Félix Lamy n'a pas l'aura de Lance Stroll, le prochain pilote québécois en F1. Ni le même type de talent. Il ne sera pas derrière le volant, mais lui aussi passera l'hiver dans une écurie de la discipline reine du sport automobile. Alors que le Montréalais Lance s'est joint à l'écurie Williams, le Gatinois Félix a rejoint Renault.

Ingénieur à Enstone !

« Le 1er novembre, j'ai déménagé en Angleterre pour un stage d'un an. ,

Ce sera six mois chez Renault Sport F1 à Enstone [le siège de l'écurie], puis six mois chez Infiniti à Cranfield [le centre technique de la marque automobile], explique en entrevue le jeune homme de 21 ans. En Angleterre, la plupart des équipes de F1 et tout ce qui gravite autour de la course automobile sont dans la même région. C'est une "Motorsport Valley", si on peut dire. [...] Le monde de la F1 est assez intimidant de l'extérieur, mais j'ai trouvé dès ma première journée que tous les ingénieurs et techniciens étaient très ouverts sur le travail et n'hésitaient pas à transmettre leurs connaissances.»

« Je suis étudiant à McGill en génie mécanique. Chez Renault Sport, je fais un stage en design. Je participe à la conception de la voiture de la saison 2017. Renault F1 a une usine à Enstone et [une autre] à Viry-Châtillon, en France. À Viry, ils font le groupe motopropulseur ; à Enstone, on fait le châssis, les ailerons, la transmission. Je suis affilié au département des matériaux composites. On fait tout ce qui est châssis, ensemble aérodynamique, ailerons, plancher, bras de suspension. Je vais travailler sur une multitude de projets connexes dans le département, comme aider à la conception de l'aileron arrière ou des bras de suspension. »

Félix Lamy et les six autres gagnants du concours Inifinty Engineering Academy ont été reçus au siège de l'écurie à Enstone. Photo: Infiniti

« Ça fait longtemps que j'attendais cette opportunité-là », explique Félix Lamy. Photo: Infiniti

Sélectionné dans un concours...

« J'ai déposé ma candidature en mai dernier au concours Infiniti Engineering Academy.

Ils ont choisi les candidats pour une première entrevue. Dix candidats du Canada ont été choisis après et ils nous ont réunis pour une compétition finale d'une journée et demie à Montréal fin juillet. Ils ont évalué tous les aspects qui font de quelqu'un un bon ingénieur. Ça fait longtemps que j'attendais cette opportunité-là. C'est assez difficile pour un Canadien de se placer en Angleterre. Je suis le premier Canadien à participer à ce stage-là. »

FŽlix Lamy (troisime ˆ partir de la gauche). Photo: Infiniti.

...après avoir nettoyé des pneus

« À 16 ans, j'ai commencé à travailler en CTCC [Canadian Touring Car Championship].

Je savais qu'il fallait une expérience pratique, en course idéalement, si je voulais travailler en Formule 1 un jour. J'ai proposé mes services gratuitement à une équipe d'Ottawa en CTCC. Au début, je nettoyais les pneus.

Graduellement, j'ai eu de plus en plus de responsabilités. Un an et demi après, je suis allé en Formule 1600 comme assistant à l'ingénieur de course et comme mécano.« En génie mécanique, il me reste deux ans sur un programme de quatre ans à McGill.

Je fais partie de l'équipe de Formule SAE de McGill. On y construit une monoplace, à mi-chemin entre une F1 et un go-kart, si on peut dire. Je m'y suis beaucoup investi. J'ai beaucoup travaillé sur le comportement routier [aérodynamisme, châssis, suspension]. Et j'ai beaucoup aidé à la fabrication du châssis en fibre de carbone. Arriver ici à Enstone et faire du design de composites, c'est un prolongement naturel. »

Pascal Lamy fait partie de l'équipe de Formule SAE de McGill. Photo: BlogsMcGill.ca

Immersion dans l'industrie automobile

« Je ne sais pas encore exactement sur quel projet je vais travailler chez Infiniti.

Un des objectifs de son académie est de prendre des personnes de l'extérieur qui vont travailler autant dans la course automobile que dans le domaine des voitures de tourisme pour déterminer les défis de chaque industrie et voir comment chacune peut être complémentaire de l'autre. On a un rôle d'observateur durant ce stage sur ce que chaque industrie peut apprendre de l'autre. En F1, les tombées sont très serrées, le rythme est très, très intense. Dans l'industrie automobile, on regarde à plus long terme. »

Le stage de FéŽlix Lamy l'amènera aussi chez Infiniti. Photo: Infiniti.

Témoin de ce qu'apporte la F1

« Je pense que le transfert de technologies de la F1 à la voiture ordinaire existe encore beaucoup, même plus qu'avant.

Premièrement, les nouveaux moteurs hybrides des F1 sont à la fine pointe de la technologie. En moins de 10 ans, les développements en F1 ont permis d'augmenter de 10 % l'efficacité énergétique des moteurs à combustion interne. La F1 a été un levier de développement assez important pour cette technologie-là. Deuxièmement, pour les batteries en F1, les différents manufacturiers de moteurs doivent concevoir leur propre batterie. Enfin, même s'il y a beaucoup de chemin à faire avant d'avoir des voitures de route en matériaux composites - les pièces demandant de la main-d'oeuvre spécialisée et étant difficiles à mettre sur une chaîne de production -, c'est certainement un domaine qui va permettre d'améliorer la consommation des voitures de route. Si la voiture est plus légère, ça prend moins d'énergie pour accélérer ou monter une côte. »

«Je pense que le transfert de technologies de la F1 à la voiture ordinaire existe encore beaucoup, même plus qu'avant.» Ci-haut, le pilote danois Kevin Magnussen au volant d'une Renault de F1 au GP d'Abou Dhabi hier. Photo: Ap

Un avenir en F1 ou chez Tesla ?

« Après novembre 2017, j'ai deux ans d'études encore à McGill. Je m'intéresse aux futures technologies pour les voitures de route. La compétition avec un défi technologique, c'est ce qui m'allume. Mon but était de devenir ingénieur dans une équipe de F1, mais en grandissant, c'est devenu une des choses que je considère. Aller travailler pour Tesla en Californie, ça peut m'intéresser. J'en apprends le plus possible pour l'instant. »