Le rallye-raid Silk Way (ex-Route de la soie), parti de Russie, traverse sous haute sécurité le nord-ouest de la Chine, une zone en proie aux attentats et d'ordinaire désertée par les épreuves sportives internationales.

Devant le bivouac d'Urumqi, la capitale de la région du Xinjiang, des dizaines de policiers vêtus de gilets pare-balles montent la garde, armés de fusils d'assaut, boucliers en plexiglas ou lances métalliques.

La Chine ne laisse rien au hasard sur le Silk Way, qui relie jusqu'au 22 juillet Moscou à la cité impériale chinoise de Xi'an (centre) sur près de 10 000 kilomètres, et entend s'imposer comme un rendez-vous incontournable du calendrier face au mythique Dakar.

Aussi vaste que le Québec

Le Xinjiang est un vaste territoire semi-désertique ayant presque exactement la même superficie (1 664 897,17 km2) que le Québec (1 667 441 km2).

Carrefour culturel, c'est une mosaïque d'ethnies: les deux principales sont les Ouïghours (la plupart sont des musulmans parlant une langue turque) et les Hans (majoritaires en Chine).

Une partie des Ouïghours se plaint de discriminations religieuses et socio-économiques.

Et une frange radicalisée a commis ces dernières années des attentats à l'arme blanche et à l'explosif qui ont fait des centaines de morts dans la région et le reste de la Chine.

Urumqi, ville-étape ce week-end, a été le théâtre d'émeutes en 2009 (environ 200 morts) et d'une attaque à la bombe sur un marché en 2014 (43 morts).

La police avait été déployée en juillet 2009. Une forte présence policière demeure aujourd'hui. Photo: AP

«Pas de danger» dans cet état policier

Le rallye «se doit d'être très strictement sécurisé, en raison des antécédents en matière de terrorisme dans la région et de l'instabilité au Pakistan et en Afghanistan voisins», souligne Rohan Gunaratna, spécialiste des questions de sécurité à l'Ecole Rajaratnam d'études internationales de Singapour.

La Chine accuse des «séparatistes» islamistes liés à des groupes étrangers d'être derrière les violences. Et impose une sécurité draconienne dans la région: détecteurs de métaux dans les hôtels, points de contrôle, arrestations, présence militaire massive, délivrance de passeports au compte-gouttes et contrôles renforcés des Ouïghours.

Mais si le Dakar a déserté l'Afrique pour l'Amérique du Sud depuis 2009 face aux menaces pesant sur l'épreuve, le Silk Way n'en est pas encore là.

«Le sud du Xinjiang est toujours frappé par de nombreux attentats, mais leur nombre décroît depuis deux ans», note Li Wei, expert de l'antiterrorisme à l'Institut des relations internationales contemporaines, un centre de réflexion basé à Pékin.

«L'organisation d'une compétition automobile internationale ne présente aujourd'hui pas de danger», estime-t-il.

La région est toujours sous tension après les émeutes de 2009. Cette photo prise dans la nuit du 5 au 6 juillet 2009 montre les corps de victimes des émeutes. Photo: Reuters

Menaces de l'État islamique

Des combattants ouïghours engagés avec l'organisation État islamique en Irak ont cependant menacé en février dans une vidéo de rentrer en Chine pour y «verser des fleuves de sang».

Des intimidations qui ne doivent pas empêcher l'organisation d'événements internationaux, estime M. Gunaratna, selon qui «toute forme d'échange est bénéfique au Xinjiang»: culture, société, commerce ou sport.

«C'est lorsqu'on vit isolé des autres communautés et des autres croyances que l'extrémisme peut gagner du terrain. L'État islamique utilise les réseaux sociaux pour radicaliser les personnes vulnérables», note-t-il.

La Chine estime que la sécurité et la croissance économique apporteront la stabilité au Xinjiang.

Mais des organisations de défense des droits de l'homme condamnent les restrictions aux libertés entraînées par les mesures de sécurité et reprochent aux autorités de taxer de «terrorisme» tout opposant.

Selon Dilxat Raxit, porte-parole du Congrès mondial ouïghour, une organisation d'exilés basée à l'étranger, le rallye a «surtout un objectif politique». «C'est de renvoyer une bonne image à l'étranger. Et de dissimuler la réalité de la résistance des Ouïghours.»