«J'ai investi mon temps, mon âme, mon coeur et mon argent à vouloir mettre ce projet sur pied.» Au bout du fil, la passion qui colore la voix de Maryeve Dufault est palpable. Cette fille-là n'a jamais voulu rien faire d'autre que de la course automobile. Contre vents et marées, elle peut enfin dire mission accomplie: elle va participer à toutes les courses en série ARCA en 2014, en plus de disputer une dizaine d'épreuves en NASCAR Nationwide.

Soyons cruellement francs: pour bien des amateurs de sport automobile, la pilote originaire de Sorel se résumait jusqu'à ce jour à un fort joli minois, un succédané édulcoré de Danica Patrick. Maryeve s'est en effet davantage fait remarquer pour son titre de Miss Hawaiian Tropic, pour son travail d'hôtesse à The Price Is Right ou pour sa sulfureuse séance de photos pour le magazine Maxim. J'ai même poliment refusé les suggestions de faire des articles à son sujet, souvent avec galerie photo à l'appui; son palmarès sportif ne le justifiait pas. Pire, son image publique lui imposait des résultats, sans doute encore davantage qu'à bien des pilotes au parcours plus anonyme.

Mais voilà que Maryeve est devenue l'un des très rares pilotes québécois de l'histoire ayant réussi à se dénicher un volant de cette qualité en stock-car aux États-Unis. Elle pourra enfin pouvoir se concentrer sur son pilotage. «À partir de cette année, je ne prends plus de fla-fla», déclare-t-elle en faisant référence à sa carrière de mannequin. Pas qu'elle regrette ses choix; bien au contraire, elle les assume pleinement. Car la fin justifie les moyens. «J'ai tout investi ce que j'ai gagné en faisant Hawaiian Tropic et les autres séances de photos, explique-t-elle. Tout cet argent allait pour faire du sport automobile. J'ai commencé à faire de la course parce que j'ai fait The Price Is Right et des photos. Je devais trouver un moyen intelligent de pouvoir continuer à faire ce que j'aime.»

Soit, c'est une excellente stratégie sur le plan du marketing, mais ça peut néanmoins être un couteau à double tranchant. «Si les gens me jugent pour ça, il faut qu'ils comprennent que je devais trouver le moyen de financer mes activités», martèle-t-elle.

Sexisme

Tout ça s'ajoute au fait qu'elle doit composer avec certains comportements sexistes qui ont la vie dure dans le milieu du sport automobile. «Quand on est une femme en course, il n'y a aucune nuance dans la perception des gens, explique-t-elle avec une franchise désarmante. S'il y a un problème avec la voiture, bien des gens vont rapidement jeter le blâme sur la pilote parce que c'est une femme. Si un homme connaît le même problème, on va ouvrir le capot et tenter de trouver le pépin technique. On devient donc extrêmement forte. Il ne faut pas avoir peur des hommes, des mécanos; il faut s'exprimer à haute voix, avec autorité, sinon ils vont nous marcher sur la tête.» Maryeve cite en exemple son passage en ARCA en 2011, quand son directeur d'équipe - qu'elle qualifie du plus grand des sexistes - a tenté de saboter une de ses courses en changeant à son insu une pièce du moteur. «Il avait peur de moi, peur de perdre son job», se rappelle-t-elle.

Objectif ambitieux

L'ambiance ne sera pas la même la saison prochaine au sein de l'écurie Stange. Maryeve Dufault travaille de concert avec l'équipe depuis plus d'un an, tout le monde a poussé à la roue pour trouver les commanditaires qui souhaitaient financer l'aventure. «Ç'a été un travail à temps plein. Le budget pour une équipe de pointe en ARCA est d'environ 1,4 million, affirme la pilote. Il nous manque encore 300 000$. C'est suffisant pour faire la saison, mais pour être en avant, il faut plus d'argent pour notamment faire des tests sur dynamomètre et dans la soufflerie aérodynamique. Mon but est de terminer dans le top 5 au championnat. Mais pour ce faire, il faut combler le manque à gagner. Les gens doivent être réalistes et comprendre qu'il en manque souvent un peu pour aller jusqu'en avant.»

Ses efforts de marketing ne sont donc pas terminés. Parce que la saison 2014 sera cruciale. «Il faut que ça marche, ce n'est pas un splash.»

Alors, comme dirait l'autre, you go girl!

Photo fournie par Maryeve Dufault

Maryeve Dufault 

La série ARCA en quelques mots

Fondée en 1953, l'Automobile Racing Club of America est l'une des plus vieilles séries de course de stock-car des États-Unis. Elle met en scène des bolides de Coupe Sprint de quatrième génération, ceux utilisés avant la Car of Tomorrow, apparue en 2008. Les moteurs sont bridés à 850 chevaux. Les circuits visités en ARCA offrent une variété inégalée en sport automobile: du petit ovale de 3/8 de mille d'Elko jusqu'à l'anneau de vitesse de 2,66 milles de Talladega en passant par l'ovale de terre battue de DuQuoin State Fairgrounds, sans compter deux circuits routiers, dont le long et sinueux tracé de 4 milles de Road America.

La feuille de route de Maryeve Dufault

> Fait ses classes en karting, ensuite en monoplace, notamment en Formule BMW, en Formule Renault et en Star Mazda.

> Passe en stock-car en 2010, dispute quelques courses en série NASCAR Canadian Tire.

> Fait ses débuts en série ARCA en 2011, participe à 14 courses, signant 5 top 15 et 1 top 10, en plus de participer au NAPA 200 à Montréal en série Nationwide.

> En quête de commanditaires, dispute seulement trois courses en ARCA en 2012.

> Roule pour la première fois sur ovale en Nationwide en septembre 2013, à Chicago.