Au rez-de-chaussée de l'autocaravane de l'équipe Williams, deux bureaux côte à côte portent les noms de Frank et de Claire Williams. Le père et la fille. Le fondateur de l'équipe et celle qui la dirige aujourd'hui.

Mme Williams a pris la relève en 2013 et elle montre le même caractère que son père dans ses efforts pour maintenir la compétitivité d'une entreprise qui emploie aujourd'hui près de 700 personnes. Une tâche ardue alors que la F1 est devenue l'affaire de trois équipes dominantes - Ferrari, Mercedes et Red Bull - et que des écuries comme Williams doivent se battre avec la moitié, voire le quart de leurs budgets.

Et l'affaire a été rendue encore plus délicate pour elle l'automne dernier avec l'arrivée de son fils Nate.

« C'est compliqué, mais je ne suis pas la première mère à occuper une position importante et celles qui m'ont précédée l'ont bien fait », a rappelé Williams, il y a quelques jours, en entrevue exclusive dans son bureau de Monaco. « C'est surtout une question d'organisation et de gestion du temps. Le travail mange souvent tout votre temps et le mien est particulièrement exigeant, parce qu'on a toujours l'impression qu'il y a tant à faire. Mais il faut quand même trouver le temps pour être mère.

« Mon garçon représente tout pour moi - je pense que tous les parents diraient la même chose -, j'apprécie chaque instant que je passe avec lui », a poursuivi Williams, qui espère un jour confier à Nate les rênes d'une équipe de F1 prospère.

« C'est un garçon très éveillé, qui me procure beaucoup de joie, mais c'est difficile de jongler avec toutes ces obligations pour être avec lui aussi souvent que je le voudrais. »

DES PLACES À PRENDRE

Seule femme à la tête d'une équipe de F1, Claire Williams se sent investie d'une responsabilité particulière en cette époque où les femmes aspirent à une plus grande égalité des rôles dans la société.

« J'ai eu la chance de ne jamais sentir que j'étais victime de discrimination en F1 parce que j'étais une femme, mais j'ai grandi dans ce sport et j'ai été habituée très jeune à n'être entourée que par des hommes. La F1 est encore dominée par les hommes, mais les choses évoluent. »

- Claire Williams

« C'est très important pour moi d'encourager les femmes à travailler dans ce sport, à tous les niveaux. Comme je l'ai dit, j'ai eu la chance d'être née en F1 et j'y travaille depuis 16 ans maintenant. J'aimerais partager cette expérience avec d'autres femmes afin qu'elles puissent elles aussi faire leurs preuves dans cette industrie stimulante et très gratifiante, même si elle est aussi très exigeante.

« Plus largement, nous sommes aussi très sensibles chez Williams aux questions liées au traitement égal des femmes et des hommes, en matière de salaires notamment. La F1 doit être un milieu où les femmes peuvent mener des carrières bien rémunérées et je suis heureuse de voir qu'il y en a de plus en plus, dans notre équipe et ailleurs. De nombreuses études montrent que la productivité est plus grande dans les entreprises qui traitent femmes et hommes de la même façon. »

UNE ÉQUIPE À RELANCER

Créée en 1977, l'équipe Williams a remporté sept titres des pilotes, neuf titres des constructeurs, les derniers en 1997, avec Jacques Villeneuve. Après deux résultats de troisième place au championnat des constructeurs en 2014 et 2015, l'équipe a beaucoup régressé au cours des dernières années et ses pilotes sont souvent en queue de peloton cette saison.

Auteur de bons débuts en F1 la saison dernière, le pilote canadien Lance Stroll attendait évidemment beaucoup mieux de sa deuxième saison. Claire Williams porte un jugement lucide sur les performances de l'équipe lors des six premiers Grands Prix.

« Nous n'avons pas abordé la saison en croyant que nous allions gagner, assure-t-elle. Nous voulions simplement progresser et, pour nous, cela voulait dire viser la quatrième place. Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons tous au fond de nous que rivaliser avec les puissances que sont Ferrari, Mercedes et Red Bull - avec les progrès qu'elles font constamment, avec les budgets, le personnel et toutes les ressources qu'elles ont -, est un défi colossal. Je crois que nous nous étions donné des objectifs réalistes cet hiver et nous avons travaillé en ce sens avec l'équipe en place. »

« Malheureusement, nous n'avons certainement pas eu le début de saison que nous avions anticipé. Parler d'une immense déception serait encore en deçà de la vérité. Ce n'est toutefois pas la fin du monde. C'est du sport, toutes les équipes ont des hauts et des bas. Nous allons devoir creuser un peu plus, travailler encore plus fort, faire les changements là où ils sont nécessaires et aller de l'avant. »

- Claire Williams

« C'est la façon dont on réagit à une situation problématique qui fait la différence, explique Williams. Ça ne va pas bien ? On secoue la poussière, on se relève et on va de l'avant, en préparant la prochaine course, la prochaine saison. Nous allons nous battre, soyez-en certain ! »

La directrice de l'équipe Williams a réitéré sa confiance envers son directeur technique Paddy Lowe et estime que l'équipe a trouvé les sources des mauvaises performances de cette saison. Deux importants membres du personnel technique, Ed Wood et Dirk De Beer, ont récemment quitté l'équipe.

« Nous avons un plan très clair de ce qu'il faut corriger, assure-t-elle. Certains changements seront effectués rapidement, d'autres prendront plus de temps. Mais nous savons où nous allons et je peux vous assurer que nos ambitions restent très élevées. »

L'équipe Williams connaît un début de saison difficile cette année. Photo AFP

Claire Williams en bref

Née le 21 juillet 1976 à Windsor, au Royaume-Uni

Fille de Sir Frank Williams et de Lady Victoria

Diplômée de l'Université de Newcastle upon Tyne

Officier de l'ordre de l'Empire britannique

PARCOURS : Entrée dans l'équipe Williams en 2002, au service des communications, elle devient directrice marketing et communications en 2011. Quand son père a diminué ses activités en mars 2012, elle est devenue la représentante de la famille au conseil d'administration. Un an plus tard, elle est devenue directrice générale adjointe, et elle supervise notamment toute la partie commerciale des activités de l'équipe.