Rouler sur une piste de course procure son lot de sensations, il n'y a pas de doute. Mais on est en territoire connu, sur l'asphalte ou sur la terre battue, sur le même plancher que les vaches. Mais voler à 3000 pieds au-dessus de la tête de nos amis bovins permet des manoeuvres qui décoiffent autrement! Tout le monde peut dorénavant en faire l'essai chez Aéro Tigre, sur la Rive-Sud de Montréal.

Celui qui est à l'origine d'Aéro Tigre, c'est Michel Hamel, pilote de CF-18 à la retraite qui s'est ensuite converti à l'aviation civile, non sans avoir formé de futurs pilotes militaires. Revenu d'Asie l'an dernier - il pilotait des Boeing 747 pour China Airlines -, il a décidé de se consacrer de nouveau à sa passion, l'acrobatie.

«Ça nous a pris un an de travail et plusieurs représentations auprès de Transports Canada avant de pouvoir démarrer Aéro Tigre, nous a expliqué Michel Hamel. On s'est installé à Saint-Mathieu-de-Beloeil, car le petit aéroport est peu achalandé et se trouve à quelques kilomètres de la frontière de la zone aérienne contrôlée de Montréal, en dehors de laquelle il nous est permis de faire du vol acrobatique en territoire rural.»

L'appareil qu'il a choisi est le même que celui sur lequel il avait l'habitude de former les futurs pilotes de CF-18, de 1993 à 1996. «C'est un avion acrobatique conçu pour l'entraînement militaire, explique le pilote de 52 ans. Très doux et très polyvalent, il a une manoeuvrabilité qui peut être comparée à celle d'un avion de chasse. À ses commandes, on peut encaisser des forces de 6 G à -3 G.»

Après notre sortie au-dessus de la vallée du Richelieu et de la région de Saint-Hyacinthe, Michel m'a annoncé qu'on avait encaissé jusqu'à 4,2 G de pression. Honnêtement, je n'aurais pas souhaité expérimenter la sensation ressentie quand le corps encaisse six fois son poids - 4,2 fois, c'est bien suffisant! Après plusieurs minutes de boucles inversées, de tonneaux, de vrilles et autres «hammerheads», mon corps en avait assez, surtout qu'il a fallu reprendre les figures quelques fois au bénéfice de mon vidéaste Mathieu Waddell, qui suivait la scène de près à bord d'un hélicoptère. Mais comme le dit Michel Hamel, «on contrôle notre propre show». «Contrairement à un manège de La Ronde, il est possible d'arrêter en tout temps si le passager le réclame. On y va selon la volonté des gens.»

Mais peu importe notre seuil de tolérance, la sensation incroyable de voir le monde à l'envers, à travers la bulle de verre qui couvrait nos têtes, est incomparable. Ce que l'on vit à bord du Slingsby Firefly est difficile à décrire, alors imaginez quand Michel nous invite à prendre le manche - qui ressemble en tout point à une manette de jeu vidéo - pour effectuer notre propre boucle!

Forfaits sur mesure

Prendre les commandes de l'appareil est inclus dans le forfait Vol à sensations fortes, mais il est aussi possible d'avoir d'impressionnantes poussées d'adrénaline avec le forfait Voltige 101, un vol de 30 minutes (295 $) qui propose des acrobaties de base. Pour ceux qui souhaitent plutôt goûter aux rudiments du vol à proprement parler, Aéro Tigre propose aussi le forfait Pilote d'un jour.

Michel Hamel nous a aussi montré à quoi pourrait ressembler la simulation de combat aérien qu'il entend proposer sous peu, en collaboration avec Hélico-Pro, une école voisine spécialisée en pilotage d'hélicoptères. On se croirait dans Top Gun: l'avion virevolte dans tous les sens avant d'arriver derrière l'hélico, prêt à faire feu. Dans la chorégraphie, les pilotes des deux appareils communiqueront entre eux et, le moment venu, la «cible» déclenchera une bombe fumigène, tout en effectuant une manoeuvre simulant qu'elle a été touchée. C'est comme un «paintball», mais à 3000 pieds d'altitude. Inédit, vous dites? Le mot est faible!

> Consultez le site d'Aéro Tigre

Photo Mathieu Waddell, La Presse

Fiche technique de l'appareil

> Modèle: Slingsby Firefly T67C

> Poids à sec: 692 kg

> Envergure: 10,59 m

> Longueur: 7,32 m

> Hauteur: 2,36 m

> Moteur: Lycoming O-320-D2A; quatre-cylindres boxer de 5,24 litres

> Puissance: 160 ch. à 2700 tours/minute

> Capacité du réservoir à essence: 157,4 litres

Formation pour pilotes de ligne

De 2009 à 2013, près de 60% des 2585 morts survenues lors d'écrasements d'avion ont été attribuées à des pertes de maîtrise en vol. Pourtant, ce type d'accident ne représente que 10% de tous ceux impliquant un aéronef.

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) prend le problème au sérieux, comme en fait foi le Symposium sur les pertes de contrôle en vol organisé en mai dernier au siège social de l'organisme, à Montréal. Au terme de la rencontre de trois jours, qui a réuni des représentants de la plupart des agences de transport du monde - FAA américaine et AESA européenne en tête -, l'OACI a notamment recommandé que les pilotes de ligne suivent une formation spéciale pour mieux déceler et recouvrer un appareil en perte de contrôle.

Michel Hamel a suivi de près cette rencontre internationale et vient de terminer la mise sur pied d'un programme destiné aux pilotes de ligne. Il soutient qu'il est actuellement le seul au pays à pouvoir donner une telle formation, qui demande un formateur acrobatique de classe 1 issu de l'aviation civile. Déjà, des gens de Bombardier Aéronautique, qui a participé aux travaux du symposium, ont manifesté leur intérêt pour la formation qui serait offerte chez Aéro Tigre. «Je me suis basé sur les recommandations de l'OACI pour mettre au point mon programme d'enseignement des pilotes, a expliqué Michel Hamel. Le cours se déroulerait sur deux à trois jours, avec huit heures de théorie. En vol, les pilotes feraient l'expérience d'acrobaties sommaires, car ils sont surtout là pour apprendre à réagir convenablement quand l'avion décroche.»

Au départ, la formation sera offerte sur une base volontaire, mais Michel Hamel souhaite qu'elle devienne rapidement obligatoire. Il s'agira de voir quand et comment Transports Canada réagira aux recommandations de l'OACI.