L'approche romantique de l'écurie de Formule 1 Mercedes-AMG, qui refusait jusqu'à présent de donner des consignes de course pour ses deux pilotes Lewis Hamilton et Nico Rosberg, a une nouvelle fois prouvé ses limites, dimanche au Grand Prix d'Autriche. Les deux coéquipiers et rivaux se sont accrochés au 71e et dernier tour.

Chez l'écurie allemande, on se souvient encore de la collision catastrophique des deux voitures au tout début du GP d'Espagne, quand Hamilton a tenté de dépasser Rosberg dans un virage, par l'intérieur. Après la course, Mercedes avait réitéré sa politique de «laisser les pilotes courir».

Mais cette fois, le patron de Mercedes n'hésite plus à évoquer l'imposition de consignes de courses,  même si elle s'en est plutôt bien tirée à Spielberg malgré l'accrochage, en obtenant la première place pour Hamilton et la 4e pour Rosberg, pénalisé de dix secondes par la direction du Grand Prix.

Pas la première fois, loin de là

«À Barcelone, j'étais plus à l'aise car les deux voitures étaient éliminées», a dit en tentant de sourire Toto Wolff, le patron de Mercedes-AMG. «Je pensais que ce serait utile, qu'ils allaient retenir la leçon. C'est arrivé à nouveau, donc il faut examiner les autres options disponibles.»

À la fin, Hamilton était sur la première marche du podium. Photo: AP

Comme à Spa en août 2014, Lewis Hamilton et Nico Rosberg ont dépassé les limites, mettant en péril le résultat global d'une écurie qui domine moins qu'en 2014 et 2015: il n'y a eu que deux doublés en neuf GP cette saison, pour toutes sortes de raisons, et les deux grandes rivales, Ferrari et Red Bull, sont en train de gruger dans l'avance de Mercedes, lentement mais sûrement.

«Nous avons deux des meilleurs pilotes de F1 actuels», a rappelé Wolff, très calme, sans vouloir donner son «avis personnel» sur leur part de responsabilité. En revanche, il l'a donné sur les consignes de course.

«Ça me fait vomir»

«Ce n'est pas populaire, ça me fait vomir, mais si les laisser se battre entre eux provoque des accrochages, il faudra bien trouver une solution», a menacé l'Autrichien Wolff.

Hamilton a répliqué immédiatement dans les journaux britanniques. Le triple champion du monde a montré qu'il n'a pas besoin de formation en techniques de communications pour faire passer ses messages: «J'espère que ça ne va pas changer et qu'on va pouvoir continuer à courir (l'un contre l'autre), car c'est comme ça que j'aime ce sport. Il reste encore beaucoup de courses et j'espère que ça n'arrivera plus», a-t-il ajouté, comme un mauvais élève pris en faute.

Il reste encore 12 GP cette année.

La réaction de Rosberg, après sa convocation chez les commissaires de course suivie d'une pénalité de dix secondes, exprimait seulement ses regrets de ne pas avoir gagné, mais sans plus.

Toto Wolff s'est fait arroser par Hamilton, mais juste après, durant la conférence de presse, c'est Woff qui a servi une douche froide à Hamilton en évoquant le retour des consignes de course. Photo: AP

«C'est ça le sport automobile»

«Je suis déçu d'avoir perdu cette course. On a tous les deux freiné un peu trop tard. J'étais surpris qu'il tourne et on s'est touchés. C'est ça aussi, le sport automobile, mais c'est vraiment dur de perdre une course comme ça».

Depuis plus de 60 ans, l'histoire de la F1 s'écrit parfois autour des rivalités entre pilotes d'une même écurie.

La plus célèbre est celle d'Alain Prost avec Ayrton Senna, à la fin des années 80, quand les deux coéquipiers chez McLaren, alors ultra-dominatrice, se disputaient les titres mondiaux à grands coups de roue, en prenant des risques insensés pour envoyer l'autre dans le rail.

Le duel entre Hamilton et Rosberg, depuis 2014, tourne souvent à l'avantage de l'Anglais car il est souvent plus malin que l'Allemand. Quand il attaque Rosberg au 71e et dernier tour, dimanche en Autriche, c'est aussi pour provoquer une réaction du leader du championnat et être en mesure, après l'arrivée, d'en gérer les conséquences à son avantage, dans les médias.

Alain Prost et Ayrton Senna couraient tous les deux pour Ferrari mais leur rivalité était féroce. Prost avait gagné le GP de Grande-Bretagne en 1990, Senna avait pris la 3e place. Photo: AFP

Les pilotes et les spectateurs haïssent les consignes

Pour éviter ce genre de problèmes, Ferrari et Red Bull ont choisi délibérément, au début du 21e siècle, de ne plus faire dans le romantisme et d'avoir un pilote clairement identifié comme numéro 1 et des consignes de courses à l'avenant. Avec comme résultats concrets cinq titres mondiaux d'affilée pour Michael Schumacher (2000-2004), puis quatre pour Sebastian Vettel (2010-2013).

Ces deux périodes de domination effrayante, avec des pilotes numéro 2 qui n'avaient pas le droit de gagner, sauf circonstances imprévues, ont fait chuter les audiences de la F1, à la télévision, et fuir les spectateurs, sur les circuits.

Mercedes le sait bien et veut continuer à remplir ses objectifs commerciaux de constructeur haut de gamme, certes, mais mondial. La marque à l'étoile ne peut pas se permettre le luxe d'un désintérêt pour un sport qu'elle a contribué à relancer, en investissant beaucoup d'argent. Les consignes de course vont peut-être rester une solution rare, dans l'intérêt général de la F1. Réponse cette semaine, avant les retrouvailles de Silverstone.

Michael Schumacher (vainqueur du GP du Canada en 2004) était le pilote No 1 incontesté chez Ferrari durant une période de domination effrayante de Ferrari sur la F1. Le pilote No 2 n'avait pas le droit de gagner. Photo: Bernard Brault, archives La Presse.

Classement du GP d'Autriche

1. Lewis Hamilton (GBR/Mercedes)

les 307,020 km en 1 h 27:38.107

(moyenne: 210,203 km/h)

2. Max Verstappen (NED/Red Bull-TAG Heuer) à 5.719

3. Kimi Räikkönen (FIN/Ferrari) à 6.024

4. Nico Rosberg (GER/Mercedes) à 26.710

5. Daniel Ricciardo (AUS/Red Bull-TAG Heuer) à 30.981

6. Jenson Button (GBR/McLaren-Honda) à 37.706

7. Romain Grosjean (FRA/Haas-Ferrari) à 44.668

8. Carlos Sainz Jr (ESP/Toro Rosso-Ferrari) à 47.400

9. Valtteri Bottas (FIN/Williams-Mercedes) à 1 tour

10. Pascal Wehrlein (GER/Manor-Mercedes) à 1 tour

11. Esteban Gutiérrez (MEX/Haas-Ferrari) à 1 tour

12. Jolyon Palmer (GBR/Renault) à 1 tour

13. Felipe Nasr (BRA/Sauber-Ferrari) à 1 tour

14. Kevin Magnussen (DEN/Renault) à 1 tour

15. Marcus Ericsson (SWE/Sauber-Ferrari) à 1 tour

16. Rio Haryanto (INA/Manor-Mercedes) à 1 tour

17. Sergio Pérez (MEX/Force India-Mercedes) à 2 tours

18. Fernando Alonso (ESP/McLaren-Honda) à 7 tours

19. Nico Hülkenberg (GER/Force India-Mercedes) à 7 tours

20. Felipe Massa (BRA/Williams-Mercedes) à 8 tours

Meilleur tour en course: Lewis Hamilton (GBR/Mercedes) 1:08.411 au 68e tour (moyenne: 227,647 km/h)

Abandons:

Daniil Kvyat (RUS/Toro Rosso-Ferrari): problème mécanique, 3e tour

Sebastian Vettel (GER/Ferrari): crevaison pneu arrière droit, 27e tour