La Fédération internationale de l'automobile et les écuries de F1 ont voulu des moteurs beaucoup moins gourmands en essence pour les saisons à venir. Cette orientation engendre des changements profonds et complexes, qui pourraient dicter l'issue de cette saison.

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Il faut remonter à 2009 pour retrouver pareils changements draconiens à la réglementation technique. Et encore, à l'époque, les pneus lisses faisaient leur retour et les règles en matière d'aérodynamisme étaient révisées dans le but de favoriser les dépassements. Cette fois-ci, pour 2014, on est allé beaucoup plus loin.

Pour parvenir à réduire considérablement la consommation d'essence d'une F1, il a fallu recourir à un complexe système de récupération d'énergie et à un moteur V6 de 1,6 L doté d'un turbocompresseur. Adieu donc le moteur V8 atmosphérique de 2,4 L. Le V6 est couplé à deux modules de récupération d'énergie (qui s'apparentent à deux moteurs électriques) qui convertissent l'énergie mécanique, issue du turbo, et l'énergie cinétique, issue du freinage, en énergie électrique. Stockée dans une batterie, cette énergie électrique est redistribuée pour épauler le turbo à l'accélération et pour fournir de la puissance supplémentaire aux roues arrière.

Le surplus de couple généré par cet ensemble a nécessité un changement de boîte de vitesses (à 8 rapports), devenue un peu plus grande, alors que le compartiment moteur comprend un peu plus d'éléments de refroidissement. Effet domino, ces considérations mécaniques ont engendré des changements aérodynamiques destinés à réduire la traînée et les appuis.

Cette gymnastique technologique représente un casse-tête pour les ingénieurs qui doivent dans le même temps parvenir à fournir une voiture tout aussi performante qu'auparavant avec l'ancien moteur V8. Le travail est d'autant plus complexe qu'il faut combiner ces technologies et leurs systèmes de gestion.

Le compteur à zéro pour tout le monde

Pour les pilotes, ce profond changement est quelque peu déroutant. Lors des essais à Bahreïn le mois dernier, Romain Grosjean n'a pas caché sa perplexité. «Ce bloc propulseur est d'une monstrueuse complexité. C'est lié à la batterie et à la manière de la gérer, voilà ce que j'en ai compris», a confié le pilote Lotus à des confrères français.

À l'issue des tout premiers tours de piste de la saison à Jerez, en Espagne, le directeur technique de Red Bull a dû retourner à sa planche à dessin. «Les nouvelles voitures sont très compliquées, surtout au niveau du moteur, a concédé Adrian Newey. Le turbo n'a rien de nouveau en F1. En revanche, côté électrique, c'est très compliqué et ça demande une certaine discipline.»

Motoriste des écuries Red Bull, Toro Rosso, Lotus et Caterham, Renault F1 a qualifié ce changement de réglementation à la fois de «gros défi» et de «belle opportunité» qui va «permettre à la F1 de se replacer à l'avant-garde de la technologie».

Un discours qui ne convainc pas tout le monde. Et surtout pas les plus influents des paddocks. Bernie Ecclestone en tête.

Le grand argentier de la F1 n'est pas tendre avec ces nouveaux moteurs et les équipes: «Les écuries veulent économiser de l'essence, mais elles n'ont pas besoin de nouveaux moteurs pour y parvenir. Elles n'ont qu'à avoir de plus petites caravanes, ainsi elles n'auraient pas besoin d'autant de camions qui roulent partout en Europe. Mercedes utilise 23 camions. Si elles veulent économiser de l'essence, elles devraient arrêter avec ça.»

La F1 en sourdine?

Bernie Ecclestone n'apprécie pas non plus la sonorité plus discrète de ces moteurs V6 hybrides. «Les gens veulent du bruit, des sensations spéciales. Et là nous avons des moteurs silencieux.»

«Les voitures ont besoin de faire du bruit, de sentir une odeur particulière, de vous laisser un souvenir que vous n'oublierez pas», a rappelé en fin de saison dernière le champion du monde Sebastian Vettel.

Et c'est vrai que ce nouveau moteur est plus silencieux que son prédécesseur. Au point où les pilotes ont du mal à en discerner le bruit sous leur casque. «Cela change beaucoup les références. Avant, on descendait les rapports dans les virages en fonction du bruit du moteur. Là, il va falloir s'adapter et les compter», a estimé Romain Grosjean.

Ces nouveaux moteurs vont-ils totalement conditionner la saison qui s'ouvre dimanche à Melbourne? Ils ne sont plus accessoires en tout cas, aux yeux du quadruple champion du monde Alain Prost, interrogé à ce sujet par L'Équipe en début d'année.

«Il y aura des différences possibles, surtout au début de saison, dans la performance, la fiabilité et l'intégration dans le châssis, a-t-il jugé. [...] On repart pratiquement d'une feuille blanche. Les écuries qui avaient un gros avantage, avec un ensemble châssis-moteur abouti, doivent recommencer à zéro. Et d'autres comme Ferrari et McLaren vont peut-être réussir à repartir d'une base saine.»