«C'est le genre d'aventure qui me donne le goût d'y retourner et d'aller au bout du bout.»

L'an dernier, Luc Bourgault a failli mourir au jour 2 de l'Aventure de Caïn, le Cain's Quest, épreuve d'endurance en motoneige organisée tous les deux ans au Labrador. Pourtant, avec son collègue Joël Couture, il s'affaire déjà à la préparation de la prochaine course, qui s'élancera de Labrador City le 5 mars 2016.

«L'année passée, on voulait se classer, les machines étaient prêtes, a affirmé l'homme d'affaires de 42 ans de Granby. Je ne veux pas arrêter une carrière de course parce que j'ai failli mourir, je veux continuer.» Et ce, même s'il n'a pas encore regagné toute la sensibilité dans le bout de son pouce droit. C'est par une nuit de -45 degrés, au sud-est de Goose Bay, que Luc Bourgault s'est gelé les mains. Il attendait son coéquipier parti chercher des pièces pour remplacer une suspension brisée. «J'ai sorti les mains de mes mitaines pendant une minute pour me faire un feu; une demi-heure plus tard, j'avais les doigts gelés dur, s'est-il rappelé. Mon corps s'est ensuite retrouvé en hypothermie, si bien que quand je suis arrivé à l'ambulance, quatre heures plus tard, ma température corporelle était à 30 degrés. J'en ai perdu de grands bouts...»

«La terre que Dieu donna à Caïn» - c'est comme ça que Jacques Cartier a surnommé le rude pays quand il a navigué le long des côtes du Labrador au XVIe siècle - n'est pas tendre envers ceux qui osent la défier en plein hiver. L'an dernier, seulement 8 des 29 équipes inscrites ont réussi à franchir les quelque 3300 kilomètres de l'épreuve. En 2012, à leur première participation, Luc Bourgault et Joël Couture ont pourtant inscrit une étonnante 10e place. Des 35 équipages inscrits, 18 ont abandonné et 3 autres n'ont pas été classés, ayant accumulé plus de 18 heures de retard sur les meneurs. «À notre première expérience, l'objectif était de terminer l'épreuve, a reconnu Luc Bourgault. Dans nos rêves les plus fous, on se voyait terminer dans les 10 premiers. On y est arrivé.»

Sur les traces de l'Iditarod

À l'autre bout du continent, les concurrents de l'Iron Dog sont en piste au moment même où vous lisez ces lignes, en direction de Nome, en reprenant grosso modo le tracé de l'Iditarod, une célèbre course de traîneaux à chiens organisée sur la trace du chemin de ravitaillement hivernal utilisé à la fin du XIXe siècle. À la différence des mushers (pilotes d'attelage), les motoneigistes reviennent toutefois vers l'est pour conclure la course à Fairbanks.

Si l'Aventure de Caïn est une épreuve qui se déroule hors piste - il est interdit de rouler en sentier, sur des routes ou des chemins de fer, et seules les coordonnées GPS des points de passage sont connues -, l'Iron Dog est une course de snocross d'endurance dont la première présentation remonte à 1984. Le sentier n'est pas balisé, mais le tracé précis est communiqué aux concurrents, si bien que les vitesses y sont beaucoup plus élevées qu'au Cain's Quest. Alors que les motoneiges inscrites à l'Aventure de Caïn sont généralement des machines de montagne, l'Iron Dog est fait sur mesure pour les bolides de sentier - BRP propose d'ailleurs cet hiver une édition spéciale «Iron Dog» de sa performante MXZ. Les vitesses atteintes dépassent allègrement les 160 km/h, alors que l'on frôle rarement les 130 km/h lors de l'Aventure de Caïn, les motoneiges étant ajustées pour glisser sur des surfaces non damées.

Certains athlètes ont participé à la fois à l'Aventure de Caïn et à l'Iron Dog. Mais Luc Bourgault et Joël Couture disent préférer le hors-piste du Labrador aux tracés ultrarapides de l'Alaska. Le duo québécois veut d'ailleurs prendre les moyens de s'illustrer en 2016 et oublier la mésaventure de 2014. «On va se rendre au Labrador fin janvier, début février pour faire la reconnaissance du tracé, a indiqué Luc Bourgault. On va le faire avec des motoneiges utilitaires, probablement en se jumelant avec des amis concurrents. On n'a pas le choix, certains font même du repérage en avion!»

Bien qu'il aborde la compétition avec tout le sérieux du monde, le duo québécois n'est tout de même pas là pour la bourse ou la renommée. «On filait de nuit sur la banquise, en direction de Naim, quand le soleil s'est subitement levé à l'horizon, s'est remémoré le motoneigiste. C'était comme si on avait allumé l'interrupteur d'un coup sec. C'était immense, on n'a pas eu le choix d'arrêter. Ça te fait comprendre pourquoi tu fais ça.»