Saad Ali est en pole position pour devenir le tout premier pilote de Formule 1 du Pakistan, un tour de force dans un pays dépourvu de circuit de course et où le cricket rafle la mise auprès du public comme des commanditaires.

Le jeune homme de 28 ans a encore trois étapes à franchir avant d'entrer dans le cercle très fermé des pilotes d'élite (qui ne compte actuellement que 22 membres) et de prendre pied dans un monde brassant des milliards de dollars.

«Enfant, j'ai toujours été intéressé par les voitures, mais il n'y avait pas de courses au Pakistan. Elles n'étaient même pas diffusées à la télévision», raconte-t-il.

Malgré ce handicap au départ, Saad Ali fonce aujourd'hui vers son objectif. La chance a commencé à lui sourire lorsqu'il s'est classé deux fois troisième en un week-end lors d'une course de Formula Gulf 1000 à Abou Dhabi en 2014.

Il lui faut à présent s'imposer dans l'univers de la Formule 3 et des championnats GP2 et GP3, considérés comme des étapes obligées sur la route de la F1.

«Arriver jusque-là est extrêmement dur, extrêmement difficile, extrêmement compétitif», souligne-t-il.

Et cela coûte cher. «Je n'ai pas d'équipe, je suis tout seul», explique Ali. Pour chaque course, il engage une équipe qui lui fournit une voiture, mais aussi des ingénieurs et des techniciens spécialisés.

S'il a pu jusqu'ici se passer de commanditaires, ce fils de militaire estime qu'il lui faudra lever environ 2 millions de dollars dans les trois ou quatre prochaines années pour espérer réaliser son rêve de concourir aux côtés de champions comme Sebastian Vettel ou Lewis Hamilton.

«Pour les sports mécaniques, il faut cette expertise, ces techniciens, ces infrastructures. Il faut toute cette architecture pour vraiment arriver à quelque chose», insiste-t-il.

Mais selon Matthew Marsh, ancien pilote devenu commentateur de F1 à la télévision, «très peu de gens dans le monde parviennent à vivre en conduisant des voitures de course, et encore moins dans la F1».

De fait, dénicher de potentiels commanditaires dans un pays où les infrastructures dédiées à la course automobile se limitent aux circuits de kart ne s'annonce pas chose aisée.

Courses sauvages en pleine ville

À en croire les férus de belles machines, le Pakistan aurait pourtant beaucoup à gagner à construire ses propres circuits.

Non seulement l'économie bénéficierait de ces grands travaux, mais beaucoup de jeunes Pakistanais en quête de sensations fortes pourraient y trouver un exutoire, évitant ainsi de mettre d'autres personnes en danger sur les routes.

Selon un jeune passionné de 22 ans, des courses sauvages sont régulièrement organisées en pleine nuit dans les grandes villes pakistanaises au nez et à la barbe de la police.

«Il y a eu des accidents, certains très graves dans lesquels des gens sont morts. Mais cela continue car on ne peut pas brider la jeunesse», explique-t-il à l'AFP sous couvert d'anonymat.

«Que peuvent-ils faire? Ils ne disposent pas de circuit de course. S'il y en avait un, le risque d'accident serait réduit et la passion des jeunes pour la course pourrait être cultivée», argue-t-il.

Saad Ali est du même avis: «La première chose dont nous avons besoin dans le pays est un circuit de course. Les gens qui font la course sur les routes les utiliseront et leur besoin de vitesse pourra s'exprimer de manière très sûre», souligne-t-il.

Baber Kaleem Khan, éditeur du site automobile Pakwheels.com, estime pour sa part que la construction d'un autodrome aurait une série de retombées économiques positives.

«Le sport automobile n'est pas qu'un sport, c'est aussi un programme qui génère d'énormes capitaux», souligne-t-il.

«L'ingénierie nécessaire pour la voiture, l'entraînement du pilote, de l'équipe et des apprentis, le développement du produit et l'aspect commercial (auraient) un effet en aval sur les entreprises locales, qui pourraient concevoir et exporter des pièces depuis» le Pakistan, juge-t-il.

«La faim est là»

Ali n'a commencé à s'intéresser aux courses automobiles qu'en entrant à l'université en 2006 à Islamabad. «Je ne savais vraiment rien car personne au Pakistan n'avait jamais été pilote de course professionnel».

Abandonnant ses études, il s'est tourné vers un centre spécialisé situé à Bahreïn, le Formula BMW Racing Center (FBRC) Bahrain, qui forme de jeunes aspirants pilotes à l'art de la course automobile.

«Au bout de trois jours d'entraînement, j'ai participé au championnat de l'école», raconte-t-il, admettant avoir souffert d'«un sentiment extrême de claustrophobie».

«Lorsque vous vous asseyez dans une voiture et que vous mettez votre casque, vous ne pouvez pas bien respirer», se souvient-il. Quant aux ceintures de sécurité, elles étaient si serrées qu'elles lui sciaient les épaules et lui bloquaient les poumons.

Ces réserves initiales aujourd'hui loin derrière lui et Saad Ali se concentre sur son grandiose objectif: «Atteindre la Formule 1, cela veut dire (entrer dans le cercle des) 22 meilleurs pilotes qui concourent entre eux», sourit-il avec détermination. «L'idée est là, le désir est là, le feu et la faim sont là: tout est là».