À 84 ans, Bernie Ecclestone tient toujours les rênes de Formula One Management (FOM), qui gère les droits commerciaux de la Formule 1, et a rappelé que la catégorie reine du sport automobile est «d'abord et surtout un divertissement», dans un entretien avec l'AFP à Montréal.

Q: La F1 a-t-elle besoin de petits réglages ou d'une révolution?

R: «La F1 n'a besoin de rien. J'ai discuté avec des ingénieurs, l'autre jour, et je leur ai dit: je vendais des voitures d'occasion, j'étais plutôt bon dans mon domaine, je suis encore raisonnablement bon pour gérer les choses, mais je peux vous dire une chose: vous m'avez donné un produit "merdique" à vendre» (ndlr: les nouveaux moteurs V6 turbo hybrides, introduits début 2014 avec le nouveau règlement technique).

Q: Êtes-vous d'accord avec Alain Prost, pour qui la crise actuelle de la F1 est due au fait que le pouvoir est dans les mains des techniciens?

R: «Absolument. À 100%. Les gens qui gèrent les écuries ne le font pas correctement. Si je gérais encore une écurie, je ne permettrais pas à un de mes employés de me dire comment je dois le faire. Car je suis le patron, et c'est comme ça que je veux la gérer».

Q: Y a-t-il un écart croissant entre les demandes des fans et les objectifs des constructeurs?

R: «Tout ce que les gens veulent, c'est être divertis. Nous sommes d'abord et avant tout, vraiment, une entreprise de divertissement, alors dès qu'on arrête de divertir les gens, ça va moins bien, il y a des feux rouges qui s'allument. Aujourd'hui, quand Lewis (Hamilton) prend le départ d'une course, on sait déjà qu'il va gagner, avec deux ou 20 secondes d'avance. A l'époque, quand j'avais l'écurie Brabham (dans les années 70 et 80, ndlr), on avait tous quasiment le même moteur, avec des puissances très voisines, on fabriquait des voitures efficaces et on trouvait des pilotes pour les conduire. C'était surtout un championnat du monde des pilotes, pas un championnat des constructeurs».

Q: La solution éventuelle à cette crise peut-elle venir des patrons d'écurie?

R: «Le problème, c'est qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent, ils n'en ont pas la moindre idée, et quand on leur en donne, il n'en veulent pas. C'est bien pour eux d'avoir des rêves, de faire des réunions. S'ils ont des idées, ils n'ont qu'à les mettre en oeuvre. Ils parlent de voitures-clientes (qui seraient vendues par des constructeurs à d'autres équipes), mais quand on arrive à la question de savoir comment on le ferait, il y a un problème. Ca n'arrivera jamais, les voitures-clientes».

Q: Craignez-vous une plainte des petites écuries de F1 auprès de l'Union européenne, par rapport à la répartition inégale des revenus commerciaux de la F1?

R: «Je n'ai encore rien entendu de la part de l'Union européenne. Dans tous les secteurs, les gens se plaignent, et il y en a un peu marre de tous ces gens qui se plaignent. Ils ont signé des contrats, non? Si on leur donnait deux Mercedes, est-ce qu'ils auraient de meilleurs résultats? J'ai dirigé une écurie pendant 18 ans (Brabham), je l'ai financée moi-même, je n'attendais pas qu'on me donne de l'argent. Ces gars (les patrons des petites écuries) seraient dans la même situation s'ils faisaient autre chose, dans un autre domaine, ou s'ils n'arrivaient pas à vendre leurs produits en Chine, alors que d'autres y arrivent. Ils ne sont pas capables de gérer leur société. Il faut juste qu'ils trouvent plus d'argent, ou un mécène comme Dietrich Mateschitz (le fondateur de Red Bull), ou alors qu'ils en dépensent moins».

Q: En avez-vous assez de jouer les pompiers de service?

R: «C'est mon travail. Je le fais le mieux possible. J'aime quand tout le monde gagne de l'argent et ça ne me dérange pas que les pilotes gagnent beaucoup d'argent. Si quelqu'un est prêt à leur donner, tant mieux, qu'ils le prennent. Je suis contre toutes ces idées de budget contrôlé, de limitation des dépenses. Les patrons d'écuries devraient savoir ce qu'ils peuvent dépenser, ou pas».

- Propos recueillis par Daniel Ortelli à Montréal