L'homme d'affaires autrichien Toto Wolff est devenu en janvier directeur exécutif et actionnaire de l'écurie Mercedes-AMG de Formule 1, qu'il dirige avec le triple champion du monde Niki Lauda. «À deux, on est plus forts», a-t-il souligné lors d'un entretien avec l'AFP en marge du GP de Chine.

Q: C'est important de pouvoir diriger Mercedes-AMG avec Niki Lauda?

R: Ça aide à faire avancer les choses, bien sûr, dans un groupe comme Daimler où le processus de décision est compliqué. C'est pour cela qu'on a essayé de le simplifier et Niki a joué un rôle majeur pour faire venir Lewis Hamilton, bien avant que j'arrive dans la maison. Niki est une vedette, il a une grande crédibilité. Il n'est pas opérationnel sur le terrain mais il a du recul, il conseille, il analyse, il comprend. L'analyse de Niki, c'est «à deux, on est plus forts». C'est bien vu de sa part.

Q: Cette analyse vaut aussi pour votre tandem de pilotes?

R: Avoir deux pilotes au pic de leur carrière, cela fonctionne très bien. Si on regarde Nico Rosberg, c'est absolument un des «top-pilotes». Chez Williams, on ne savait pas ce que valait Nico, puis chez Mercedes on ne pouvait pas juger son niveau exact, car on ne pouvait pas jauger le vrai niveau de performance de Schumacher dans sa deuxième carrière (de 2010 à 2012). Vettel, Alonso, Räikkönen sont de ce niveau, évidemment. Il est indispensable pour une écurie d'avoir deux pilotes rapides.

Q: Quelles étaient vos priorités en arrivant chez Mercedes?

R: La première idée, c'était regarder les gens et voir comment fonctionnent les structures. C'est mon premier métier, ce que j'ai fait depuis 15 ans. Il faut vérifier si les gens sont bien dans leur job, bien dans leur peau. Est-ce qu'ils peuvent travailler autrement? Est-ce qu'il faut recalibrer la structure et adapter leur poste?

Q: Un peu comme un directeur des ressources humaines?

R: C'est ça. C'est le rôle du management de réorganiser. Je ne suis pas sur la voiture. Je ne sais pas comment on fait évoluer une voiture pour l'améliorer et gagner quelques secondes. Pour cela, il faut essayer d'avoir les meilleurs. Mais il se peut qu'une personne très compétente doive être prise en main pour évoluer. L'erreur c'est de changer quelqu'un de poste et de se tromper.

Q: Comment étiez-vous passé du DTM à la F1, chez Williams?

R: Un jour, Dietrich Mateschitz (NDLR: le patron de Red Bull) a atterri en hélicoptère et m'a proposé d'acheter Toro Rosso. Avec ma société de Vienne, nous avons analysé le «business model» de Toro Rosso, mais une équipe privée de F1 ça ne fonctionne pas, par rapport aux constructeurs qui dépensent des centaines de millions d'euros. Deux ans plus tard, le Dr Colin Kolles m'a signalé que Williams cherchait un investisseur. J'y suis allé. J'ai visité le musée, j'ai rencontré Sir Frank Williams et Patrick Head (NDLR: les co-fondateurs de Williams F1) et pendant un an on a négocié.

Q: Comment s'est passée votre arrivée chez Mercedes, cet hiver?

R: C'était avant Noël. J'ai vu Niki (Lauda) à Vienne. Je lui ai exposé la proposition que m'avait faite Mercedes, de devenir un «actionnaire dirigeant» (managing partner) de l'écurie de F1. Il m'a demandé de patienter deux heures et m'a rappelé pour me dire OK. J'ai réfléchi à la dimension de la proposition, aux risques du rôle, dans une structure où je ne suis plus mon propre patron. En revenant de vacances, j'ai vu Frank (Williams), il m'a dit que je devais le faire, que je ne pouvais pas refuser. J'avais son aval, c'était formidable.

Q: Allez-vous vendre vos actions de Williams F1, pour éviter tout conflit d'intérêt?

R: Oui, mais je veux prendre le temps de le faire correctement, par respect pour Sir Frank, en trouvant un investisseur motivé, qui s'intéresse vraiment à la F1 et comprend l'histoire de Williams, peut-être un sponsor. C'est prévu avec les gens de Mercedes mais je n'ai pas de date limite, je ne veux pas me précipiter.

Propos recueillis par Daniel ORTELLI