«J'ai maintenant l'impression d'avoir bouclé la boucle. J'ai fait ma job, j'ai laissé ma marque, j'en suis fort heureux, les gens vont pouvoir se souvenir de ce que j'ai fait.»

C'est avec ces mots que Jacques Duval a décrit les sentiments ressentis après son intronisation au Temple de la renommée du sport automobile canadien, le 23 avril, à Toronto. Il devenait ainsi le quatrième pilote automobile québécois à faire son entrée au Temple après Richard Spénard et les frères Gilles et Jacques Villeneuve.

«C'était très impressionnant, dit M. Duval, collaborateur de longue date à La Presse et coauteur du guide L'Auto. Il y avait beaucoup d'anciens, j'ai apprécié la sincérité visible dans les yeux et les paroles des gens qui ont témoigné.»

L'honneur réservé à Jacques Duval, aujourd'hui âgé de 76 ans, a permis de lever le voile sur un personnage central de l'histoire du sport automobile québécois, dont la contribution a été un peu oubliée avec les années. M. Duval voit d'ailleurs son intronisation comme une rédemption. «Au Québec, je n'ai pas été gâté par la reconnaissance du travail que j'ai fait, avoue-t-il. Cette nomination vient mettre un baume sur des plaies. Bien sûr, elles sont moins vives qu'elles étaient, on a tourné la page, mais l'aura des Villeneuve a un peu effacé ce que les pionniers avaient fait auparavant. C'est donc flatteur d'être reconnu par ses pairs.»

En effet, pour les plus jeunes, les succès - très mérités - de Gilles Villeneuve et plus tard de son fils Jacques ont semblé occulter tout ce qui s'est fait avant eux en course automobile chez nous. Et, selon plusieurs, c'est Jacques Duval qui a tracé la voie.

«Qu'on le veuille ou non, les Villeneuve sont arrivés à cause du fait qu'il y avait déjà de la course au Québec, parce que Duval pilotait et qu'il faisait parler de lui dans les médias», affirme Jacques Bienvenue, qui a roulé avec Jacques Duval dans les années 60 et 70. «C'est lui qui a défriché le terrain; nous, on a simplement eu à rouler dans le chemin qu'il a tracé.»

 

Palmarès étoffé

Jacques Bienvenue, qui est plus tard devenu chroniqueur automobile au Journal de Montréal, a fait ses premiers pas en course automobile au milieu des années 60 au circuit du Mont-Tremblant. L'un de ses entraîneurs était nul autre que Jacques Duval.

«J'ai eu la piqûre en suivant des amis au circuit de Saint-Eugène, en Ontario, à la fin des années 50», se rappelle M. Duval. La semaine suivante, il s'achète une Alfa Romeo. «Elle m'a coûté 5000$, j'ai simplement ajouté des ceintures de sécurité, mis du ruban sur les phares pour empêcher les éclats de verre et coller un numéro sur les portières», raconte-t-il.

Quelque temps plus tard, il troque son Alfa pour une Porsche, qui deviendra sa marque de prédilection. En 1967, il remporte le premier Grand Prix de Trois-Rivières au volant d'une Porsche 906 de type prototype; il gagne cinq fois le Championnat québécois de voitures de tourisme et devient en 1971 le premier pilote canadien à remporter les 24 Heures de Daytona en catégorie Grand Touring, grâce à une performance qui fait toujours date à ce jour: son coéquipier George Nicolas et lui ont terminé septièmes de l'épreuve, aucune voiture de catégorie GT n'ayant depuis réussi à terminer plus haut au classement général de la mythique épreuve.

 

Photo archives La Presse

Jacques Duval est devenu en 1971 le premier pilote canadien à remporter les 24 Heures de Daytona en catégorie GT.

Prenez le volant

Personnage public par sa présence à la radio et à la télé dans les années 60, Jacques Duval a joint ses passions pour la communication et l'automobile en 1966 en lançant l'émission-culte Prenez le volant, à Radio-Canada, quotidienne dans laquelle on voyait l'animateur piloter des voitures de série sur le circuit du Mont-Tremblant, piste qu'il avait lui-même contribué à mettre sur pied quelques années auparavant.

«Je suivais religieusement l'émission Prenez le volant, dit Richard Spénard, ancien pilote devenu entraîneur de renom. Pour un jeune comme moi, voir un pilote reconnu faire des essais sur une piste de course comme Tremblant était franchement excitant. C'est ce qui m'a amené à faire de la course.»

Pionnier de la course et du journalisme automobiles - «il a déniaisé le Québec sur la chose automobile», a dit le commentateur Pierre Houde sur les ondes de la radio de la SRC -, Jacques Duval reste à ce jour l'un des chroniqueurs automobiles les plus respectés. En plus d'avoir encore l'un des meilleurs coups de volant. «Malgré son âge, il reste un des meilleurs conducteurs dans le métier, a dit Richard Spénard. Lors d'un lancement Audi sur la glace, l'hiver dernier, il était l'un des meilleurs pilotes du groupe. C'est impressionnant.»

Le chroniqueur cajole d'ailleurs l'idée de piloter cet été à Tremblant une Porsche 934 turbo des années 90, une bête de près de 800 chevaux, à l'occasion du Grand Prix des Légendes. Quand le feu de la passion vous dévore, l'âge n'a pas d'importance.

M. Duval, nos respects, et surtout, merci!

Photo archives La Presse

Malgré le fait qu'il soit aujourd'hui âgé de 76 ans, Jacques Duval possède encore l'un des meilleurs coups de volant dans le milieu du journalisme automobile.