Dans le match au couteau entre Lewis Hamilton et Nico Rosberg, l'Anglais a, comme en 2014, encore battu l'Allemand: il est désormais triple champion du monde alors que son ex-ami d'enfance a subi dimanche à Austin un nouveau K.-O..

Ce Grand-Prix des États-Unis a de nouveau illustré l'ascendant psychologique pris par Hamilton sur Rosberg: pour la troisième course de suite, le fils de Keke Rosberg s'est élancé en pole position; comme au Japon et en Russie, c'est l'Antillais d'origine qui a franchi la ligne d'arrivée en vainqueur.

Comme à Suzuka, dès le premier virage, Hamilton est passé en force, à l'intérieur, et Rosberg a perdu les pédales, perdant plusieurs places. Il a ensuite critiqué la manoeuvre «très limite et trop agressive» d'Hamilton au premier virage, dont l'écurie allemande a prévu de parler lundi, à tête reposée, lors d'un «débriefing» à huis clos avec ses deux pilotes.

Après ce énième incident entre les deux pilotes dont les relations épicées flirtent régulièrement avec la rupture, le directeur de l'écurie Mercedes-AMG Toto Wolff a dit lundi vouloir «calmer le jeu».

Plus grave pour Rosberg, au 48e des 56 tours, pressé par Hamilton en pneus plus frais, il a eu un moment d'absence: «Je ne sais pas ce qui s'est passé, cela ne m'était jamais arrivé avant». Une mauvaise trajectoire et Hamilton est passé, filant vers sa 10e victoire de 2015 et un titre de champion du monde.

Piètre consolation, même s'il avait remporté l'épreuve texane, le vice-champion du monde 2014 n'aurait fait que retarder le sacre annoncé de son coéquipier anglais, plus fort que jamais: 14 podiums en 16 courses, dont 10 fois sur la plus haute marche, et 11 poles positions!

Dans le même temps, Rosberg s'est contenté de miettes: 12 podiums, mais trois victoires seulement (Espagne, Monaco, Autriche), et quatre «poles», au lieu de 11 l'an dernier. Il a entretenu le suspense jusqu'à cet été, puis il a craqué à l'automne, pas aidé non plus par deux problèmes mécaniques en quatre courses (Monza, Sotchi).

22 victoires à 10

Depuis 2013, date du début de leur collaboration chez Mercedes, quand Hamilton est arrivé pour remplacer Michael Schumacher, à la demande de Niki Lauda, le président non exécutif de Mercedes-AMG, les statistiques sont cruelles pour le fils de Keke, sacré en 1982 à Las Vegas.

Sur cette période bénie pour Hamilton, le premier champion noir de l'histoire de la F1 mène largement au score: deux titres mondiaux à zéro, et surtout 22 victoires à 10, alors que les deux pilotes Mercedes disposent du même matériel, des Flèches d'Argent quasi imbattables, et que la marque à l'étoile s'enorgueillit de ne privilégier aucun des deux.

Contrairement à Michael Schumacher et Sebastian Vettel, clairement désignés comme pilotes N.1 lors de leurs ères de domination chez Ferrari (2000-2004) et Red Bull (2010-2013), Hamilton doit (se) battre (contre) son coéquipier, ce qu'il réussit à faire, depuis deux ans, avec une terrifiante efficacité.

S'il est bien sûr ravi de ce nouveau titre pour Hamilton, Toto Wolff, le patron de Mercedes-AMG, est conscient qu'il va lui falloir gérer la déception et les états d'âme de Rosberg: «Nous allons devoir lui remonter le moral dans les prochains jours», a-t-il admis dimanche soir.

Pas sûr que Rosberg puisse compter sur les mots d'encouragement de Lauda, éminence grise de l'écurie Mercedes et admirateur déclaré d'Hamilton. Quant à la théorie du complot, pour des raisons marketing, élaborée par des esprits troublés, elle ne résiste pas à l'épreuve de la piste.

«Lewis est simplement le pilote le plus rapide, c'est un champion du monde incroyable. Il a encore été meilleur que la saison dernière: il a eu tout juste toute la saison», résume Lauda, triple champion du monde comme Hamilton.

Une heure après la fin de la course, Rosberg semblait déjà ragaillardi: «Quoi qu'il arrive, cela ne va pas changer ce que je suis: j'attaque toujours, je suis toujours à fond», a-t-il insisté. Il a un contrat en or et tous les bons baquets sont pris, donc il ne risque pas de partir ailleurs.

L'Allemand a en tout cas joué le jeu jusqu'au bout, dimanche à Austin: en résistant au retour de Vettel et en terminant 2e, en parfait lieutenant, malgré la déception, il a évité que le sacre d'Hamilton soit reporté au Mexique. Un perdant certes, mais un perdant magnifique.