Le milliardaire Gene Haas a préparé pendant cinq ans l'arrivée de son équipe américaine en F1. Prudent financièrement, il a fait le choix de la sous-traitance et du recrutement de personnel aguerri. Et ça paye ! Haas F1 a déjoué tous les pronostics en ce début de saison.

Ingénierie, économie, sciences, comptabilité, finances, Gene Haas a étudié dans tous ces domaines. Pour fonder son entreprise, Haas Automation, en 1983, grâce à laquelle il a fait fortune.

PHOTO FOURNIE PAR HAAS F1

L’Américain Gene Haas, propriétaire fondateur de l’écurie de F1, Haas F1, lancée en 2016.

Et pour s'investir dans le sport automobile, « une passion ». Très tôt, ce natif de l'Ohio a investi en CART, Indycar, NASCAR et même en F1 lorsque son ancien directeur technique Ken Anderson a décidé en 2009 de créer, en vain, une écurie américaine. Propriétaire d'une équipe de NASCAR série Sprint depuis 2002, Gene Haas a appris de cette expérience malheureuse d'Anderson pour préparer pendant cinq ans sa propre écurie de F1. Jusqu'à ce que, le 11 avril 2014, la Fédération internationale de l'automobile lui a remis sa licence pour inscrire une équipe dans la discipline reine.

Stratégie : la sous-traitance

Rapidement, Haas a fait le choix de payer pour avoir moteurs, transmissions, suspensions auprès du constructeur Ferrari. Dans un contexte où les novices en F1 tirent la langue financièrement. « Ferrari fait un travail formidable en matière d'ingénierie et on en bénéficie, nous a confié Gene Haas en marge du Grand Prix d'Espagne.

Pour nous, c'est plus facile d'être de la compétition. Nous devons intégrer tous les morceaux, comprendre comment ça marche, mais en même temps, on n'a pas à faire toutes ces pièces. Ce qui est un bénéfice formidable, je pense. [...] Si j'ai douté du choix ? Je pense qu'il y a toujours des doutes. Ce sport change radicalement depuis quelques années. Il y a eu des controverses à propos de ce rapprochement entre Haas et Ferrari ou Mercedes et Manor qui font un peu la même chose. La F1 voit ses équipes changer au sommet, au milieu et dans le bas du classement. Il y a une sorte de synergie qui combine ces équipes. C'est bénéfique. On voit que ça marche. »

Le milliardaire Gene Haas a fait le choix de la sous-traitance et du recrutement de personnel aguerri. Photo : Haas F1

«On est un peu chanceux»

Ce qui marche, ce sont ses voitures. Et particulièrement celle de son pilote numéro 1, Romain Grosjean, qui a terminé trois fois dans les dix premiers, dont une cinquième place à Bahreïn.

Pour une écurie faisant ses débuts en F1, c'est presque inespéré. « À Melbourne, nous avons fait des débuts exceptionnels, nous avons eu la chance du débutant, considère Haas. Nous avons eu ensuite des problèmes de fiabilité avec quelques pièces impliquant le moteur et quelques problèmes, mais l'équipe travaille bien. Il y a tout un processus d'apprentissage. [...] Je dois dire que l'on a été un peu chanceux. Il y a beaucoup de choses auxquelles nous n'avions jamais touché avant. Des choses étaient prévues mais on a fait de l'expérimentation. On a ajusté, réparé. On a eu beaucoup de difficulté, par exemple avec la température des pneus. C'est un défi de maintenir la température des pneus et la bonne pression. »

Romain Grosjean de l'écurie Haas F1, lors de la journée portes ouvertes au circuit Gilles-Villeneuve. Photo : Bernard Brault, La Presse

Gene Haas apprend et découvre...

Gene Haas ne cesse de répéter qu'il écoute et qu'il apprend de la F1. « C'est un cirque [sourire], mais c'est un défi de gérer l'équipe, d'impliquer tout le monde.

La réalité de la F1 est difficile. Vous devez vraiment vous battre pour n'importe quelle position. Juste pour passer de la 12e à la 11e place, la stratégie est phénoménale. » L'ingénieur de formation s'extasie même devant ce qu'il découvre : « La F1 est un sport incroyablement technique. En NASCAR, vous passez beaucoup moins de temps sur des aspects techniques et d'ingénierie. Je pense que les F1 sont plus rapides qu'elles ne l'étaient il y a deux ans. Vous avez l'évolution et vous avez la révolution. Ces voitures vont évoluer et connaître une révolution. C'est une période formidable en matière d'ingénierie avec tous ces changements à venir. »

L'Américain Gene Haas, propriétaire fondateur de l'écurie de F1 Haas F1 lancée en 2016.

... et il compare

Son écurie ayant remporté deux titres en NASCAR série Sprint en 14 ans d'existence, l'Américain sait de quoi il parle en matière de sport automobile. Et le jeu des comparaisons est inévitable : « Il y a effectivement beaucoup de règlements en F1, mais vous avez en même temps des domaines dans lesquels vous avez beaucoup de liberté. En NASCAR, tout est typiquement bien régulé aussi. [...] En F1, ils réglementent très attentivement la pression des pneus, par exemple, ils régulent la température du carburant. En F1, il y a des millions de choses qu'ils vérifient tout le temps qu'on ne fait pas en NASCAR. Et en même temps, le NASCAR a peut-être plus de régulations sur le groupe propulseur. Pour moi, tout cela revient au même, dans différents domaines. »

L'autre défi

Gene Haas et son écurie devront surmonter plusieurs écueils. Confirmer l'embellie du début de saison d'une part - et les derniers résultats prouvent que l'équipe est en train de rentrer dans le rang. Et séduire son propre public. Lorsqu'il s'est fait demander en Espagne si son équipe est suivie au pays de l'Oncle Sam, favorisée qu'elle est par ses bons résultats, le propriétaire a esquivé : « Il commence à y avoir des Américains qui connaissent bien la F1. Mais j'étais surpris à Barcelone de voir l'enthousiasme des Européens pour une équipe américaine. »

Gene Haas est un industriel qui concilie les affaires et le sport, comme le résume Romain Grosjean. « Gene connaît bien le sport automobile. Il est là parce qu'il est fan de F1, qu'il aime ça, et parce que c'est un bon moyen de faire connaître la marque Haas Automation en Europe. »

Gene Haas en bref

• Américain, âgé de 63 ans.

• Fondateur de Haas Automation, en 1983, spécialisée dans l'outillage d'usines.

• Fondateur de l'écurie de NASCAR série Sprint Haas CNC Racing, en 2002.

• Associée au pilote Tony Stewart, Haas CNC devient Stewart-Haas Racing (SHR) en 2009.

• SHR remporte deux titres en série Sprint, en 2011 et 2014.

• Cette saison en F1, l'écurie Haas F1 a 22 points