David Bensadoun et Patrick Beaulé sont encore « sous le choc, physique et mental ». Celui du rallye-raid de la Route de la soie à l'issue duquel ils viennent de terminer 12es, une sacrée performance pour ce duo de pilotes québécois amateurs. L'un pense maintenant faire une pause, l'autre rêve d'une nouvelle course. Normal quand on sait combien les machines et les organismes sont soumis à rude épreuve.

DAVID CONTRE GOLIATH

Le bivouac d'un rallye-raid rappelle combien les concurrents n'évoluent pas dans la même catégorie. Entre professionnels et amateurs, le fossé est large.

« Le vrai noyau de notre équipe, c'est trois mécaniciens. On avait un camion d'assistance. Le père de David a suivi tout notre parcours en parallèle dans une espèce de campeur », illustre Patrick Beaulé. L'équipe Peugeot par exemple est allée de Moscou à Pékin avec 80 personnes et une douzaine de véhicules d'assistance. Le budget de l'équipe Aldo Racing de Bensadoun et Beaulé correspondait à 10 % de celui de l'équipe française. Une voiture de la marque au lion, configurée pour le rallye, coûte 1,3 million d'euros. « Quatre fois le prix de notre auto », évalue Patrick Beaulé.

Le véhicule d'assistance Aldo Racing, à une étape. Photo: Shakedown Team

UNE PRÉPARATION À TOUTE ÉPREUVE

Forts de trois rallyes Dakar disputés ensemble (2012, 2014 et 2015), David Bensadoun et Patrick Beaulé ont atteint « un niveau de préparation presque professionnel », estime le pilote de 46 ans.

« Patrick a fait un travail exceptionnel dans les mois précédents le rallye de la Route de la soie. » « On a vu qu'on commençait à se détacher des amateurs. On n'a pas eu à aller courir dans les villes pour trouver des choses qui nous manquaient, nos mécanos étaient habitués à la voiture alors que souvent, à minuit ou 1 h du matin, la plupart des gens travaillent toute la nuit. On avait une bonne équipe de mécaniciens rodés, un inventaire adapté et beaucoup de choses bien préparées », ajoute son copilote de 40 ans. Résultat, ils ont fait tout le rallye sans changer un roulement ni même un joint. Leur plus gros problème ? Une crevaison.

Le Toyota de David Bensadoun et Patrick BeaulŽé, à Moscou. Photo: Shakedown Team

ENCORE UNE TOYOTA

Montée sur un châssis tubulaire, leur voiture avait encore cette année les atours d'une Toyota Tacoma, mais sans la mécanique d'une Toyota Tacoma.

« Overdrive Racing, en Belgique, a fait châssis, direction assistée, pompes, etc. Ils ont développé une suspension adaptée. Et ils ont assemblé la voiture », énumère Beaulé. Le constructeur japonais ne les aide toujours pas, d'une manière ou d'une autre. « Les rallyes ne sont pas diffusés au Canada, ça devient tout de suite une discussion assez courte avec Toyota. Avec 2400 magasins dans le monde, il y a un intérêt commercial pour Aldo. Pour Toyota Canada, il faut un diffuseur ici », fait remarquer David Bensadoun.

Le Toyota Aldo Racing a une carrosserie de Tacoma, mais une mécanique belge Overdrive Racing. Photo: Shakedown Team

L'ENDURO COMME ENTRAÎNEMENT

« Il faut se préparer physiquement à une course auto, rappelle Patrick Beaulé. Il faut faire du cardio.»

«Les journées sont super longues et super chaudes, ça brasse beaucoup dans la voiture. Tu es toujours en train d'essayer de te stabiliser. Si tu n'as pas un bon cardio, tu te fatigues et tu te déconcentres. Le copilote ne donne pas alors les bonnes informations et le pilote devient imprécis dans son pilotage. C'est plus physique de conduire que de naviguer. Donc Patrick fait beaucoup de gym et de la moto Enduro. Moi je fais très peu de gym, je cours un peu et fais surtout de l'Enduro. La moto Enduro est un des sports les plus physiques même s'il y a un moteur. C'est beaucoup de mouvements gauche droite, gauche droite, dans les sentiers, il faut garder l'équilibre, se placer pour ça et absorber les bosses. Il faut monter des roches, pousser, tirer. »

Conduire est plus exigeant, physiquement, que naviguer. Photo: Shakedown Team

LE REPOS DU PILOTE...

Levé à 3h ou 6h du matin, selon l'étape du jour, le pilote se retire à l'arrivée pour aller relaxer. Pas le copilote. Pourquoi ?

« Parce que c'est le pilote lui qui a souffert le plus dans la journée », dit le copilote Patrick Beaulé.

« Il doit se refroidir et commencer sa récupération immédiatement », témoigne Beaulé.

« Je suis alerte et actif à chaque seconde dans la voiture parce que c'est toujours moi qui conduis», explique le pilote David Bensadoun. «Patrick est alerte et actif à 100 % pour 80 % de la journée. Mais le copilote a plus de travail une fois sorti de la voiture », dit-il.

David Bensadoun et Patrick BeauléŽ, de l'Žéquipe Aldo Racing.

...LE TRAVAIL DU COPILOTE

Arrivé à 14h (lors les meilleures journées) ou à 20h (après une spéciale de 560 km et une liaison de 300 km), le copilote rejoint le mécanicien principal.

« On passe à travers les choses qui sont à réparer ou à améliorer sur la voiture, explique Patrick Beaulé. Ensuite, je vais prendre une bouchée et je prépare la route du lendemain. Ils nous donnent le road-book avec toutes les indications et une liste de corrections à faire dans le livre. Une fois faites, je mets mes couleurs pour identifier sur le parcours les dangers, les endroits à ne pas manquer et les directions. Je dois assister au briefing de course à 20h et j'informe mon pilote après. Le copilote dort moins, mais c'est moins physique que le pilote un peu. » « Patrick a plus de devoirs que moi le soir », s'amuse David Bensadoun.

David Bensadoun (à gauche) et Patrick Beaulé. Photo: Shakedown Team

ET LE PROCHAIN RALLYE ?

Désireux de disputer un autre rallye que le Dakar, Bensadoun et Beaulé ont rapidement embrassé l'idée de participer au rallye de la Route de la soie cette année.

Si l'épreuve les a séduits, elle les a également confortés dans l'idée qu'il fallait prendre une pause. « On arrête, mais je sais que ça va recommencer », nous a affirmé d'abord Patrick Beaulé. « Arrêter, je ne sais pas, on dit toujours ça les premières semaines. Déjà, je commence à rêver au prochain défi, en a ri ensuite David Bensadoun. J'aimerais bien faire une autre fois la Route de la soie. » Pour rembarquer, il faudra une voiture plus spacieuse et plus confortable pour le pilote de 1 m 98... « Il faut un véhicule ayant l'air conditionné, c'est vraiment un avantage de course. On boit deux litres d'eau aussitôt sortis de la voiture. Il me faut de l'espace et une voiture performante qui nous place dans les tops 15 ou 20 », explique David Bensadoun. Avis aux soutiens...

David Bensadoun et Patrick BeaulŽé disent souhaiter une pause avant de faire à nouveau le rallye de la Route de la soie. Photo: Shakedown Team