Comment fonctionne le moteur à air comprié AirPower? Et est-il efficace ? Voyons ça avec Daniele Cauzzi, professeur de chimie inorganique à l'Université de Parme. Et avec Pierre Villeneuve, président de Set Energy.

Sa présentation vise à démontrer « pourquoi le moteur utilise complètement l'énergie qu'il prend, au contraire des autres moteurs, qui gâchent de l'énergie », dit-il.

Le système utilise de l'énergie fournie par l'air ambiant pour accroître son efficacité. Il fonctionne ainsi avec 30 % d'air comprimé et 70 % « d'air du petit Jésus », selon l'expression du designer industriel Michel Dallaire.

image fournie par airpower

Un schéma du système de moteur à air comprimé

De l'air plus pur à la sortie qu'à l'entrée

Grâce au filtre fixé au système, l'air froid expulsé est plus pur qu'à l'entrée, ce qui permet aux promoteurs de soutenir que leur moteur est « à émission négative ».

1) Boîtier d'aluminium

Le dispositif est un boîtier d'aluminium usiné qui s'ajuste sur un moteur ordinaire à quatre cylindres, à la place de sa culasse. Il transforme en même temps son cycle à quatre temps en cycle à deux temps.

Plutôt que d'être poussés par l'explosion d'un mélange air-carburant, les pistons sont mus par une arrivée soudaine d'air comprimé. « L'explosion est un éternuement », exprime joliment Jean-Eudes Tremblay.

2) Valve d'admission

Le secret réside dans la valve d'admission, placée au sommet du cylindre. À l'apogée de sa course, la tête de piston soulève cette soupape et laisse entrer l'air comprimé. Lorsque le piston commence à redescendre, la soupape retombe et se ferme.

« L'admission est réglée par le mouvement du piston, indique Daniele Cauzzi. Il n'y a pas de contrôle électronique, pas d'explosion difficile à régler. » 

3) Arbre à cames

Seule la soupape qui laisse sortir l'air pendant la remontée du piston est commandée par un arbre à cames. 

4) Refroidissement et décompression



Le piston est repoussé par la pression de l'air comprimé. Durant sa descente, l'air se refroidit et se décompresse, jusqu'à atteindre la pression atmosphérique et une température de - 109 °C. Une valve unidirectionnelle, que la pression interne gardait jusqu'alors fermée, s'ouvre à ce moment pour admettre de l'air ambiant dans le cylindre. « Si le moteur était complètement fermé, on ferait le vide et on aurait un travail négatif », souligne Daniele Cauzzi.

Cet air de l'extérieur est plus chaud que l'air décompressé et lui transmet cette énergie thermique.

5) Turboalternateur

La réduction de pression entre le réservoir (400 bars) et le moteur (40 bars) est effectuée au moyen d'un turboalternateur, qui transforme cette détente en électricité. Celle-ci sert à réchauffer l'air comprimé avant son admission dans le moteur. Un échangeur thermique avec l'air ambiant peut y ajouter son effet.

« La chaleur sert à obtenir le même travail en utilisant moins d'air comprimé, explique Daniele Cauzzi. Et en plus, on évite au moteur de devenir froid et de geler. »

Mais est-ce efficace ?

Selon ses promoteurs, une modélisation reproduisant le cycle de conduite automobile européen du Motor Vehicle Emissions Group (MVEG) a démontré qu'un véhicule de 1,6 tonne pourrait parcourir 200 km avec un réservoir de 1 m3 d'air comprimé à 400 bars.

Le système AirPower présente l'avantage de s'adapter aux moteurs existants.

Le moteur demeure tiède et propre. Il ne laisse pas de résidus de combustion et il fonctionne à la moitié de la pression produite par une explosion. Sa durée de vie est prolongée en conséquence.

Tout considéré, « le coût par kilomètre va être environ 50 % du coût de l'essence ou du diesel », estime Pierre Villeneuve.

UNE FAÇON DE STOCKER L'ÉNERGIE

Bien sûr, cet air doit d'abord être comprimé : c'est pourquoi il faut voir ce système comme une manière alternative, efficace et non polluante de stocker et d'utiliser de l'énergie.

À l'encontre d'une pile, le réservoir d'air comprimé conserve cette énergie presque indéfiniment - à tout le moins durant la vie utile du réservoir. Au contraire d'une pile, dont le poids demeure constant, il s'allège à mesure que l'énergie est utilisée. Hormis le réservoir lui-même, il ne subsiste aucun matériau toxique ou polluant à recycler en fin de vie utile.

LES USAGES

AirPower serait idéal pour les autobus et autres véhicules roulant dans des circuits en boucle qui ramènent le véhicule à sa base. Photo: François Roy, Archives La Presse

À défaut de stations de recharge sur son trajet, le moteur AirPower trouverait son utilité dans les circuits en boucle qui ramènent le véhicule à sa base : autobus urbains ou scolaires et véhicules de livraison, par exemple. 

C'est avec ces derniers que WREG-AirPower veut faire ses premiers pas.

En parallèle, ils veulent aussi explorer l'avenue des autobus urbains. « La STM a été tout de suite impliquée par M. Coderre », informe Jean-Eudes Tremblay. Un autobus sera mis à la disposition du groupe.

QU'EN PENSENT LES PARTENAIRES POTENTIELS ?

Deux représentants d'Air Liquide Canada, Renaud Azières, directeur principal, développement, ventes réseaux, et Pierre Gauthier, chargé de mission pour les activités et technologies avancées, ont assisté à la première démonstration du moteur, dans les locaux du Centre de l'entrepreneurship technologique (Centech) de l'ETS. 

« Le moteur à air comprimé existe depuis énormément d'années. La grande question pour moi, c'est de savoir si des fabricants de moteurs vont être intéressés à adopter la technologie », souligne Pierre Gauthier, évoquant les difficultés des véhicules à l'hydrogène.

« Aussitôt que des véhiculistes commencent à être intéressés, ajoute-t-il, nous pouvons les supporter. » 

Air Liquide pourrait mettre son expertise à profit pour résoudre les problèmes de sécurité, de stockage, de thermodynamique...

« C'est là où on arrive et on aide à réduire les coûts de l'appropriation d'un système comme celui-là », indique Pierre Gauthier.