MELBOURNE, Australie - Trente ans. Il aura fallu 30 ans à Paddy Lowe pour boucler la boucle. Entre ce jour de 1987 où il intègre l'écurie Williams dans la peau d'un ingénieur en systèmes de contrôle et ce retour fait la semaine dernière au siège de Grove à la tête de toutes les opérations d'ingénierie propres à une écurie de F1. L'ingénieur qu'il était à ses débuts a remplacé son directeur technique de l'époque, Patrick Head, l'homme fort de la période dorée de Williams. Tout un symbole.

De l'émotion, il en a ressenti lors de sa récente nomination officielle. Il ne s'en cache pas. « Revenir chez Williams est une histoire incroyable. »

Pas le temps d'être sentimental

Mais Paddy Lowe n'a pas le temps de faire du sentiment. Il est déjà plongé dans le grand bain d'un début de saison de Formule 1, à trois jours du premier Grand Prix.

Hier, dans les allées verdoyantes des paddocks du circuit d'Albert Park, il était l'objet de beaucoup d'attentions et a fait l'objet de beaucoup de questions. Une meute de journalistes, ça n'a rien d'inhabituel, pour lui comme pour d'autres. Mais son retour chez Williams est tellement significatif qu'il ne pouvait échapper aux questions qui fusaient.

Pourquoi a-t-il quitté Mercedes, où il occupait depuis trois ans et demi le poste de directeur technique exécutif ? « Nous avons accompli des choses incroyables avec Mercedes et je suis très fier d'y avoir pris part. Une belle opportunité est venue de Williams. Oui, ç'a été ma décision de quitter Mercedes », répond-il.

Partout où il est passé, Paddy Lowe a été l'un des grands artisans de la conquête de titres de champions du monde pilotes et constructeurs : avec Williams en 1992, avec McLaren en 1998, 1999 et 2008 et avec Mercedes, bien sûr, depuis 2014. Les forces en présence, il les connaît. Même s'il s'abstient de faire des commentaires, par exemple, sur le potentiel réel de Ferrari cette année. « Je suis en poste depuis six jours seulement », fait-il remarquer.

Réponses courtes, vision à long terme

Paddy Lowe reste plutôt sur la réserve en ce qui a trait à cette saison qui s'amorce dimanche.

Du moins en ce qui concerne les autres écuries. Ses réponses sont courtes. « Cela nécessite un travail solide, du temps et une super équipe » pour réussir, rappelle-t-il.

Lui qui a connu les belles heures de Williams dans les années 90 et qui a participé ces dernières saisons à l'émergence devenue hégémonique d'un constructeur automobile comme Mercedes croit qu'il est encore possible pour une « équipe cliente » (qui achète ses moteurs d'un grand constructeur comme Mercedes ou Renault) comme Williams de gagner le championnat du monde.

« Les moteurs sont actuellement les mêmes entre les différentes écuries équipées par Mercedes, Red Bull a très bien réussi avec un moteur Renault », argumente-t-il.

Plus tôt cette semaine, le nouveau patron « technique » de Williams a concédé qu'il en était à l'étape de prise de connaissance de sa nouvelle équipe. « Je pense que l'équipe que l'on a avec Felipe [Massa] et Lance [Stroll] est vraiment passionnante en elle-même. » Il commence à évaluer les forces et les faiblesses. Mais ne s'inquiète pas de l'avenir chez Williams.

Jenson Button (Mercedes) asperge de champagne son ingénieur, Paddy Lowe, après avoir gagné le GP du Canada en le 12 juin 2011. Photo Bernard Brault, La Presse

Son C.V. impressionnant fait de lui l'un des plus grands ingénieurs de la Formule 1. Dans la hiérarchie d'une écurie, le directeur technique est au deuxième rang des postes les plus décisifs, les plus influents. À 54 ans, Paddy Lowe a la légitimité pour porter Williams plus haut.

« Paddy Lowe est un ingénieur et un gestionnaire très important qui peut nous aider à améliorer certaines choses et qui peut amener de bonnes idées en provenance d'ailleurs », explique Felipe Massa.

On l'a dit, Paddy Lowe a la légitimité pour porter Williams plus haut. Est-ce que ce sera pour autant suffisant ?