Tesla, le fabricant américain de voitures électriques premium, avait orchestré il y a un an son arrivée très médiatisée en Chine: depuis, ses ventes patinent loin des ambitions affichées, freinées par les réticences du public et le manque d'infrastructures.

Après avoir fait fortune grâce à la compagnie de paiement sur l'internet PayPal, l'entrepreneur Elon Musk s'est distingué par les lancements de fusées de sa société Space X.

Mais ses aventures aérospatiales pourraient peut-être lui réserver moins d'embûches que le développement en Chine de Tesla - dont Musk est également le cofondateur et l'actuel patron.

L'homme d'affaires d'origine sud-africaine a récemment reconnu que les ventes de Tesla sur le premier marché automobile mondial étaient décevantes et en deçà des prévisions initiales (non détaillées publiquement).

«La Chine est le seul endroit sur Terre où nous accumulons des stocks d'invendus», s'est désolé Elon Musk auprès de journalistes chinois.

Et d'accuser volontiers des «spéculateurs» d'avoir passé commande après le battage médiatique des premiers mois, avant de refuser leurs livraisons sans acquitter la facture.

Pour quelque 2500 unités écoulées l'an dernier en Chine, Tesla compterait désormais plus de 2000 véhicules invendus, selon la presse locale, qui a rapporté en mars que le constructeur californien allait réduire d'un tiers son nombre d'employés dans le pays.

Infrastructures balbutiantes

Certes, Tesla mise toujours sur le géant asiatique, et il sera en bonne place lundi parmi les exposants du salon de l'automobile de Shanghai.

Mais de l'avis général, des facteurs clefs entravent l'essor des voitures électriques sur les routes chinoises: les vives inquiétudes des acheteurs sur la sécurité et l'autonomie, ainsi qu'un manque criant d'infrastructures.

À l'heure où ils y faisaient des débuts en fanfare, «Musk et son équipe n'avaient qu'une compréhension très limitée du marché chinois», observe Gong Yan, professeur de la China Europe International Business School.

«L'accueil hystérique [des médias et du public] à l'époque à dû conforter les malentendus initiaux, et ils ont gonflé bien trop rapidement leurs objectifs de vente», relève-t-il.

Pour convaincre les éventuels acquéreurs, Tesla s'engage à fournir gratuitement un équipement de chargement et un accès gratuit à son réseau d'une cinquantaine de stations de «super-chargement» en Chine continentale - où on peut recharger ses batteries en une heure.

En proie à une pollution atmosphérique endémique, Pékin encourage activement les ventes de «véhicules verts», électriques ou hybrides, à l'aide d'incitatifs fiscaux.

Et les compagnies d'électricité étatiques sont à pied d'oeuvre pour édifier des stations de charge à travers le pays.

Mais Neo Wang, fondateur de ChargerLink - un constructeur chinois d'infrastructures de chargement - admet l'ampleur de la tâche.

Cet ex-responsable d'Intel a parcouru en Tesla 3000 km entre Pékin et Shenzhen (sud), mais recharger la voiture tous les 350 km s'est avéré «un cauchemar», raconte-t-il à l'AFP, expliquant avoir dû demander secours aux hôtels sur son chemin.

Prix élevés, rivaux en embuscade

«La principale inquiétude des gens est la façon dont se recharger et l'autonomie. Il n'y aura pas de développement de la voiture électrique si les infrastructures restent insuffisantes», insiste M. Wang.

Des prix de vente élevés, alourdis par les taxes d'importation, ne contribuent guère à attirer les clients: le modèle Tesla S coûte de 685 000 à 983 000 yuans (135 000 à 194 000 dollars), bien plus qu'aux États-Unis.

Et les généreuses subventions offertes par Pékin aux acheteurs de voitures électriques ne concernent pas les véhicules importés, Tesla n'en bénéficie donc pas.

Ce qui n'a pas échappé à Elon Musk, qui projette désormais de produire des Teslas en Chine même d'ici à trois ans.

Des standards plus stricts en termes d'émissions et de consommation en carburant, tout comme des quotas d'immatriculations réduits dans les principales métropoles, devraient en principe favoriser les ventes d'automobiles «vertes».

La marge potentielle de progression est colossale.

Près de 26 600 véhicules électriques ou hybrides y ont été écoulés au premier trimestre 2015, selon la fédération professionnelle CAAM: trois fois plus qu'un an auparavant, mais cela représente toujours moins de 1 % des ventes automobiles totales.

«Il y a toujours une niche pour certains produits», renchérit Namrita Chow, analyste de l'institut IHS Automotive, qui décrit justement une concurrence accrue sur ce créneau.

Tesla, bien qu'auréolé de son image «high-tech» innovante, doit ainsi affronter les voitures électriques «i3» et hybrides «i8» de l'allemand BMW, tandis que le constructeur chinois spécialisé BYD diversifie son offre.