C'est la deuxième compétition de sport motorisé en ancienneté aux États-Unis après l'Indianapolis 500. Non, il ne s'agit pas de l'une de ces courses organisées sur un ancien hippodrome ou sur un anneau de vitesse en bois franc. Le Pikes Peak, dont les activités commençaient lundi à l'ouest de Colorado Springs pour culminer avec la finale dimanche, est le plus fameux vestige des courses de côte, la première forme de course automobile de l'histoire.

Ce qui rend la course encore plus étonnante est son circuit, construit il y a 100 ans; c'est l'hôtelier Spencer Penrose qui a fait construire la route, qui serpente sur quelque 20 km avant d'atteindre le sommet de Pikes Peak, à 4302 mètres d'altitude. Construite pour 500 000 $, une somme colossale pour l'époque, il s'agissait alors de la route carrossable la plus élevée sur la planète. Un an après son inauguration, M. Penrose a voulu faire la promotion de sa route et de Colorado Springs en y organisant une course. Jamais il n'aurait pensé que l'épreuve en serait cette année à sa 93e présentation.

Il y a des courses de côte, et il y a le Pikes Peak. Rares sont les tracés où l'oxygène se raréfie au point où les moteurs à combustion perdent jusqu'à 30% de leur puissance en raison de l'altitude - on ne les appelle pas moteurs atmosphériques pour rien. Il en va de même pour les pilotes, qui doivent être au sommet de leur condition physique, leurs réflexes, endurance et force musculaires étant aussi affectés à mesure que l'air se fait plus rare. Sans compter que les conditions climatiques peuvent changer considérablement quand on gagne en altitude - certaines courses ont commencé sous le soleil pour se terminer sous les flocons!

Le tracé de Pikes Peak Highway, originalement construit sur les bases rudimentaires d'un chemin pour voitures à cheval, a peu changé au cours des années. Par contre, il a été entièrement pavé entre 2002 et 2011, à la suite de considérations environnementales - les quelque 68 000 tonnes de gravier qui étaient étendues chaque année pour entretenir la route se retrouvaient invariablement dans la nature. Sinon, les pilotes d'aujourd'hui doivent avoir en tête les mêmes 156 virages du sinueux tracé de 19,99 km - c'est plus encore que la Nordschleife du Nurburgring - tout en composant avec des vitesses de plus de 240 km/h et en faisant fi du fait qu'en cas de fausse manoeuvre, il est possible de terminer sa course dans le creux d'un ravin de plusieurs centaines de mètres de profondeur...

Le tracé

Longueur: 19,99 km

Virages: 156

Largeur en ligne droite: 6,1 m

Largeur en virages: de 6,1 m à 15,24 m

Altitude au départ: 2862 m

Altitude à l'arrivée: 4302 m

Gain en altitude: 1439 m

Degré d'inclinaison moyen: 7%

Photo fournie par Pikes Peak International Hill Climb

Les catégories

Unlimited: véhicules sans limite de puissance ou de conception

Open Wheel: monoplaces et buggys

Pikes Peak Open: voitures modifiées dont l'apparence se rapproche des véhicules de série; les bolides de rallye figurent dans cette catégorie.

Time Attack: véhicules de production à 2 ou 4 roues motrices

Exhibition: véhicules hors catégorie, ce sont souvent des véhicules utilisant des carburants «alternatifs».

Vintage: véhicules anciens (construits avant 1990)

Electric: véhicules électriques

Motos, quads et side-cars: répartis en plusieurs classes en fonction de leur cylindrée, du type de moteur et de leur âge.

Record absolu

Le constructeur français Peugeot décide en 2013 d'engager un véhicule taillé sur mesure pour Pikes Peak, avec des ailerons démesurés poussant encore un peu plus loin l'allure caractéristique des bolides ultimes de classe Unlimited. La Peugeot 208 T16 Pikes Peak affiche un rapport poids/puissance de 1 ch/kg (875 ch/875 kg), grâce à un V6 biturbo de 3,2 L qui lui permet une accélération de 0 à 100 km/h en 1,8 seconde. Et pour dompter la bête, nul autre que le meilleur pilote de rallye de tous les temps, Sébastien Loeb. Il atteint le sommet en 8:13,878, fracassant le record précédent de plus d'une minute et demie. Pour la petite histoire, le premier vainqueur de l'épreuve, Rea Lentz, avait remporté l'épreuve en 20:55,6...



Le Français Sébastien Loeb a fracassé en 2013 le record de l'ascension du Pikes Peak, au Colorado, au volant d'une Peugeot spécialement construite pour l'occasion. Photo: AFP

Toujours plus vite

1916: Rea Lentz, Romano Demon Special, 20:55,600

1932: Glen Shultz, Shultz/Stutz Special, 16:47,200

1958: Bobby Unser, Unser Special, 13:47,900

1968: Bobby Unser, Rislone Special, 11:54,900

1987: Walter Rohrl, Audi Sport Quattro, 10:47,850

2011: Nobuhiro Tajima, Suzuki SX5, 09:51,278

2013: Sebastien Loeb, Peugeot 208 T16 Pikes Peak, 08:13,878



Le salut électrique

Détrôné en 2013 par le coup d'éclat de Sébastien Loeb, le vétéran Rhys Millen tentera de gagner cette année au volant d'une voiture électrique, ce qui serait une première. C'est l'objectif visé - on parle de fracasser la barre des neuf minutes -, on ne fait donc pas référence au record absolu de Loeb. Mais le bolide que conduira Millen cette semaine est tout simplement impressionnant: la PP03, conçue par la jeune entreprise lettonne eO, est la première voiture électrique de plus d'un mégawatt. Son rapport poids-puissance est ainsi supérieur à la Peugeot 208 Pikes Peak. Ses quatre roues sont propulsées par six moteurs, son couple maximal est de 1593 lb-pi et sa vitesse de pointe, de 260 km/h. Y a-t-il péril en la demeure pour Loeb et Peugeot?

Photo fournie par Drive eO

La voiture de course électrique eO PP03.

La «montagne» Unser

Louis Unser émigre de Suisse au tournant du XXe siècle pour s'installer au pied de Pikes Peak. Habile mécanicien, il transmet sa passion à ses fils, qui participent à la course de côte dès 1926. Son petit-fils Bobby est encore à ce jour considéré comme le roi de la montagne, avec ses 13 victoires, dont 10 au classement général. En tout, huit membres de trois générations d'Unser ont remporté 38 titres, de 1934 à 2003, la dernière en date étant la fille de Bobby, Jeri, gagnante en catégorie Electric. La renommée des Unser a toutefois porté ombrage à Leonard, Clint et Codie Vahsholtz, qui ont supplanté les Unser avec 41 titres de 1981 à 2014, mais le plus souvent dans des catégories moins prestigieuses.

Photo fournie par Pikes Peak International Hill Climb

Bobby Unser en 1956, après la première de ses 13 victoires au Pikes Peak International Hill Climb.