en plus de remporter plusieurs titres québécois.

Le résultat pour CF Moto? «Sur le plan de la tenue de route, un CF Moto va être très compétitif par rapport à un modèle haut de gamme BRP, par exemple», avance M. Tellier.

«CF Moto n'est pas encore parvenue au niveau des Nord-Américains, mais il y a encore une grande différence de prix, explique de son côté David Ouellet. Toutefois, le niveau de performance est tellement proche que ça devrait faire réfléchir les acheteurs. Pour un usage normal, c'est un excellent choix. Et c'est très fiable. Honnêtement, CF Moto est de loin le plus avancé des constructeurs chinois.»

Le quadiste québécois est encore hésitant à l'égard des produits chinois de CF Moto. Les ventes, encore modestes avec près de 2000 véhicules vendus en 2012, ont néanmoins doublé au cours des 18 derniers mois. L'objectif de CMI est toutefois de vendre 5000 VTT en 2015.

Avec un rapport qualité-prix remarquable assuré par la performance de pièces québécoises et les faibles coûts de main-d'oeuvre chinois, on a certainement choisi la bonne recette pour relever le défi.

13 500$

Prix du Snyper 800EX, côte à côte sport de 800 cc haut de gamme de CF Moto

16 999$

Prix du RZR S 800 EPS, côte à côte sport de 800 cc haut de gamme de Polaris

Photo fournie par CF Moto

Le Spyder 800EX. 

Photo fournie par Polaris

Le Polaris RZR S 800

Elka Suspension

Fondation: 2000

Siège social: Boucherville

Employés: 35

Chiffre d'affaires: 5 millions

Bien présent dans le secteur des pièces de remplacement de VTT de haute performance, Elka voit maintenant ses pièces installées en première monte sur de plus en plus de véhicules; ce sera notamment le cas sur un tout nouveau modèle de véhicule tout-terrain d'un grand constructeur américain. Les amortisseurs Elka se retrouvent aussi dans de nombreuses applications industrielles et militaires. On en trouve jusque dans les tourniquets du métro de Montréal! Sans compter le marché des véhicules côte à côte, de la motoneige, de la moto sportive, en piste ou sur route, les aventurières de même que les bolides à trois roues comme les Spyder et les T-Rex.

Canada Motor Import

Fondation: 2004

Siège social: Saint-Benoît-Labre

Employés: 30

Chiffres d'affaires: 20 millions

Ventes: hausse de 40% en 2012

Importateur et distributeur au Canada des produits CF Moto, société chinoise fondée en 1989 qui produit annuellement 800 000 moteurs et 600 000 véhicules. La production est exportée dans plus de 50 pays par un réseau de distributeurs indépendants. Ainsi, chacun peut demander que l'on adapte le produit à son propre marché. CMI LANCERA par ailleurs à la fin du mois deux motos CF Moto, un modèle touring et un roadster de 650cc qui ont reçu un accueil enthousiaste en Australie, où elles sont déjà vendues. «On n'est plus des «Chinois'. On s'est mis à jouer dans la cour des grands», insiste François Hamel, vice-président ventes et marketing chez CMI.

CVTech-IBC

Fondation: 1969

Siège social: Drummondville

Employés: 85

Chiffres d'affaires: 13 millions

À l'origine consacré au secteur de la motoneige, CVTech IBC est devenu leader mondial en transmissions à variation continue. Comptant sur de nombreux clients importants comme Arctic Cat, Polaris et Yamaha, l'entreprise n'attendait pas grand-chose de sa collaboration avec CF Moto, il y a quatre ans. Mais le constructeur chinois s'est depuis hissé parmi les cinq clients les plus importants de CVTech IBC. D'autres constructeurs chinois se sont même tournés vers la PME, si bien 20% de son chiffre d'affaires est aujourd'hui en Chine. «Je ne passe pas trois mois sans aller là-bas, dit David Ouellet, représentant technique et commercial. On est en avant de la vague et on met tous les efforts pour y rester.»