La voiture à hydrogène fait son apparition sur les marchés. Après Honda et Hyundai, Toyota sort son modèle. Complexe mais propre, onéreuse mais autonome, elle ne laisse pas indifférent. Mais est-ce réellement une avenue prometteuse? Et est-ce aussi séduisant que cela en a l'air? Réponses.

Comment ça marche

Une voiture à hydrogène est mue par un moteur électrique dont le carburant reste l'électricité. Celle-ci est produite par une pile à combustible qui a besoin pour cela d'oxygène et... d'hydrogène. Complexe comme auto, mais facile à comprendre.

1- La pile est dite «à combustible» car l'hydrogène a la capacité de brûler. Cette pile est donc alimentée en hydrogène et en oxygène. De l'oxydation de l'un avec l'autre naît un courant électrique, de l'eau - rejetée par un tuyau - et de la chaleur. La température pouvant monter à 80 degrés Celsius, la pile doit être refroidie.

2- Deux réservoirs contiennent l'hydrogène comprimé à l'état gazeux à une pression de 700 bars, soit 700 fois la pression atmosphérique moyenne à la surface de la Terre! Très résistants, ils sont faits de fibre de carbone et de fibre de verre renforcées de doublures en plastique. Du polymère assure l'étanchéité.

3- L'oxygène de l'air - filtré - est pulsé par un compresseur dans la pile.

4- Ce que les constructeurs appellent le convertisseur sert à augmenter la tension à la sortie de la pile à combustible, jusqu'à 650 volts, afin de perdre le moins d'énergie possible.

5- Ce module contrôle la puissance issue de la pile à combustible ainsi que la charge et la décharge de la batterie, dans les diverses conditions de conduite.

6- Tout comme dans une voiture 100% électrique à batterie, le moteur est électrique et sa puissance varie d'un constructeur à l'autre, de 100 kW (Hyundai) à 113 kW (Toyota).

7- Au lithium ou au nickel métal hydrure, une batterie récupère l'énergie cinétique générée au freinage. Elle la redistribue à l'accélération ou à faible vitesse. Elle peut remplacer la pile temporairement ou être alimentée par celle-ci. Sur la Miraï, sa prise de recharge est dans le coffre.

Pourquoi c'est séduisant

L'hydrogène présente quelques avantages majeurs qui simplifieraient le quotidien de bien des automobilistes branchés.

Le plein en 5 minutes

Don Romano, président de Hyundai Canada, sait se faire l'apôtre de l'hydrogène: «Le consommateur n'a pas à acheter une voiture qui doit être chargée pendant huit heures.» Le premier gros avantage que possède la voiture électrique à hydrogène par rapport à la voiture électrique à batterie est bien celui-ci. Le plein des réservoirs d'hydrogène peut se faire aujourd'hui en cinq minutes. Comme à la station d'essence.

500 km d'autonomie

C'est le deuxième grand avantage de la pile à combustible (PAC) par rapport à la batterie - exception faite des Tesla. «Ce n'est pas une voiture qui peut faire seulement 200 km après lesquels le consommateur commence à se demander: "qu'est-ce que je vais faire"?», illustre Don Romano. En 2009, dans le cadre d'un programme d'essais, la Mercedes Classe B à hydrogène pouvait déjà parcourir 400 km. L'autonomie déclarée de la Toyota Miraï, qui arrive progressivement sur les marchés, est aujourd'hui de 500 km. Celle du Hyundai Tucson FCEV, de 425 km environ.

Zéro émission

Comme toute voiture 100% électrique à batterie qui se respecte, la voiture à hydrogène n'émet aucun gaz d'échappement ou autre produit toxique. Il n'y a pas de combustion, elle a un moteur électrique, l'électricité est son carburant. Et comme sa cousine à batterie, mis à part ce léger bruit de turbine caractéristique de ces véhicules, elle est silencieuse.

Des rejets d'eau

La voiture à hydrogène est tellement propre que ses seuls rejets sont de l'eau. Lorsque l'oxygène se combine à l'hydrogène, dans la pile, il se forme de l'eau. Cette réaction crée de la chaleur. Une telle voiture perdrait ainsi en moyenne 2,3 L d'eau aux 100 km, selon Pierre Gauthier, directeur du développement chez Air Liquide Canada.

Un élément abondant

L'hydrogène est l'élément chimique le plus abondant dans l'univers. Et le plus léger. Sur Terre, on le trouve dans le charbon, le gaz naturel, le pétrole, l'eau et les matières organiques. Abondance de biens ne nuit pas?

Durée de vie de 15 ans

La durée de vie d'une PAC pourrait être de 15 ans, comme nous l'explique John-Paul Farag, directeur Technologie et Groupe propulseur de pointe chez Toyota Canada. «Au cours de la mise au point de la pile à combustible, la durabilité de celle-ci a été l'un des principaux défis de nos ingénieurs. Sur la Miraï, la pile est conçue pour durer toute la vie du véhicule», dit cet ingénieur.

Photo fournie par Hyundai

Pourquoi c'est irrationnel

Si l'hydrogène est séduisant à bien des égards, sa production, son transport et son stockage nous ramènent à une dure réalité.

Extraction nécessaire

Paradoxalement, si l'hydrogène est abondant dans l'univers, il n'existe pas à l'état pur sur Terre. L'hydrogène n'est pas une énergie primaire qu'il suffit d'extraire du sous-sol. Il doit être produit pour ensuite participer à la production d'électricité. Il faut, pour cela, soit l'extraire des hydrocarbures, soit l'extraire de l'eau.

«Un carburant fossile»

Aujourd'hui, 95% de l'hydrogène est fabriqué à partir de carburants fossiles, principalement le gaz naturel. Le craquage du gaz consiste à séparer les atomes de carbone et d'hydrogène. Jusqu'à quatre fois moins coûteux que l'électrolyse, ce procédé génère cependant une quantité importante de dioxyde de carbone (CO2). Au point où une voiture à PAC émettrait, du puits à son réservoir, entre 25 et 50% plus de CO2 qu'une voiture électrique à batterie. Ce qui fait dire au physicien Pierre Langlois que «l'hydrogène est un carburant fossile déguisé».

Énergivore

L'hydrogène s'obtient proprement en faisant passer un courant électrique dans l'eau pour séparer l'hydrogène et l'oxygène qui la composent. C'est ce que l'on appelle l'électrolyse, efficace à 75% (25% de l'énergie initiale est perdue). Mais ce courant électrique doit idéalement être de source éolienne, solaire, géothermique ou hydroélectrique. «Au Québec, on peut faire ça proprement, mais une voiture à PAC consomme, du puits à son réservoir, trois fois plus d'électricité qu'une voiture électrique à batterie», affirme Pierre Langlois.

Volumineux

L'une des grandes faiblesses de l'hydrogène est qu'il faut beaucoup de volume pour avoir une quantité appréciable d'énergie (dans l'essence, l'énergie prend moins de place, par exemple). D'où la nécessité de comprimer l'hydrogène pour réduire son volume naturel. Et ainsi le stocker et le distribuer. Pour des raisons de sécurité, la pression est moins élevée dans les réservoirs des stations et dans les camions-citernes que dans les réservoirs d'une voiture. Et parce que l'hydrogène est très léger, il en faudrait 15 camions pour livrer l'équivalent d'un camion à essence.

Pas d'économie à la pompe

Autre inconvénient majeur, le coût de l'hydrogène «à la pompe» est plus ou moins identique à celui de l'essence. Pas attrayant comme concept en période d'inflation. Un véhicule du genre consomme 1 kg d'hydrogène tous les 100 km. La Toyota Miraï, par exemple, possède 5 kg de réservoir. L'hydrogène évalué à 14 $ le kilo donne un plein à 70 $ pour faire 500 km.

Ravitaillement difficile

L'absence d'infrastructures de distribution d'hydrogène rend aujourd'hui impossible toute commercialisation de voitures à PAC à une échelle même raisonnable. On compterait dans le monde moins de 250 stations à hydrogène, essentiellement dans des zones industrielles. Tout est à faire en ce domaine, au coût de plusieurs milliards de dollars. «Nous avons besoin d'entreprises privées, des autres constructeurs automobiles, des gouvernements, de tous ceux qui peuvent aider à construire une infrastructure d'hydrogène», a martelé, au salon de Montréal, Don Romano, président de Hyundai Canada.

Voiture coûteuse

Une pile à combustible, un bloc-batterie, des réservoirs à hydrogène, un convertisseur, la voiture à hydrogène est plus complexe qu'une auto à essence ou électrique à batterie. Et le prix va de pair. La Toyota Miraï est vendue aux États-Unis à un prix initial de 58 325 $.

Photo Diego Giudice, archives Bloomberg

Ce qu'ils en disent

> Elon Musk, président fondateur de Tesla Motors: «C'est débile! Il est beaucoup plus efficace d'utiliser des panneaux solaires qui produisent de l'électricité destinée à recharger la voiture et à faire fonctionner le moteur directement.»

> Akio Toyoda, président de Toyota Motors: «Nous sommes aujourd'hui à un tournant dans l'histoire de l'automobile. Notre véhicule à pile à combustible fonctionne à l'hydrogène qui peut être fabriqué à partir de pratiquement n'importe quoi, même des ordures! Il dispose d'une pile à combustible qui crée suffisamment d'électricité pour alimenter une maison pendant environ une semaine.»

> Christian Menier, président de Nissan Canada: «On ne pense pas que l'hydrogène soit la technologie pour maintenant ou à moyen terme, ce sera beaucoup plus à long terme. Pensez au réseau de distribution d'hydrogène, on n'en est pas du tout là. On voit la difficulté déjà pour l'électricité. L'hydrogène, ce sera un autre niveau de difficulté qu'il faudra mettre en place.»

> Don Romano, président de Hyundai Canada: «L'hydrogène est la seule technologie qui permet au consommateur d'avoir un mode de vie normal sans avoir à se soucier de recharger. [...] Nous avons une autonomie illimitée avec l'hydrogène. [...] Tout ce dont vous avez besoin est de l'eau et de l'électricité. Nous avons des ressources abondantes au Canada. [...] L'infrastructure de distribution est absolument cruciale. La prochaine étape est de l'étendre.»

> Pierre-Luc Desgagné, vice-président, affaires publiques et gouvernementales, chez Hydro-Québec: «On pense que le problème qu'il y a avec l'hydrogène, c'est le réseau de distribution. Alors que la beauté de l'électricité, c'est que le réseau est déjà déployé. Nous, tout ce que l'on a à faire, c'est d'installer des bornes de recharge qui sont fondamentalement des outils simples à installer. On demeure attentif au développement de l'hydrogène, mais on n'est pas préoccupé. Notre priorité, c'est la recharge électrique.»

> Jerome Guillen, vice-président principal des ventes et services après-vente de Tesla Motors: «Nous sommes la plupart d'entre nous des ingénieurs et nous nous rendons compte que le concept de voiture électrique est quand même beaucoup plus fort avec une batterie. Si la pile à combustible était si bonne que ça, vous en auriez une dans votre ordinateur ou votre téléphone portable.»

Propos recueillis par Sébastien Templier

Autres sources: Toyota, ElektronikPraxis