Il y a maintenant 12 ans que Bombardier a demandé à sa petite soeur BRP de voler de ses propres ailes. Passé le choc initial, Bombardier Produits récréatifs s'est littéralement réinventé et fait aujourd'hui honneur à l'héritage de Joseph-Armand Bombardier. L'entreprise de Valcourt s'est habilement diversifiée, recevant de multiples accolades, autant pour la qualité de ses produits que pour son design ou ses avancées technologiques. Portrait d'un fleuron.

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José Boisjoli: la passion du patron

José Boisjoli dirige les destinées de BRP depuis près de 17 ans. Allumé par la même passion qu'au premier jour, il a été nommé entrepreneur de l'année au Québec par Ernst & Young en 2014. Sous sa direction, BRP a retrouvé sa place de numéro un dans le secteur de la motoneige; c'est aussi lui qui a orchestré le lancement de l'inédit Spyder et qui, avec la Spark, a ressuscité la motomarine bon marché. Le mois dernier, au Salon international du bateau de Miami, il est allé cueillir pour la septième année consécutive le prix d'innovation de l'Association américaine des manufacturiers de produits nautiques, remis cette fois au nouveau moteur Evinrude G2. La Presse y était et s'est entretenue avec l'homme derrière BRP.

Q: L'innovation semble plus que jamais le moteur de développement de BRP. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle?

R: On a la croyance que dans notre domaine, si on trouve le bon produit, on peut changer la donne. Nous investissons 4,5% de notre chiffre d'affaires en recherche et développement. Nos compétiteurs sont autour de 3,7% à 4%. On va continuer comme ça. Il y a 15 ans, on était une entreprise à deux produits. On a établi une stratégie de diversification pour aller chercher le plus de concessionnaires dans le monde. Nous avons aujourd'hui six gammes de produits bien diversifiés, pour les quatre saisons. La R&D assure aux concessionnaires que l'on va toujours arriver avec de nouveaux produits.

Q: Il y a certainement de nouveaux projets en chantier?

R: On a commencé nos discussions avec le conseil d'administration pour déterminer si on ajoute une autre gamme de produits: pourrait-il s'agir de motocross, de moto de route? Il y a en fait plusieurs types de véhicules que l'on songe à ajouter à notre catalogue de produits connexes. Par contre, il y a une autre philosophie qui encourage la diversification, dans des secteurs adjacents à ceux que l'on exploite déjà. On est au début de nos discussions. Une chose est sûre, il va falloir démarrer une nouvelle phase de développement, mais on parle d'un horizon de trois ans et plus.

Q: Maintenant que l'entreprise est cotée en Bourse, il faut aussi satisfaire les actionnaires. L'action de BRP a d'ailleurs atteint un plancher au début du mois de février.

R: Notre répartition de profitabilité a toujours été de 40% pour la première moitié de l'exercice financier et de 60% pour la deuxième. Avec le moteur Evinrude G2 expédié en novembre et le nouveau Spyder F3 en janvier, on avait planifié une répartition exceptionnelle de 30-70, ce qui était déjà un défi à expliquer aux investisseurs. Mais le long hiver que l'on a connu en 2014 a nui à nos ventes de produits d'été, mais cela a au contraire été très favorable pour la motoneige. Cela a déséquilibré encore davantage notre répartition de ventes entre les deux semestres, au point de passer à 20-80. Les investisseurs sont un peu sceptiques de voir si on va livrer la marchandise, c'est à nous de le prouver.

Q: Malgré toutes les innovations qui vous ont valu des dizaines de prix partout dans le monde, vos produits semblent encore souffrir d'un problème de perception auprès du grand public...

R: C'est clair qu'il y a encore un problème de perception. Les gens du milieu reconnaissent que BRP est un innovateur dans le domaine. Naturellement, il y a tous ces gens autour qui ne veulent pas voir un bateau motorisé sur un plan d'eau, qui ne veulent pas voir de motoneiges dans leurs champs. Ce sont autant de gens que l'on doit convaincre et autant de raisons qui nous poussent à innover pour arriver avec des véhicules plus propres. Il faut convaincre les gens en périphérie que nous sommes légitimes.

Q: Parlant de relations publiques, la récente campagne de publicité télé du Spyder mettant en vedette Mark Messier et Danica Patrick avait été postsynchronisée en français pour le public du Québec. Ce n'était pas un peu maladroit venant d'une entreprise de chez nous?

R: On a eu un débat à l'interne à ce sujet, et on a pu faire une erreur. Il faut comprendre que le Québec représente moins de 5% de notre chiffre d'affaires, malgré que ça demeure un marché important et que nous devons continuer d'y jouer notre rôle social. On essaie donc de conserver l'équilibre entre ce que l'on fait chez nous et ce que l'on fait à l'étranger. On voulait compter sur des personnalités fortes aux États-Unis, et pour compenser, on est allé chercher Luc Robitaille, bien connu au Québec. Est-ce qu'on aurait dû ne pas présenter les publicités avec Messier et Patrick au Québec? Peut-être. Mais nous avons cru qu'il était mieux de présenter un Messier traduit que de ne pas le montrer du tout.

Q: Avec l'ouverture en 2017 d'une troisième usine à Juárez, le Mexique va devenir le plus important centre de production de BRP. Les employés du Québec doivent-ils s'inquiéter?

R: Tous nos concurrents ont des activités globales, on est condamnés à la mondialisation. Nous avons des employés dans 26 pays, nos produits sont vendus dans 105, mais notre site le plus important demeure Valcourt, même s'il y aura bientôt davantage d'employés d'usine au Mexique. Notre stratégie est claire avec nos employés: notre intention est de garder les sites manufacturiers actuels stables, mais la croissance va se faire dans les marchés qui nous permettent de bénéficier de meilleurs coûts de main-d'oeuvre.

Q: Par contre, vous allez continuer de tester vous-mêmes vos produits chez vous?

R: Bien sûr! J'essaie tous nos véhicules, la plupart du temps avec ma femme. Je suis choyé, je joins l'utile à l'agréable. D'ailleurs, après une semaine de boulot, une journée de Spyder, de motoneige ou de motomarine me permet de tout oublier. De plus, j'ai rencontré mes meilleurs amis en testant mes véhicules. Nos produits permettent d'agrandir nos cercles d'amis, c'est une véritable activité sociale. Pour moi, il n'y a rien de plus valorisant.

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Photo fournie par BRP

José Boisjoli, PDG de BRP.

Evinrude E-TEC G2: le moteur hors-bord réinventé

Avec son ETEC G2, Evinrude persiste et signe, et va plus loin encore qu'avec la première génération de son moteur deux-temps à injection directe. Lancé à l'automne, le G2 est le fruit de la recherche des centres d'innovation de BRP à Valcourt, en Autriche et au Wisconsin. Il a été raffiné grâce à des outils de simulation élaborés de concert avec l'Université du Wisconsin, et les ingénieurs ont réussi à réduire le niveau d'émissions polluantes du moteur au-delà de toutes les normes internationales en vigueur dans l'industrie nautique.

Tout en augmentant le couple, ce qui rend le léger moteur deux-temps plus que jamais approprié pour les applications maritimes. «Il est nécessaire de compter sur beaucoup de couple pour sortir une embarcation de l'eau pour se retrouver le plus rapidement à plat à la surface, là où les besoins de puissance sont bien moindres, explique Alain Villemure, vice-président et directeur général de BRP Systèmes de propulsion marins. La même situation se présente en virage ou quand on tire un skieur. Plus le moteur est sollicité, plus il consomme d'essence.»

Si BRP a continué de développer le moteur deux-temps alors que tous ses concurrents l'abandonnaient, c'est qu'il a été possible d'établir des synergies au sein même de l'entreprise de Valcourt. «Le hors-bord nous permet de supporter la motoneige et vice-versa. L'avantage d'oeuvrer dans deux marchés distincts est énorme, affirme M. Villemure, rencontré à l'occasion du Salon du bateau de Miami. Les applications sont un peu différentes et permettent donc de faire évoluer le produit. Ce sont ces deux industries qui nous permettent de faire les investissements nécessaires en recherche et développement.» La technologie du moteur G2 va donc naturellement se retrouver bientôt sous le capot de motoneiges Ski-Doo et Lynx, ce que nous a confirmé le président José Boisjoli.

La mécanique du moteur G2 est révolutionnaire, mais son design l'est tout autant. Premier moteur hors-bord conçu autour d'une structure exosquelettique, ce qui permet au client de choisir des panneaux et des accents de couleurs différentes. «Les gens vont sans doute être heurtés par le design du G2, affirme Jason Eckman, directeur de produits chez BRP Systèmes de propulsion marins. Mais dans un an, ce sont tous les autres moteurs qui vont avoir l'air dépassés.»

«Chez BRP, nous sommes responsables de tous les aspects reliés à l'utilisation des produits, enchaîne Alain Villemure, qui était auparavant responsable du développement des véhicules chez BRP. On arrive dans le milieu du moteur hors-bord, où notre rôle se verrait limité à celui de simple fournisseur de systèmes de propulsion? On ne voit pas ce comme ça.» C'est ainsi que le moteur G2 est proposé avec une kyrielle de fonctions inédites comme la direction hydraulique intégrée, un système de correction automatique d'assiette et un haubanage propre qui acheminent tous les câbles au moteur dans un seul tube.

Voilà entre autres pourquoi plusieurs spécialistes parlent du G2 comme du moteur hors-bord du futur, rien de moins.

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Photo fournie par BRP

Sea-Doo Spark: le retour de la motomarine ludique

Jusqu'à l'année dernière, il fallait débourser au moins 10 000 $ pour faire l'achat d'une motomarine. Au fil des années, les machines ont grossi, à la faveur des nouvelles normes de sécurité, de bruit et d'émissions polluantes. «Jusqu'à l'an dernier, pour chaque motomarine neuve, il s'en vendait quatre d'occasion. Les clients voulaient acheter, mais préféraient les usagées, nous a appris José Boisjoli, PDG de BRP. On a ajouté des technologies, mais les prix d'entrée de gamme étaient devenus trop hauts.»

Il fallait retourner aux dimensions et à la puissance plus modestes des machines des années 90. L'idée de José Boisjoli était de pouvoir transporter deux motomarines à l'aide d'une voiture compacte, pour 10 000 $ US. «On s'est donné le défi de créer une nouvelle architecture de produit, s'est rappelé Denys Lapointe, vice-président principal, design et innovation, chez BRP. Il fallait revoir tout le design: la coque, les carrosseries, l'ergonomie, tout. Il fallait simplifier le produit.»

C'est ainsi qu'est née la Spark, innovation de l'année 2014 de l'Association américaine des manufacturiers de matériel nautique. Sa coque et sa structure sont en plastique plutôt qu'en fibre de verre, et elle est fabriquée au Mexique, deux raisons qui expliquent son bas prix. Mais elle est joueuse à souhait, facile à prendre en main, et elle accroche un grand sourire au visage. Son succès a d'ailleurs été immédiat, ce qui a conforté la place de BRP au sommet du marché de la motomarine. «Notre objectif de vente était de 60 à 70 millions, nous a avoué José Boisjoli. On a doublé les ventes à près de 120 millions. Le carnet de commandes a été plein pendant toute l'année, la production devait se terminer en mars, mais on l'a étendue jusqu'en juin. Et on a recommencé dès septembre, en augmentant le volume.»

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Photo fournie par BRP

Can-Am Spyder F3: nouvelle déclinaison d'un véhicule unique

BRP vient de lancer une seconde mouture de son roadster à trois roues, le Spyder F3, qui adopte une allure à la fois plus agressive et plus décontractée. Le nouveau Spyder s'adresse principalement aux amateurs de motos custom, en proposant entre autres une position de conduite configurable, selon la grandeur du pilote.

«On cherche toujours à créer des espaces stratégiques non contestés (Blue Ocean Strategies), explique Denys Lapointe, vice-président Design et Innovation chez BRP. Tout le monde se bat pour la même tarte, pourquoi ne pas en imaginer une autre? C'est ce qu'on a fait avec le Spyder. »

Malgré le fait que plus de 15 000 unités de Spyder aient été vendues à travers le monde en 2014, le PDG de BRP, José Boisjoli, reste sur sa faim. «On pense que ça pourrait aller encore plus vite, affirme-t-il. Au Québec, 9 personnes sur 10 connaissent le Spyder. On a des concessionnaires chez nous qui vendent 100, 150 unités par année. Aux États-Unis, un marchand peut dépasser les 150 ventes alors qu'un autre qui propose le même genre de produits n'arrive pas à en vendre 10...» C'est pourquoi BRP va mettre en place un programme accéléré pour enseigner les pratiques des 50 meilleurs concessionnaires Can-Am.

José Boisjoli est néanmoins confiant et ne craint d'ailleurs pas l'arrivée du nouveau Slingshot, de Polaris. «Le Spyder est une alternative à la moto, alors que le Slingshot propose une solution de rechange à la voiture décapotable. Mais aimes-tu mieux acheter un Slingshot à 25 000 $ ou une décapotable usagée au même prix, avec un toit rétractable? Je ne répondrai pas à la question», conclut l'homme d'affaires, l'oeil plein de malice.

Les frais de déplacement et d'hébergement ont été payés par BRP.

Photo fournie par BRP