La Presse Auto/MonVolant a interrogé 10 personnes qui, à la fois, gravitent autour de l'automobile et sont complètement indépendantes de cette industrie. Une seule question leur a été posée: êtes-vous pour ou contre la voiture électrique? Les réponses sont tranchées. De toutes ces personnes interrogées, aucune n'est fondamentalement contre la voiture électrique. Elle représente l'avenir de l'automobile. À long terme. Mais plusieurs s'interrogent et remettent même en cause cette orientation récente prise par les constructeurs, orientation relayée par des autorités politiques parfois enthousiastes et véhiculée par une machine médiatique qui s'emballe. À tort? Pour les uns, il faut sauter dans le train immédiatement. Pour les autres, on confond vitesse et précipitation.

POURQUOI ÊTRE POUR

Sylvain Castonguay, Directeur technique du Centre national du transport avancé

Sylvain Castonguay achèterait la Nissan Leaf demain matin s'il le pouvait. Il est pour la voiture électrique, car, selon lui, elle permettra de ne plus être dépendant du pétrole et d'exploiter une énergie renouvelable dans nos déplacements. Et la chimie lithium-ion s'annonce très performante pour gagner en autonomie, croit-il.

«La voiture électrique est la seule qui va être indépendante du pétrole. Les hybrides ont fait la démonstration de leur efficacité. Mais cela devrait être le standard aujourd'hui. Les hybrides sont une manière de maintenir les moteurs thermiques pour un autre siècle.»

Michel Gou, Professeur associé en génie mécanique à l'École polytechnique de Montréal

Pour Michel Gou, la voiture électrique est une des solutions pour réduire la pollution et son existence est justifiée dans la mesure où les ressources pétrolières ne sont pas éternelles. Dans la pratique, il attend de les voir rouler.

«Cela reste expérimental en fait comme voiture. S'il y a des problèmes, les clients vont les accepter comme faisant partie de l'expérience. Il y a toujours des preneurs pour des nouvelles technologies. C'est une bonne idée qui offre de meilleures caractéristiques. L'hybride n'est pas viable à long terme. Entre une voiture normale et une hybride, je ne vois pas énormément d'avantages.»

Photo Éric Descarries, collaboration spéciale

Michel Gou.

Germain Ferrer, Chauffeur de taxi hybride

Germain Ferrer est l'un des tout premiers (et rares) chauffeurs de taxi sur l'île de Montréal à travailler avec un véhicule hybride. Pour lui, la voiture électrique est inappropriée dans l'immédiat «d'un point de vue professionnel».

«À cause de l'autonomie, les critiques voient l'avenir dans l'hybride. C'est difficile de faire des reproches à l'électrique tant qu'on n'en fait pas un certain usage. Il faut laisser le temps faire. Je crois que dans quatre ou cinq ans, on aura gagné en autonomie. Je suis pour la voiture électrique du moment que l'autonomie puisse dépasser ou approcher les 300 km.»

Kim Cornelissen, Consultante en développement régional et international chez Bebop et cie

Convaincue par les biogaz, Kim Cornelissen reconnaît cependant que la technologie électrique est plus appropriée pour le Québec. L'impact environnemental est évidemment très séduisant. Mais il y a des écueils à éviter.

«La bonne stratégie, c'est le 100% électrique. Mais le plus important, c'est le changement de comportement. Il faut tester les choses, il faut commencer quelque part. Si on ne lance pas un signal très fort qu'on y va, on sera dans la même situation au Québec dans quelques années. Ma seule inquiétude est que la voiture électrique devienne une deuxième ou troisième voiture. Le coût est un méchant frein. Un prix prohibitif est le meilleur moyen pour tuer une voiture.»

Photo Alain Roberge, archives La Presse

Germain Ferrer.

George Iny, Président de l'Association pour la protection des automobilistes

Pour George Iny, l'avenir à moyen terme - dans un horizon de 10 ans - réside dans le moteur à combustion amélioré et dans l'hybride qui, fait-il remarquer, est présent dans l'automobile depuis longtemps et pas seulement en terme de motorisation. Alors que le Québec est «l'équivalent de l'Arabie Saoudite pour l'électricité», les gens n'achèteront pas de véhicules électriques tant et aussi longtemps que le temps de recharge et l'autonomie ne remplaceront pas le moteur à essence, pense-t-il.

«Il est possible que l'on reste avec l'hybride plus de 10 ans. Cela a pris beaucoup de temps avant que l'on voie les avantages des véhicules hybrides. Pour l'électrique, va-t-on trop vite en matière de production et de marketing pour l'électrique? Peut-être. En matière de technologie et de modèle? Non. On pourrait connaître une implantation longue de 30 ans entre la Leaf et des véhicules électriques majoritaires. Il n'y a plus de questions à se poser, on aura des véhicules électriques.»

Photo André Tremblay, archives La Presse

George Iny.

POURQUOI ÊTRE CONTRE?

Pierre-Olivier Pineau, Professeur agrégé spécialiste en politique énergétique aux HEC de l'UdM

Pierre-Olivier Pineau milite pour une mobilité économique, écologique et efficace. Il est opposé aux subventions accordées aux produits finis, mais est favorable à celles que l'on donne à la recherche.

«Je suis pour la voiture électrique, mais pas à tout prix et pas comme une solution à une panoplie de problèmes sur lesquels il est très important d'agir. Elle ne règle pas le problème de la nécessité de changer notre type de consommation énergétique. Si on va trop vite, les infrastructures de recharge ne seront utiles et utilisables que dans les banlieues. L'investissement public est énorme à l'heure où la chaussée coûte cher. L'objectif doit être la mobilité des personnes. Je suis pour la solution la moins coûteuse pour l'usager, mais qui apporte de meilleurs services.»

Daniel Breton, Président du mouvement citoyen écologiste Maîtres chez-nous 21e siècle

Pour Daniel Breton, la voiture électrique «n'est pas la panacée» et il est convaincu qu'elle n'est «qu'une petite partie de la solution à la réduction des gaz à effet de serre, à la dépendance au pétrole et à la perte de revenus». Et il ne croit pas non plus que les voitures hybrides vont être rapidement dépassées par les véhicules électriques.

«On ne peut pas sauter dans ce train-là. Cela ne remplit pas toutes les fonctions en Amérique du Nord. Il faut un changement de paradigme au niveau du transport. Il faut moins de transport individuel et moins de transport individuel énergivore.»

Pierre-Olivier Pineau.

Patrick Carpentier, ex-pilote automobile

Résidant aux États-Unis, Patrick Carpentier illustre sans doute le scepticisme qui anime bon nombre d'Américains à l'égard de la voiture électrique. Il nous confie qu'avec l'absence de passage à la pompe à essence que suppose ce véhicule, on s'interrogerait déjà là-bas quant à savoir qui payera les taxes destinées à entretenir le réseau routier qui sera utilisé d'ailleurs par ce genre de véhicule. L'ex-pilote est pour, mais il a des questions.

«Où ils vont mettre les batteries quand elles ne seront plus bonnes? Si tout le monde se connecte au réseau, qu'est-ce que cela va demander en électricité? N'est-ce pas un plan marketing pour vendre des voitures?»

Pierre Langlois, Auteur, physicien et consultant

«Est-ce que le Québec devrait aller vers le tout électrique? Je suis contre.» C'est ainsi que Pierre Langlois aborde la question de la voiture électrique. Il est contre, en raison de son autonomie insuffisante, de son coût trop élevé, de sa rentabilité inadéquate. Moins chère, la voiture hybride branchable est «la grosse logique» et elle minimise les infrastructures de recharge, selon lui.

«Non, on n'est pas dépendant du pétrole avec l'hybride branchable. (...) Oui, on va vers l'électrique, mais dans 25 ans. La Chevrolet Volt est la solution la plus intelligente pour l'instant. L'électrique, c'est pour les territoires restreints et isolés, pour le travail, pour les flottes de service. Ça vaut le coup pour 100 km parcourus par jour.»

Jean-Luc Fihey, Directeur du département de génie mécanique de l'ETS

Surpris par la vitesse à laquelle on se dirige vers le tout électrique, Jean-Luc Fihey n'est pas sûr que ce soit la voie à suivre à court terme. Il dit être un «étapiste». Et croit plutôt que l'hybride puis l'hybride branchable est la voie à suivre. Il dit oui à l'électrique pour un service public, mais non, dans l'immédiat, pour le quotidien.

«Si j'ai une voiture qui répond à mes besoins, je suis pour. Je me vois mal en acheter une maintenant à cause de l'autonomie réduite. (...) Cela oblige à avoir plusieurs voitures. Le gros changement va être le passage d'une hybride à deux moteurs à une hybride avec une génératrice (comme la Volt) qui est l'avenir à mon avis.»

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Photo Bernard Brault, archives La Presse

Patrick Carpentier.