L'industrie automobile américaine carbure aux icônes. Cette année, au salon de l'auto de Detroit, le public a justement été témoin du renouvellement de voitures qui ont contribué à définir notre paysage automobile. D'abord avec la Mustang, celle par qui les pony cars sont arrivées, ensuite avec la Corvette Z06, version ultime de la voiture sport made in USA. Mais l'ambition de ces icônes ne se limite plus à notre seul continent.

Ford Mustang 2015: le retour du «pony car»

On a fait grand état de la nouvelle Mustang 2015, lancée au début du mois de décembre et présentée pour la première fois au public au salon de l'auto de Detroit, qui s'est conclu la semaine dernière. On a bien sûr parlé du fait qu'on allait pouvoir boulonner un quatre-cylindres sous le capot du bolide, ou qu'une suspension indépendante avait finalement remplacé l'essieu arrière rigide. Mais une icône comme la Mustang se définit à bien davantage que des aspects mécaniques. Les principaux artisans du nouveau fer de lance de Ford étaient à Detroit et La Presse a pu leur parler.

«Je crois que la nouvelle génération de la Mustang ouvre un nouveau chapitre déterminant dans l'histoire de la marque, nous a affirmé Moray Callum, designer de génie responsable de l'équipe qui a pondu la dernière Mustang. Elle appartient davantage à l'avenir qu'au passé, il n'y a pas de doute, surtout avec toutes les nouveautés technologiques qu'on trouve à bord. C'est le retour de la pony car

À l'oeil, et surtout quand on la regarde à côté de la génération actuelle, la nouvelle Mustang nous apparaît plus petite, même si, dans les faits, elle a presque la même taille. Mais, alors que la voiture actuelle tient plus du muscle car avec les formes brutes et galbées qu'on trouvait sur les modèles de la fin des années 60, la nouvelle mouture s'inspire davantage des codes de la Mustang originale. «On a modifié les proportions de l'auto», a expliqué Moray Callum, qui a notamment été responsable du virage design de Mazda au milieu des années 2000. «La nouvelle Mustang est plus basse, plus large, plus épurée. Le capot est plus long, l'arrière est plus ramassé, c'est le retour de la fastback, en fait.»

Jusqu'à maintenant, la réponse est bonne, et les aficionados de la marque ne semblent pas choqués par la nouvelle allure de la Mustang. «À mon avis, ça devrait plaire à une plus grande clientèle, a estimé M. Callum. Les changements qu'on a apportés n'ont rien de risqué; on est vraiment satisfaits du travail accompli.»

Sur le plan de la mécanique, on aurait pu croire que le retour d'un moteur à quatre cylindres - offert de 1974 à 1993 - engendrerait une levée de boucliers chez les puristes de la marque. «Ceux qui vont choisir le quatre-cylindres Ecoboost seront ceux qui ont abandonné la Mustang pour des raisons pratiques et rationnelles, a soutenu Jacques Brent, responsable du marketing pour les VUS et les voitures de grande taille. Un moteur à la fois économique et performant, ajouté à la présence de technologie de pointe, pourrait ramener au bercail certains clients de cette génération "oubliée", notamment ceux qui ont déjà conduit des voitures sport à quatre cylindres comme l'Audi TT.

«Les passionnés qui vouent un grand respect à l'héritage de la Mustang sont des clients généralement plus âgés et ils choisissent surtout le V8. La présence d'un quatre-cylindres ne devrait pas les gêner», a-t-il soutenu.

La nouvelle Mustang s'inscrivant à son tour sous la stratégie globale One Ford, on peut néanmoins penser qu'on a procédé à ces changements pour plaire à une clientèle internationale. «Il y a une grande demande en Europe, on l'a constaté en voyant le nombre de voitures vendues sur le marché de l'occasion, a reconnu M. Brent. Mais la Mustang demeure une voiture bâtie pour les Américains; rien n'a été dilué pour plaire à un marché global. De toute façon, les automobilistes nord-américains et européens se rapprochent sans cesse. On le voit avec la popularité de la Fiesta et de la Focus, de part et d'autre de l'Atlantique. Le public américain est certainement plus raffiné qu'auparavant.»

«De toute façon, les clients internationaux veulent que la Mustang soit américaine», a tranché de son côté l'Écossais Moray Callum.

La Chevrolet Corvette Z06 Corvette à l'assaut du monde

Lancée l'an dernier au Salon de Detroit, la septième génération de la Corvette a connu des débuts fracassants. On lui a remis il y a quelques semaines le titre de voiture nord-américaine de l'année 2014, à quoi se sont ajoutées des ventes à l'avenant; près de 55% des Corvette vendues aux États-Unis en 2013 ont été des C7, même si le nouveau bolide n'est arrivé qu'en octobre chez les concessionnaires Chevrolet. En décembre, la Corvette était numéro trois parmi les voitures sport chez nos voisins du Sud, derrière les sempiternelles Camaro et Mustang, vendues des milliers de dollars de moins. Pas banal.

Bon, le succès de la C7 Stingray aux États-Unis était somme toute prévisible. On parle d'une icône américaine. Mais General Motors vise plus haut et a l'ambition de faire de la Corvette une véritable sportive de calibre international. C'est ici qu'entre en jeu la Z06, lancée au récent Salon de Detroit en compagnie de la C7.R, Corvette de compétition qui a incidemment disputé sa première course la semaine dernière lors du Rolex 24, à Daytona.

Ce n'est pas un hasard si, dans la vidéo diffusée sur écran géant lors du lancement de la Z06, la caméra s'est attardée sur le casque du pilote, sur lequel était peint le tracé du Nurburgring, mythique circuit allemand. «On sent que l'on peut plus que jamais se mesurer directement aux Ferrari et Porsche de ce monde, a affirmé à La Presse Harland Charles, directeur du projet Corvette Z06. Le public européen s'aperçoit à quel point il s'agit d'une vraie voiture sport, non seulement puissante, mais aussi intelligente et légère.»

Les chiffres de la Z06 parlent d'eux-mêmes - 625 chevaux et 635 lb-pi de couple pour un poids estimé de 1570 kg -, mais ça prend davantage pour séduire une clientèle internationale qui s'est habituée aux côtés bourgeois et sophistiqué des cibles avouées de la Corvette Z06. «Contrairement à la dernière Z06, qui est essentiellement une voiture pour aller faire de la piste, la nouvelle mouture offre un environnement plus luxueux qui la compare avantageusement aux autres voitures de sa gamme, a soutenu M. Charles. On s'ouvre donc à une clientèle plus vaste, qui va apprécier le choix de transmissions, le toit rétractable, les sièges en cuir et la finition soignée de l'habitacle. D'ailleurs, lors d'événements où on les invite à piloter la Stingray, on voit ces nouveaux clients qui recherchent le raffinement et qui évaluent des choses comme la sensation du pilotage et la solidité de la structure du châssis.»

Tout ça pour un prix estimé de 85 000$, qui place le bolide bien en deçà de la concurrence. Mais on ne veut plus mettre l'accent sur cet argument - fort valable au demeurant. «Le fait que la Corvette soit moins chère n'est plus une excuse, a martelé Harland Charles. De plus en plus de gens s'aperçoivent que la Corvette a non seulement une excellente valeur, mais que c'est l'une des meilleures voitures sport du marché.»

Pour ce faire, on a développé la Z06 en parallèle avec la nouvelle Corvette de course, la C7.R. En fait, le châssis en aluminium des deux voitures est fabriqué sur la même chaîne d'assemblage, dans l'usine de Bowling Green, au Kentucky. «La Corvette Z06 et la version de course n'ont jamais été si semblables, a admis Jim Campbell, vice-président du sport motorisé et des véhicules de performance chez GM. On a créé la C6 à la suite des apprentissages faits avec la C5.R. On a fait la même chose avec la C6.R, qui a plus que jamais directement influencé le développement de la C7.»

«Les enseignements de la course ont eu une grande influence dans le développement de la Z06, a ajouté Harland Charles. C'est particulièrement évident sur le plan de l'appui aérodynamique; tous les éléments présents sur la Z06 sont là pour une raison.» On parle par exemple de l'aileron arrière, qui est ajustable manuellement pour mieux doser l'appui, de même que des diffuseurs avant, disposés de façon à permettre un meilleur apport d'air au moteur et au radiateur, lui-même installé en angle en accord avec la position des pièces aérodynamiques.

Que restera-t-il alors pour une future ZR1, version ultime de la Corvette C6 que Chevrolet a lancée en 2009? «On a tout mis dans la Z06. Pas besoin de refaire une ZR1», a tranché Harland Charles, sourire en coin.

La Z06 sera en vente au début de 2015.