Blainville est l'épicentre des essais de conformité et de recherche que mène Transports Canada au pays sur les véhicules déjà en marché ou en voie de l'être. Des laboratoires du Centre d'essais pour véhicules automobiles sortent des véhicules portant les stigmates d'essais en tous genres, surtout des essais de collision. Mais que leur fait-on subir ? À quoi cela sert-il ? Qui fait quoi ?

QU'EST-CE QUE LE CEVA ?

Construit par Transports Canada en 1977, le Centre d'essais pour véhicules automobiles (CEVA) est, comme son nom l'indique, le lieu d'essais en laboratoire et sur piste de certains véhicules mis en marché. Transports Canada a confié en 1996 la gestion du centre à une entreprise privée, PMG Technologies, dont les 70 techniciens et ingénieurs préparent et réalisent tous les essais. Transports Canada concentre la moitié des activités du centre aujourd'hui. L'autre moitié est le fait de toute autre industrie liée aux transports. Cela va des tests en chambre froide d'une motoneige à un essai sur piste de voitures par des médias en passant par un test d'un manufacturier de véhicules modifiés. L'aire d'impact est par contre monopolisée par Transports Canada.

QUE FAIT TRANSPORTS CANADA À BLAINVILLE ?

La recherche est la principale activité de Transports Canada à Blainville. Elle porte sur l'amélioration ou la création de normes de sécurité ainsi que sur les mannequins. Les tests de conformité sur les véhicules et sur les sièges d'enfants permettent de vérifier les déclarations des constructeurs automobiles et autres manufacturiers. Une troisième équipe élabore actuellement une norme canadienne pour tout équipement qui permet d'éviter une collision. Trois ingénieurs du Ministère dirigent ces trois types de travaux. Tout ce qui concerne la sécurité est étudié à Blainville: désembuage, dégivrage, ceintures, coussins gonflables, ancrages, pare-chocs, structure, toit et résistance aux impacts.

UN PROCESSUS D'HOMOLOGATION DES VÉHICULES AU CANADA ?

Au Canada, comme aux États-Unis, il n'existe pas de processus d'homologation de tous les véhicules neufs qui font leur entrée sur le marché. Les constructeurs automobiles et importateurs doivent certifier que tous leurs véhicules sont conformes aux normes de sécurité du Canada. Leurs déclarations de conformité ne sont vérifiées qu'occasionnellement. Transports Canada effectue alors au besoin des tests de conformité, d'impact ou autres. Les pouvoirs publics ne peuvent tester tous les véhicules en marché. Une voiture neuve qui arrive sur le marché ne passe pas automatiquement par Blainville. «Ce n'est pas exigé par le gouvernement. Le constructeur doit s'assurer d'avoir rencontré toutes les normes et doit être en position de le démontrer», précise Suzanne Tylko, chef de recherche sur la résistance à l'impact à Transports Canada.

QUELS TESTS PEUT PASSER UN VÉHICULE ?

Au Canada, les tests d'impact de conformité sont de deux ordres. Le test frontal consiste à projeter contre une paroi, à une vitesse de 40 km/h, une voiture sur 100% de sa surface puis sur 40% de sa surface. Ceci pour évaluer la résistance de l'auto ainsi que l'efficacité de ses équipements de sécurité comme le coussin gonflable. Le test arrière consiste à projeter le véhicule contre la paroi sur sa surface arrière pour évaluer la résistance du réservoir. Au Canada, il n'existe aucune norme pour évaluer la résistance d'une voiture à un impact latéral. Celle-ci est en cours d'élaboration. «On évalue actuellement les normes américaine et européenne, ce qui est le mieux pour ici», dit Mme Tylko. En attendant, Transports Canada s'est entendu avec les constructeurs automobiles pour que ceux-ci respectent la norme américaine existante. Relativement récente en laboratoire, la collision frontale entre deux voitures en mouvement n'est pas encore régie par une norme, elle non plus.

COMBIEN DE VÉHICULES SONT TESTÉS CHAQUE ANNÉE ?

Selon les années, entre 50 et 100 tests d'impacts sont menés au centre d'essais de Blainville. La majorité des tests concerne des travaux de recherche sur les mannequins et sur les normes actuelles ou à venir. Ces 5 dernières années, 28 véhicules en moyenne chaque année ont subi un test d'impact de conformité, pour une moyenne de 28 frappes annuelles. Environ 100 véhicules sont actuellement à Blainville, destinés à être détruits en tout ou en partie - si ce n'est déjà fait. Ces véhicules sont utilisés plus d'une fois. Conservé trois ou quatre ans, un même véhicule peut faire l'objet d'un test d'impact frontal de conformité puis d'un test d'impact latéral de recherche.

COMMENT SONT CHOISIS LES VÉHICULES TESTÉS ?

Transports Canada se procure lesdits véhicules de façon anonyme. «Les constructeurs ne le savent pas. On achète chez les concessionnaires comme la population y achèterait son véhicule», affirme Mme Tylko. Un nouveau modèle, une nouvelle technologie, un nouveau fabricant, une nouvelle norme, le volume des ventes, une plainte du public, une enquête d'accident ou un modèle exclusif au pays sont autant de critères pris en compte par l'équipe de la conformité pour choisir ses véhicules.

LA NISSAN MICRA, VA-T-ON LA TESTER ?

Modèle exclusif au marché canadien en Amérique du Nord, la Nissan Micra sera chez les concessionnaires à partir du mois d'avril. Cette nouvelle voiture n'est pas encore passée par Blainville. «Transports Canada est en train de finir ses essais pour l'année financière 2013-2014. La sélection de véhicules pour l'année financière 2014-2015 vient juste de commencer et s'étalera sur plusieurs mois. Nous n'avons pas la liste complète en ce moment», explique Matt Coon, chef de conformité sur la résistance à l'impact à Transports Canada. Qu'en est-il des autres modèles exclusifs passés ou présents ? La Mercedes Classe B a vu sa conformité vérifiée. On n'a pas eu de réponse pour la Toyota Matrix 2014.

Y A-T-IL DES ÉCHECS ?

Dans l'histoire du centre de Blainville, rares ont été les voitures n'ayant pas répondu aux normes de sécurité en matière de collision. La Nissan Cube 2011 est la dernière voiture à ne pas avoir passé avec succès un test d'impact de conformité. «Il s'agissait d'un test d'impact arrière. Ceci a confirmé les résultats obtenus par la NHTSA aux États-Unis, précédant un rappel au Canada et aux États-Unis», précise Matt Coon. Sa collègue Suzanne Tylko ne se souvient pas d'avoir vu une voiture échouer. «C'est tellement important pour les constructeurs de respecter la norme, que cela aurait l'air fou.» De même qu'il est «assez rare» qu'un système de sécurité ne satisfasse pas aux normes. «Si on découvre quelque chose ou si on a des questions, on demande au constructeur de fournir la preuve de ses essais et les résultats, et de montrer que cela répond à la norme», ajoute Mme Tylko. Si ce n'est pas le cas, le constructeur doit rappeler le véhicule.

Photo fournie par Transports Canada

Test de la résistance des toits. 

Photo fournie par Transports Canada

Photo aérienne des installations de Blainville. 

POURQUOI ANALYSE-T-ON LES IMPACTS?

Si le corps humain ne change pas, la voiture, elle, évolue constamment. Ce qui conduit les pouvoirs publics à réévaluer leurs propres normes de sécurité. En permanence.

En ce mardi matin, jour de notre visite, on s'active au Centre d'essais pour véhicules automobiles de Blainville. Suzanne Tylko, chef de recherche sur la résistance à l'impact à Transports Canada, attend impatiemment de voir les deux Honda Civic en piste se percuter pare-chocs contre pare-chocs, au niveau du phare avant gauche. Lancées à 48 km/h, les deux voitures et leurs quatre occupants respectifs un peu particuliers doivent fournir une batterie d'informations.

«On cherche à savoir si les mannequins sont adéquats pour évaluer ce type de collision. On observe comment les gens peuvent être affectés par cette collision. Et on va comparer l'efficacité de deux sièges pour enfants, l'un vendu au Canada, l'autre en Europe», explique-t-elle.

Ce test de collision frontale entre deux voitures a nécessité une semaine de préparation, pour une scène de quelques secondes. Tout ce travail est basé sur des données scientifiques. Il exige une compréhension du corps humain et de son interaction avec la voiture.

«Il faut se rapprocher des conditions dans lesquelles l'homme se retrouve. Ce doit être représentatif de ce qui se passe dans la réalité», précise Mme Tylko. D'où l'importance des mannequins (voir autre texte suivant), à partir desquels on va établir les risques de blessures, mortelles ou non.

Dans le monde automobile, ce test d'impact frontal entre deux voitures en mouvement n'est pas encore tout à fait une norme destinée à faire partie de la série de tests d'impacts obligatoires que peut passer n'importe quel nouveau modèle. C'est pourquoi il doit être évalué. Et pour être évalué comme il se doit, il faut employer la bonne méthode et avoir à disposition les bons mannequins.

«Quand on établit une norme, il faut s'assurer que la méthodologie soit répétitive, car il faut évaluer tous les véhicules de la même façon. Quand on fait une frappe dans un mur, c'est toujours la même frappe pour tout le monde. On s'assure de cette répétitivité-là, qui est très importante quand on parle de normes», précise Mme Tylko.

Produire ou améliorer une norme relève d'un processus scientifique et administratif long et fastidieux. «Il faut faire toutes les analyses de bénéfices et de coûts, il faut s'assurer que cela ne nuise pas aux protections existantes, dit Mme Tylko. Pour toute nouvelle technologie automobile, cela prend du temps pour bien la connaître et pour savoir comment l'évaluer de manière répétée.»

Ce travail constant de recherche est motivé par un fait tout simple, comme l'explique Suzanne Tylko: «La technologie change assez rapidement au fil des années; les règlements, eux, ne changent pas aussi rapidement. On se doit donc de vérifier si les véhicules demeurent toujours sécuritaires et, surtout, si les normes de sécurité sont adéquates. Est-ce qu'on doit les améliorer? Est-ce qu'on doit les laisser telles quelles?»

Ce travail ne peut être effectué par un seul centre de recherche gouvernemental ou un constructeur automobile, quand bien même c'est un géant de l'industrie. «Ça exige une communication avec les constructeurs, un partage des données et de l'information qu'on obtient, entre constructeurs et gouvernements. Personne ne peut tout faire tout seul», témoigne Suzanne Tylko.

Un exemple suffit en soi ici. Dans les années 70, l'industrie automobile a innové de manière spectaculaire sur le front de la sécurité à bord. Le coussin gonflable a été à l'époque l'une des plus grandes évolutions - et révolutions - qu'ait jamais connue la voiture. Mais avant qu'il ne se démocratise et devienne obligatoire, il a connu des ratés. Notamment au milieu des années 90, lorsqu'on s'est aperçu que son déploiement pouvait causer des blessures. Cet épisode a conduit l'industrie et les chercheurs à réévaluer l'efficacité des différents produits, à améliorer cette technologie et donc à réviser les normes de sécurité.

En ce mardi, il aura fallu quasiment la journée entière à Mme Tylko et à son équipe pour réaliser ce test d'impact frontal. Quelques secondes après, tout le monde va s'affairer autour des deux voitures. Et faire ses premières observations, à chaud. Mais le vrai travail de mesure des déformations et d'analyse des données des mannequins ne fait que commencer.

Un travail de moines de quelques semaines débute. Tout ça pour accoucher à terme d'une recommandation parmi d'autres. Qui elle-même accouchera d'une norme en matière d'impact. Qui, au final, permettra un test d'impact de conformité que passera peut-être votre véhicule.

Photo fournie par Transports Canada

Test d'impact frontal

DE L'IMPORTANCE DU MANNEQUIN

Parce que les données sur les blessures que subit le corps humain dans un accident de la route sont très peu nombreuses, le mannequin est l'outil le plus important d'un test de collision. Il témoigne de ce qui se passe dans un véhicule et il valide - ou non - l'efficacité des éléments de sécurité. Anatomie de cet outil.

1- Le mannequin dernier cri est doté de côtes circulaires et concentriques. Le thorax est en angle, tout comme celui d'un être humain assis dans son véhicule. Cette position est beaucoup plus représentative que celle de la technologie précédente.

2- Pour voir à quel point le thorax est comprimé lors de la collision, le potentiomètre aux côtes mesure la défection du thorax. Il y a également des cellules de charge dans le bas de l'épine dorsale.

3- La cellule de charge au cou va mesurer l'impact d'une collision sur les vertèbres cervicales.

4- À quelle vitesse la tête bouge-t-elle? L'accéléromètre mesure l'accélération de la tête, qui est projetée lors de l'impact.

5- Toute l'instrumentation est conçue pour capter et mesurer les chocs. Un mannequin peut renfermer jusqu'à 230 canaux d'informations placés à la tête, au cou, au thorax, aux épaules, au bassin, aux fémurs et aux genoux.

6- Plus un mannequin de ce type est précis et avancé, plus il est bourré d'instruments. Et plus ça coûte cher. Un mannequin de dernière génération coûte entre 700 000 et 1 million de dollars, selon l'instrumentation qui le compose.Le mannequin est un être délicat. Plus il y a d'instruments, plus le risque de casse est élevé. Il doit fournir un maximum d'informations sans tomber en morceaux après chaque frappe.

Photo fournie par Transports Canada