Méconnue et encore souvent méprisée, l'industrie du recyclage automobile joue pourtant un rôle économique et écologique non négligeable. En plus de cacher des secrets fascinants.

La cour à « scrap ». L'odeur d'huile usée s'accroche aux narines sitôt franchi le pas de la porte. En fait, tout ce qu'on y trouve semble suinter la vieille 10W30, y compris le préposé qui se tient nonchalamment derrière le comptoir. C'est sans compter la pièce que l'on vient d'acheter ; on aurait parié qu'elle était dans un bain de goudron. Heureusement, la cour à « scrap » se fait de plus en plus rare. Place aux centres de recyclage automobile.

Le centre LKQ de Pintendre, au sud de Québec, est le plus grand recycleur automobile au Québec. La superficie de la cour fait l'équivalent de 115 terrains de football et compte plus de 3200 carcasses de véhicules hors d'usage (VHU). C'est sans compter les entrepôts où l'on trouve des dizaines de milliers de pièces, toutes codifiées et répertoriées avec moult détails dans la base de données.

Organisée, méthodique, ordonnée

Une véritable petite usine, à des années-lumière de la cour à « scrap » traditionnelle. « Les gens se sont adaptés, la société change, les standards de protection environnementale sont aussi beaucoup plus sévères, explique Vincent Lacasse, directeur des ventes de LKQ pour l'est du pays. Les membres de l'ARPAC [Association des recycleurs de pièces d'autos et de camions] n'ont pas le choix de se conformer aux nouvelles normes. »

Si l'ARPAC représente 20 % des centres de recyclage du Québec, elle compte pour 80 % du volume de vente. Ses 81 membres offrent leurs pièces sur un portail web centralisé accessible au public. Pratique pour les consommateurs en quête d'aubaines, mais également bénéfique d'un point de vue environnemental.

« Et c'est aussi une économie de 500 millions en activités industrielles polluantes nécessaires pour la fabrication de pièces neuves. Acheter un alternateur usagé dans le centre de recyclage voisin est autrement moins polluant que de se rabattre sur une pièce neuve faite en Chine. »

Fondé en 1972, Pintendre Automobile est passé dans le giron de la multinationale américaine LKQ en 2007, première d'une série de six acquisitions au Québec. Le centre de recyclage s'est développé autour d'une simple grange, à laquelle se sont greffés au fil du temps plusieurs entrepôts, ce qui donne au complexe des allures de labyrinthe. On s'y perd. « Comme bien d'autres entreprises de recyclage de pièces automobile, la croissance s'est faite de manière un peu inattendue, soutient M. Lacasse. L'agrandissement de nos locaux s'est donc réalisé en séquences, par petits bouts. »

Chaîne de production

Une véritable petite armée de 180 employés s'affaire chez LKQ Pintendre. « Il y a plus d'une dizaine d'étapes dans notre chaîne de production : l'approvisionnement, la codification, l'extraction des fluides, le démontage, la répartition, la manutention de pièces, la vérification, l'emballage, la livraison et les relations avec la clientèle, énumère Vincent Lacasse. Et tout le monde est tributaire l'un de l'autre. »

La liste de production est constituée en fonction des besoins du marché. « On sait déjà de quelles pièces on a besoin, affirme Vincent Lacasse. La requête est envoyée à l'équipe d'approvisionnement régional, qui se met à la recherche du véhicule dans les encans en ligne et auprès des compagnies d'assurances. Les compagnies d'assurances ont d'ailleurs avantage à faire affaire avec nous : elles nous approvisionnent en véhicules, on leur fournit les pièces nécessaires à la réparation des voitures de leurs clients. »

Sitôt débarqué du camion, le véhicule est codifié et apparaît dès lors dans la base de données. Le véhicule peut être rapidement démantelé si un client en fait la demande expresse, mais on commence normalement en purgeant les fluides du véhicule.

« L'essence est récupérée pour notre propre flotte de livraison, nous apprend Vincent Lacasse. Quant à l'antigel, une partie est revendue au public, alors que le reste est recyclé. »

S'enchaîne le démantèlement dans l'un des 14 postes réservés aux véhicules légers - un atelier traite aussi quelques poids lourds.

« Démonter un véhicule, c'est un art, assure M. Lacasse. Les employés touchent à la fois à la mécanique et à la carrosserie, il y a aussi des contraintes sécuritaires, notamment en ce qui a trait aux coussins gonflables non déployés. Certains accidents de travail graves sont déjà survenus dans l'industrie. » 

D'ailleurs, à la suite des efforts de l'ARPAC, un certificat de qualification professionnelle est dorénavant remis aux démonteurs qui suivent un programme d'apprentissage en milieu de travail.

À la légitimation professionnelle doit maintenant s'ajouter la reconnaissance du grand public, qui n'est pas complètement acquise. « Les préjugés demeurent, reconnaît Simon Matte. Il faut donc sensibiliser les automobilistes et leur faire comprendre que les centres de recyclage sont une alternative économique et écologique. »