On dit d'elle que c'est la course la plus dure du monde. Tenue annuellement sur les chemins désertiques et rocailleux de la péninsule de Baja California, au Mexique, c'est aussi l'une des plus dangereuses et des plus imprévisibles.

Pourtant, bon an, mal an, des centaines de participants se présentent sur la ligne de départ à Ensenada avec pour objectif de rouler à tombeau ouvert, sans arrêt, pendant les quelque 1600 km du Baja 1000, épreuve reine des courses de désert en compagnie du Rallye Dakar.

Deux Québécois sont sur la liste des inscrits cette année, et ils ne sont pas au Mexique pour faire de la figuration. En fait, l'équipe de Pierre-Yves Deneault et de Renaud Fortin arrive dans le but de remporter la course dans la catégorie des VTT de 450 cc et moins, avec à la clé le titre de champion de la série SCORE Championship Desert Racing. Et, espère-t-elle, une reconnaissance qui lui permettra d'attirer les commanditaires et ainsi de participer en 2014 à la nouvelle série SCORE World Desert Championship.

Le départ de la course sera donné seulement le 14 novembre, mais MM. Denault et Fortin sont déjà sur place avec leurs équipiers, car la préparation est vitale tant la course peut être difficile.

«Quand j'ai fait mon premier Baja 250, en 2009, on s'était limités à deux petites journées de reconnaissance, explique Pierre-Yves Denault. On nous a fait la vie dure, on n'était pas prêts à tout ça.» Au Baja 1000, quelques mois plus tard, ils avaient appris leur leçon. Équipement et pilotes sont arrivés deux semaines avant la course, une prévoyance récompensée par la victoire dans leur catégorie.

«C'est dangereux, c'est extrême, si on a une malchance, personne n'est là pour nous aider, souligne Renaud Fortin. De plus, les affiches qui nous indiquent le tracé sont placées aux 5 milles, c'est très facile de se perdre. De là l'importance de se familiariser avec le parcours; on établit des points de repère, que ce soit un cap rocheux, une montagne à l'horizon ou un cactus bizarre.»

D'autant plus qu'en course, il n'y a pas de pitié. Si un concurrent arrive derrière, les retardataires ont avantage à s'enlever du chemin, sans quoi ils risquent de se faire pousser manu militari. Oui, ça joue dur au Baja.

Pièges et guet-apens

Comme si le parcours et les concurrents eux-mêmes n'étaient pas suffisamment impitoyables, le Baja 1000 est aussi notoirement connu pour ses amateurs survoltés, assoiffés de sensations fortes. Au point de créer eux-mêmes le spectacle... en installant des pièges sur la piste!

«J'en ai fait les frais en 2009, raconte Renaud Fortin. Des fans avaient creusé un fossé en travers de la piste et, dans l'obscurité, j'ai eu le temps de lever les roues avant, mais l'arrière n'a pas passé. J'ai fait une bonne culbute. Les amateurs étaient assis tout près, ils rigolaient en buvant de l'alcool!»

«Quand on roule seul pendant trois ou quatre heures et qu'on voit une cinquantaine de Mexicains regroupés au détour d'une montagne, on doit se poser des questions et ralentir. Ce n'est pas le temps de faire son show en faisant des wheelies, recommande de son côté Pierre-Yves Deneault. Pour eux, c'est comme le hockey chez nous; ils ne vivent que pour ça. Les écoles sont fermées, personne ne travaille, c'est comme une religion. Mais s'il y en a qui se passionnent pour le sport, d'autres veulent davantage de spectacle. C'est un peu comme au hockey: certains aiment le beau jeu, d'autres préfèrent les bagarres.»

Avec un tracé aussi long, il est presque impossible d'assurer une sécurité à toute épreuve. Alors les pilotes sont forcés de composer avec cet état de fait. «Il ne faut pas arriver là-bas en pensant changer le monde», affirme Pierre-Yves Deneault, résigné.

Les deux Québécois et leurs trois coéquipiers - deux Américains et un Mexicain - vont se relayer à tour de rôle, selon les caractéristiques du parcours qui siéent le mieux à leurs spécialités respectives. Leur course devrait durer une trentaine d'heures, et personne n'a prévu de fermer l'oeil. «On est tellement sur les nerfs qu'on ne dort pas pendant la course, nous dit Renaud. On s'assure donc de dormir en masse dans les jours qui précèdent le départ.»

Ils auront amplement le temps de récupérer après la course, surtout s'ils s'endorment en tant que nouveaux champions.

Photo Isabel Beaucage

Pierre-Yves Deneault (à gauche) et Renaud Fortin tenteront de remporter le Baja 1000 et ainsi s'assurer le titre de la série SCORE Championship Desert Racing dans la classe des VTT de 450cc et moins.     

Photo fournie par Elka Suspension

Pierre-Yves Denault: Pierre-Yves Denault, pilote de VTT qui a gagné le Baja 1000 en 2009     

La Baja 1000 en détail

La petite histoire du Baja 1000

L'idée de traverser les terres arides de la péninsule de Baja California est d'abord arrivée comme un coup de marketing de Honda, qui voulait prouver la valeur de sa nouvelle Scrambler 1962. Mais l'affaire a fait des jaloux, si bien que d'autres ont voulu vaincre la Carretera federal No. 1 qui, à l'époque, était un chemin plus ou moins carrossable. En 1967, des promoteurs américains décident d'en faire une course officielle, le Mexican 1000 Rallye. Rebaptisée en 1973 «Baja Mil» par les nouveaux organisateurs mexicains de la course, l'épreuve est annulée l'année suivante avant d'être ravivée en 1975 par la Southern California Off-Road Enterprises (SCORE), qui dirige depuis les destinées de laWorld's Toughest Race.

Les machines du Baja 1000

Les sentiers désertiques de la Basse-Californie ne se laissent pas dompter par n'importe quel type de véhicule. Il faut des machines ultrarésistantes aux suspensions capables d'absorber bosses et trous qui font passer les rues de Montréal pour des verts de golf. Les Trophy Truck (TT), véritables chars d'assaut qui filent sans broncher à plus de 200 km/h, semblent en voie de briser l'hégémonie des motocross, véritables maîtresses du Baja 1000 avec 33 victoires sur 37 au classement global depuis 1975. Mais les TT ont gagné en 2010 et en 2012, et les classements sont plus serrés que jamais entre deux et quatre-roues. Derrière eux, on trouve une foule de classes de véhicules, des buggys aux fameux Baja Bugs (des Coccinelles converties pour faire des courses dans le désert) en passant, bien sûr, par les VTT.

Le Baja 1000 au cinéma

Le mythe entourant le Baja 1000 a été entretenu par bon nombre de documentaires. D'abord avec 27 Hours to La Paz, réalisé lors de la toute première présentation de l'épreuve, en 1967; on y qualifie déjà le tracé du Mexican 1000 Rally de «sentier pour le bétail dessiné par le diable en personne». Dust to Glory, long métrage documentaire à gros budget tourné en 2003, montre les côtés les plus spectaculaires de la course de 1600 km. Succès critique récompensé dans plusieurs festivals, Chasing the Horizon, sorti en 2006, explore de son côté l'épreuve à travers les démarches et obstacles d'une petite équipe recrue. À voir aussi, les webdocumentaires The Gentleman's Guide to Racing: Baja 1000,Road to BajaetGo Pro: The Baja 1000 with Bryce Menzies,trois courts métrages fort bien menés.

Le 46e Baja 1000 en détail

Le départ du Baja 1000 est toujours donné à Ensenada, mais le tracé alterne d'une année à l'autre: on fait soit une boucle variant de 600 à 850 milles, soit un parcours d'un point A à un point B se terminant à La Paz ou à Cabo San Lucas - un trajet de plus de 1000 milles. Cette année, les participants rouleront 850 milles avant de boucler la boucle à Ensenada. Le Baja 1000 est l'ultime épreuve de la série SCORE Championship Desert Racing, qui compte aussi le San Felipe 250, couru en février, et le Baja 500, organisé en juin. Les trois épreuves se retrouveront l'an prochain au calendrier du nouveau SCORE World Desert Championship, qui comptera aussi des courses en Californie et au Nevada.

25 000$

Frais, inscription et dépenses pour participer au Baja 1000

De 15 000 à 20 000$

Prix d'un VTT neuf Honda TRX450 spécialement préparé pour le Baja 1000

Photo Wikipedia Commons

Un bolide inscrit dans la sympatique classe Baja Bug. 

Photo Wikipedia Commons

Un Hummer H3 inscrit en classe Stock Mini