Étudiée en commission parlementaire depuis la semaine dernière, la loi « zéro émission » chère au gouvernement du Québec prend forme et suscite approbations et objections. Dans le concert d'avis donnés depuis quelques jours, CAA-Québec estime qu'elle est prématurée et craint que le consommateur ne se voie refiler la facture par les constructeurs.

« Nous ne sommes pas contre une loi "zéro émission", mais on la trouve prématurée et elle risque d'avoir un effet à la hausse sur l'ensemble des véhicules, quels qu'ils soient. Un manufacturier X pourrait avoir à payer des sommes importantes parce qu'il ne respecte pas les critères, et s'il est tenu de payer des pénalités, il va refiler la facture à ses consommateurs », estime Sophie Gagnon, vice-présidente aux communications et affaires publiques de CAA-Québec.

Obligations et sanctions financières

Une loi « zéro émission » telle que celle sur laquelle planche le gouvernement du Québec consiste à obliger tout constructeur automobile à vendre une quantité appréciable de véhicules électriques et hybrides branchables sur un territoire donné sous peine de sanctions financières. L'objectif premier d'une telle loi est de réduire les émissions de GES dues au transport de même que la dépendance au pétrole. Mais Québec veut également s'en servir pour stimuler la vente de véhicules électriques et hybrides branchables.

« On craint des effets pervers sur les prix des voitures neuves », ajoute Sophie Gagnon sans pour autant s'appuyer sur des études et des chiffres le démontrant.

Coûts supplémentaires

Rappelons qu'une loi « zéro émission » représentera un coût supplémentaire pour les constructeurs automobiles. Selon le nombre de véhicules à essence qu'il vend, un constructeur doit atteindre un nombre de crédits « zéro émission » qui correspond à un pourcentage de ventes annuelles de véhicules branchables. Produire et vendre un véhicule branchable donne un certain nombre de crédits. Plus les efforts sont importants, plus on a de crédits. Ce qui permet d'éviter des sanctions financières ou de vendre des crédits à d'autres constructeurs en retard dans l'offre de voitures électriques et qui doivent donc éviter une sanction.

« On va mettre une pression importante sur une portion des manufacturiers automobiles », insiste CAA-Québec, qui estime que d'autres mesures pourraient donner des résultats « plus intéressants » en matière de réduction des gaz à effet de serre. 

Au premier rang desquelles figure l'instauration d'un programme d'inspection et d'entretien « des 99 % de véhicules sur le marché qui fonctionnent actuellement à l'essence ». Contrôler les pollueurs et réduire leur nombre est la première chose à faire si l'on veut diminuer les gaz à effet de serre.

Oui, mais pas tout de suite

« Allons-y avec une loi "zéro émission" en temps opportun. D'ici là, agissons avec un programme d'inspection. Bonifions les mesures d'incitation à l'achat de véhicules électriques et donnons le temps aux manufacturiers de se préparer », plaide Sophie Gagnon.

L'association automobile préconise de « continuer à développer le phénomène de séduction » de la voiture électrique. Pour celle-ci, cela passe par une amélioration constante des infrastructures de recharge, une carotte financière plus grosse ou encore un appui à la recharge domestique à moindre coût.

Pour plusieurs observateurs, une loi « zéro émission » est la mesure-phare dont ont besoin les voitures électriques et hybrides branchables pour stimuler l'offre sur les marchés. Et donc la demande. Le gouvernement du Québec veut voir 100 000 véhicules électriques et hybrides branchables d'ici 2020.

« Vous ne pourrez pas, avec une loi "zéro émission" qui s'applique en 2018, mettre 100 000 voitures électriques sur les routes en 2020 », fait remarquer Sophie Gagnon. On ne peut la contredire, mais d'ici là, les constructeurs auront sans doute fait quelques efforts.