Il y a 40 ans lundi dernier, Evel Knievel allait tenter le saut le plus spectaculaire de sa carrière, un vol plané au-dessus du canyon de Snake River, en Idaho. Un saut raté, comme bien d'autres dans sa carrière, mais qui allait plus que jamais contribuer à gonfler la légende du trompe-la-mort le plus célèbre de tous les temps. Portrait.

C'est le genre de chose qu'il serait aujourd'hui impossible de voir. Les deux vols d'essai avaient été des échecs lamentables, les fusées propulsées par un moteur à vapeur avaient terminé leur course au fond du canyon, profond de plus de 150 m. Et pourtant, Evel Knievel a décidé de monter à bord du Skycycle X2, un véritable missile sur lequel on avait installé de ridicules petites roues.

«J'étais inquiet qu'il ne veuille plus faire le saut, a avoué le producteur Don E. Branker dans un documentaire diffusé à Discovery. On devait le faire car on avait tout à perdre. J'avais des hommes armés tout autour et leur travail était de s'assurer qu'Evel ne sorte pas du Skycycle.»

Quelques secondes après le lancement, le fantasque cascadeur allait s'écraser dans le canyon, sous le regard ébahi de dizaines de milliers de curieux. Le parachute d'urgence du Skycycle s'était déployé prématurément, entraînant la moto-fusée dans une lente vrille jusqu'au fond du canyon. Le Skycycle s'est finalement posé sans trop de dégâts à quelques mètres de la rivière. Encore une fois, la chance avait collé aux fesses d'Evel Knievel, car il serait sans doute mort noyé si l'appareil s'était abîmé dans l'eau, son harnais de sécurité s'étant bloqué peu après le décollage.

Certains ont aussitôt cru que toute l'affaire avait été un simple coup de marketing et qu'Evel Knievel avait volontairement tiré sur la manette du parachute. Le principal intéressé a toujours réfuté ces accusations, rejetant le blâme sur le concepteur de la fusée, l'ingénieur en aérospatiale Robert Truax. Ce dernier allait finalement reconnaître l'entière responsabilité de l'échec de la cascade.

Knievel n'avait toutefois aucune intention de s'arrêter là. Il a par la suite multiplié les cascades au milieu des années 70, réalisant notamment un saut de 133 pi au-dessus de 14 autocars Greyhound dans un événement organisé au parc d'attractions Kings Island, dans l'Ohio. Il s'agissait de son plus long saut en carrière, une distance record au guidon d'une Harley-Davidson qui allait être battue seulement en 1999 par Bubba Blackwell.

Le sport extrême en héritage



Blackwell est l'un des nombreux casse-cous qui ont grandi en vouant une admiration sans bornes à Evel Knievel, comme bien des enfants qui ont grandi dans les années 70 et 80 en jouant avec des jouets à l'effigie du célèbre cascadeur. Avec sa cape, son uniforme bleu-blanc-rouge serti d'étoiles, sa canne de dandy et ses bijoux dorés, Knievel a réussi à construire son mythe grâce à une détermination hors du commun et un sens du marketing particulièrement affûté. Mais, au-dessus de tout, il avait une confiance inébranlable: «Les enfants voulaient être comme moi, les hommes voulaient être comme moi et les femmes voulaient être avec moi», a souvent blagué Evel.

Il a aussi ouvert toute grande la porte au courant des sports extrêmes, une industrie qui est aujourd'hui multimilliardaire. «Evel Knievel a bâti les fondations qui nous ont permis de gagner notre vie en faisant des cascades, a reconnu Travis Pastrana, pilote et cascadeur de renom. Sans Evel, on n'aurait même pas su qu'il était possible de sauter à moto. À l'époque, il réussissait à faire des sauts énormes avec des motos de route médiocres qui n'étaient absolument pas destinées à voler.»

«Evel Knievel n'a jamais cherché à calculer la vitesse à laquelle il devait rouler pour atteindre une altitude désirée ni l'angle idéal de la rampe de lancement, a indiqué Leigh Montville, biographe d'Evel Knievel. Il faisait tout en se fiant à son intuition, à ce qu'il ressentait assis sur sa moto.»

Pas étonnant qu'il ait chuté si souvent, s'infligeant de multiples blessures. Mais il se relevait chaque fois. «Les gens ne viennent pas pour me voir mourir, a déjà dit le cascadeur. Ils viennent me voir défier la mort.» Evel Knievel est mort en 2007 à l'âge de 69 ans des suites d'une longue maladie.

Photo archives AP

Evel Knievel dans sa fusée avant sa tentative ratée de sauter au-desssus du canyon de la Snake River en 1974.     

Photo archives AP

Evel Knievel lors d'un saut à Toronto en 1974 où il a franchi 13 poids lourds. 

Surnom imaginé dans une cellule

C'est pendant un court séjour derrière les barreaux pour conduite dangereuse à moto que Robert Knievel a imaginé son surnom «Evel». Un codétenu du nom de William Knofel se faisait surnommer Awful Knofel (NDLR: «awful» se traduit par affreux), ce qui donne l'idée au jeune Knievel de trouver lui aussi un surnom qui rime avec son nom de famille. Il choisit toutefois d'écrire Evel avec un «e» à la place d'un «i», pour ne pas qu'on le considère comme «maléfique» («evil»).

Accidents célèbres

31 décembre 1967: Knievel tente de survoler la fontaine du Caesar's Palace, à Las Vegas, un saut de 140 pi. Il s'écrase, se brise le bassin, un fémur, une hanche, un poignet et les deux chevilles. Il reste dans le coma pendant un mois.

6 mai 1975: Knievel tente de sauter au-dessus de 13 autocars devant 90 000 amateurs au stade Wembley, à Londres. Il arrive à court et chute lourdement. Malgré des fractures à la main droite, aux 4e et 5e vertèbres ainsi qu'au bassin, il insiste pour parler à la foule et tient à quitter la scène en marchant.