De puissants constructeurs allemands travaillent à des concurrentes des automobiles électriques de luxe Tesla, au moment où cette entreprise américaine, vedette de la Bourse, ambitionne de s'étendre en démocratisant son offre.

Au salon automobile de Francfort, qui ouvre ses portes mardi à la presse, Audi a présenté un prototype baptisé «e-tron Quattro» préfigurant un multisegments (4x4 urbain) électrique attendu en 2018. La marque sportive Porsche, également adossée au groupe Volkswagen, a elle aussi montré une voiture-concept électrique, la «Mission E».

Volkswagen, dont le patron Martin Winterkorn a insisté lundi soir sur l'engagement «clair» du groupe quant à la mobilité électrique, promet des autonomies de 500 kilomètres pour ces deux voitures et l'Audi a déjà été surnommée «tueuse de Tesla» par la presse spécialisée.

La marque aux anneaux l'utilise «clairement pour montrer qu'elle ne va pas se laisser marcher dessus par Tesla» qui jusqu'ici n'a pas de concurrent sur le segment haut de gamme, juge François Jaumain, du cabinet PwC.

De fait, l'Audi est dévoilée peu avant la commercialisation par la société californienne de son nouveau modèle, le multisegments «Model X», qui ne fait pas le déplacement en Allemagne.

Cette auto doit permettre à la société de monter en cadence, après la berline «Model S» lancée en 2012, qui revendique jusqu'à 500 km d'autonomie.

Mais, vendus entre 70 000 et 140 000 dollars, les Model S et X sont réservés aux plus nantis. Le PDG de Tesla, Elon Musk, a promis pour dans deux ans la «Model 3», une berline à quelque 35 000 dollars.

Malgré des incitations fiscales généreuses, la part des voitures électriques n'a pas dépassé 1% du marché du neuf aux États-Unis ni dans l'Union européenne au premier semestre 2015. Désavantagé par le pétrole bon marché, le segment connaît pourtant des taux de croissance à deux voire trois chiffres dans certains pays.

«Une très forte progression dans un verre d'eau», relève Laurent Petizon, du cabinet AlixPartners.

Tesla a parié sur une expansion durable en lançant au Nevada la construction d'une usine géante de batteries pour la Model 3, et M. Musk a assuré que son entreprise serait en mesure de produire un demi-million de voitures en rythme annuel en 2020, soit 10 fois ses objectifs de vente pour 2015.

BMW et Mercedes en embuscade

Il a aussi prédit que Tesla pourrait enfin dégager un bénéfice net dans cinq ans, alors que la marque a brûlé environ un milliard de dollars au premier semestre.

Cela n'empêche pas le titre d'être l'une des coqueluches de Wall Street où son cours a été multiplié par huit depuis début 2013, valorisant l'entreprise à plus de 30 milliards de dollars.

«Tesla est aussi follement surévaluée que les actions de sociétés internet à la fin des années 1990», avant l'éclatement d'une bulle spéculative, mettait en garde fin août l'éditorialiste du New York Times Joe Nocera.

«C'est une start-up. La valorisation d'une start-up est celle d'un modèle d'affaires», rétorque Yann Lacroix, expert du secteur automobile chez l'assureur Euler Hermes. Il émet toutefois des doutes quant à une forte croissance de l'électrique. «Sauf à subventionner, sauf à mettre des contraintes, tant qu'on n'aura pas une offre concurrentielle je ne vois pas le marché exploser», affirme-t-il.

Après le groupe Volkswagen, Mercedes-Benz (Daimler) fourbit aussi ses armes anti-Tesla. Son chef de la recherche et développement Thomas Weber a confié au journal spécialisé Auto Motor und Sport au début de septembre que son entreprise travaillait «à un concept intelligent pour un véhicule électrique hautement attractif, disposant d'une autonomie de 400 à 500 kilomètres». Son concurrent BMW semble lui aussi décidé à étoffer sa gamme électrique, après la sportive hybride i8 et surtout la citadine tout-électrique i3.

Tesla est-il en train de manger son pain blanc? Dans l'automobile, «c'est la prime aux gros», prévient Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem de l'automobile, «les concurrents auront certainement des capacités en terme de volumes qui permettront d'avoir des coûts de production compétitifs».