«Dans le monde du rallye-raid, il se disait que ce n'est pas très dur le rallye Aïcha des Gazelles.» Directeur sportif adjoint de cette épreuve féminine unique, Ludovic Taché se souvient encore de l'expérience de David Casteu et Éric Loizeau.

Le premier avait beau être champion du monde d'enduro et le second navigateur à la voile, ils ont déchanté il y a deux ans sur le parcours marocain. Invités à prendre part à trois étapes, les «hommes» n'ont, non seulement pas gagné une seule des étapes, mais ils n'ont en plus pas fait mieux qu'une 10e place à chaque fois.

Un joli pied de nez de la part des «filles». Un bon coup à l'orgueil des «gars».

«Le réflexe premier d'un gars, c'est la vitesse, alors que sur le rallye des Gazelles, il faut être patient, s'arrêter, faire le moins de kilomètres possible et aller plus lentement.» Parole de femme. Celle de la Montréalaise Marie-France Bussière, pilote de l'équipage no 136 qui prendra le départ du rallye pour la seconde fois mercredi.

«Ce n'est pas une course de filles», précise d'emblée sa navigatrice, Marie Tremblay.

Et comment! Le rallye Aïcha des Gazelles consiste à rallier l'arrivée sur la plus courte distance possible, sans être la plus rapide et tout en trouvant les balises qui jalonnent le parcours d'une longueur totale de 2500 km. Le tout avec pour seuls instruments de navigation une boussole et une carte topographique datant des années 60... Interdits les téléphones et ordinateurs portables, bannis les appareils photo à longue focale, proscrits les jumelles. Et les montres GPS évidemment.

À la dure

Le quotidien représente une quinzaine d'heures de conduite, quatre à cinq heures de sommeil sous la tente, des rations d'armée comme repas, des tempêtes de sable. C'est aussi pelleter et tracter dans les dunes par 40 degrés Celsius. Changer un pneu sous le soleil de midi.

«C'est surtout difficile psychologiquement, témoigne la Longueilloise Josée Roberge qui participe avec Julie Vivier à sa deuxième compétition. On peut être pris dans le sable sept ou huit fois par jour. On n'a pas le droit de se suivre entre concurrentes, on peut être quatre ou six heures sans voir personne. Tant qu'on n'arrive pas à une balise, on n'est jamais certain du lieu où on est. Si on est perdu, on ne peut pas demander de l'aide. On est tout seul, ce sont de longues journées. Plus les jours avancent, plus c'est difficile.»

«On ne peut pas vraiment apprendre la navigation avant d'être au rallye. C'est pénalisant au début, on se perd. (...) Je ne dois pas douter en tant que navigatrice même s'il y a la pression de se perdre», témoigne Marie Tremblay.

Une telle course exige des participantes une endurance physique, une grande concentration, des nerfs solides et une confiance mutuelle. «On conduit dans les mêmes conditions que les hommes, le désert ne change pas pour les filles», ajoute Marie-France Bussière qui carbure à l'adrénaline.

Âgées de 18 à 65 ans, les participantes à ce «road-trip extrême» ont beau avoir le profil de la femme «carriériste et autonome» ou de «la mère de famille», elles n'en restent pas moins «des superwomen, mais dans un rallye», affirment de concert les deux membres de l'équipage 136.

Quant aux hommes, ils ont l'élégance de reconnaître leurs faiblesses. «J'ai été très surpris du caractère technique de la course, a confié au site web de l'épreuve David Casteu, habitué du Dakar. Avec Éric, on pensait trouver la balise facilement. Le premier jour, on a même pris le temps de manger... Alors que dès le deuxième, on a à peine pris le temps de grignoter! (...) Ce n'est pas une course que l'on peut prendre à la légère.»

Vous êtes prévenus messieurs!