Il y a trois semaines, quand La Presse a décidé d'explorer l'art d'acheter une auto neuve, il a été décidé que je joindrais l'utile au désagréable et que j'irais magasiner l'éventuelle remplaçante de ma vénérable familiale 2000 qui a 183 500 km au compteur, qui vient de me coûter 3000 $ chez un spécialiste en transmissions et qui commence à rouiller.

L'idée étant de partager avec les lecteurs le fruit de mes recherches (et de me faire payer par mon employeur pour magasiner une auto...), sous forme d'avertissements, de conseils, d'encouragements et de sagaces observations sur la nature humaine.

J'aimerais pouvoir affirmer qu'un vendeur d'autos n'est pas un conseiller et que j'ai fait mon choix entièrement seul. Mais ce n'est pas vrai. Oui, j'ai potassé durant des heures le guide L'Auto et les articles de La Presse (et de la concurrence) pour examiner et comparer divers modèles Ford, GM, Toyota, Hyunday, Honda, etc. Et j'en ai essayé plusieurs chez des concessionnaires. Cependant, c'est quand même une vendeuse d'autos qui m'a suggéré d'essayer la Subaru Forester (j'avais un autre modèle Subaru en tête). Mais selon mes moyens, mes besoins et mes goûts (dans cet ordre-là), j'ai choisi de magasiner la version 2.5 X (de base) de ce petit VUS à rouage intégral.

* * *

Première visite: on parle d'auto, pas de prix

La première visite chez le concessionnaire ne sert qu'à parler de l'auto et à l'essayer. Est-elle agréable à conduire ? Sa taille convient-elle? Y a-t-il des gadgets utiles? Mais le marchandage, c'est pour plus tard.

D'ailleurs, il faut se renseigner d'avance et soi-même sur les prix de ventes. Dans mon cas, j'ai décidé d'appliquer la méthode ancienne qui consiste à magasiner de concessionnaire en concessionnaire pour tenter d'obtenir le meilleur prix possible, jouant l'un contre l'autre.

Plusieurs sites d'aide à l'achat comme CarCostCanada et celui de l'Association pour la protection des automobilistes (APA) aident beaucoup. On y trouve des fiches donnant des données financières sur presque tous les modèles dans leurs innombrables versions. Ce sont des données qu'il faut connaître avant de parler avec un vendeur.

1) Le PDSF, ou prix de détail suggéré du fabricant (le prix que le concessionnaire annonce sur son site internet et que seuls les naïfs paient).

2) Le prix coûtant (le prix unitaire que le concessionnaire paie au fabricant).

3) Le rabais du fabricant au consommateur, à soustraire au PDSF.

4) Le rabais du fabricant aux concessionnaires et autres paiements généralement cachés du public, à soustraire au PDSF si les sites d'aide les ont trouvés.



Cette façon de déconstruire le prix est très utile. Les vendeurs ont tendance à présenter leurs prix en mensualités (achat ou location). J'au trouvé moins mêlant d'obtenir le prix comptant et de négocier sur cette base. Puis, parler de financement plus tard. Équipé avec les données d'une fiche de l'APA ou de CarCostCanada, on peut forcer les vendeurs à détailler leurs prix dans un format uniforme. Avoir une fiche ne garantit pas que vous aurez une aubaine, mais ça vous outille pour savoir si on vous demande le juste prix. Le fait de montrer la fiche au vendeur ne nuit pas. Il sait qu'il a affaire à un acheteur sérieux prêt à parler prix... et qui ne paiera pas le PDSF.

Le Forester 2.5 X est un modèle de base, bien moins payant que les modèles truffés d'options. Cela veut dire qu'il n'y a pas une grande marge de négociation. Son PDSF est de 25 995 $ (avant les frais de transport et de préparation (T&P) de 1525 $ et la taxe d'accise sur la climatisation de 100 $, pour un total de 27 620 $, avant les deux taxes de vente). Le concessionnaire paie 24 075 $, plus 300 $ de participation à la publicité de Subaru Canada, pour le Forester 2.5 X, soit 24 375 $. Donc, un profit de 1620 $ et une marge de 6,66% sur le PDSF.

* * *

Pas de miracles avec un modèle de base

«C'est un modèle de base, le profit est petit. Alors vous savez que vous n'irez pas chercher des rabais faramineux même en négociant dur», dit Georges Iny, de l'APA. Cet organisme a aussi un service de prix négociés pour les membres de l'APA (on y reviendra).

J'ai téléphoné à six concessionnaires Subaru de la région de Montréal, avec qui j'ai prénégocié au téléphone. Il y a peu de concurrence dans ce modèle: tous les concessionnaires ont concédé au départ un escompte du fabricant de 400 $ à 585 $. Au-delà de cela, deux m'ont dit que leurs prix respectifs étaient non négociables. Un a été tellement oléagineux et évasif au téléphone que je l'ai éliminé. J'ai fini par me rendre chez trois concessionnaires, pour essayer de grappiller quelques dollars de rabais supplémentaires. Voici mes cinq prix finals, tous frais compris, avant taxes de vente: 27 455 $, 27 125 $, 27 035 $, 27 025 $ et le meilleur, 26 920 $, mais à la condition que je prenne un des deux véhicules déjà sur le terrain (blanc ou noir...). Et ils me donnaient 36 heures pour signer le contrat.

* * *

La règle des 3% à 5%

Sont-ce de bons prix? Selon Paul Timoteo, de CarCostCanada, il faut appliquer la règle des 3% à 5%. «Les concessionnaires n'aiment pas que ça se sache trop, mais ils vont accepter des marges de profit entre 3% et 5% pour la plupart des modèles, dit-il. À 3%, c'est une très bonne affaire (pour le consommateur), à 5%, c'est correct, décent, mais sans plus.» Il prévient toutefois que cette marge peut monter jusqu'à 7% pour les modèles récents en forte demande; et baisser à 2% pour des modèles à haut volume. Mes prix négociés avaient des marges de profit allant de 3,8% à 4,6%. Pas mal.

Sauf qu'on gruge sur un profit tellement petit avec un modèle de base que mon meilleur prix, obtenu après des heures et des heures de travail et 120 km de route, m'a rapporté un rabais supplémentaire... de 200 $ .«Votre travail aurait été plus rentable si vous aviez choisi un modèle très équipé, leurs profits sont plus élevés et les vendeurs ont plus de marge de manoeuvre», a dit Paul Timoteo, de CarCostCanada.

«Personne ne fait jamais ce que vous faites, parler à six concessionnaires. Les gens vont voir un ou deux concessionnaires et s'arrêtent là», dit Georges Iny, de l'APA.

D'ailleurs, comme on le verra plus bas, ce sont George Iny et son APA qui ont eu le dernier mot. L'APA, en plus de ses fiches financières sur les modèles, a un service de prix préférentiels pour ses membres, qu'elle négocie avec les concessionnaires de nombreuses marques. (CarCostCanada a un service similaire dans les provinces anglaises, mais n'est pas dans le coup au Québec: elle n'a qu'une seule entente avec le concessionnaire Gabriel Nissan-Mazda, de Montréal. Ses fiches et son service sont unilingues anglais: «Quand il est question d'argent, les Québécois comprennent l'anglais», dit Paul Timoteo.)

* * *

Prix APA: 270 $ de moins en une demi-heure



L'APA a obtenu un prix chez un concessionnaire Subaru (peut-être même un de ceux que j'ai visités) de la région de Montréal. Prix d'un Forester 2.5 X pour les membres APA: 26 650 $ tous frais inclus (y compris les frais d'adhésion à l'APA et les frais de recherche), avant taxes. C'est 270 $ de moins que le meilleur prix obtenu après plusieurs jours de recherches et de négociations. Et sans rien faire de plus que composer le numéro de l'APA.

Pour terminer, quelques mots sur les vendeurs. Un bon vendeur ne déteste pas travailler avec un client qui s'est préparé, qui sait exactement ce qu'il veut et qui arrive avec une fiche de l'APA ou de CarCostCanada. Il aime mieux ça que de perdre son temps avec un indécis. Il ne faut pas se gêner de faire à un vendeur une offre plus basse que son prix «final». Si l'offre est raisonnable, il va au moins la montrer au directeur des ventes et peut-être revenir avec une contre-offre. Par ailleurs, il est plus ouvert à consentir quelques centaines de dollars de rabais supplémentaires si vous êtes prêts à prendre une voiture qui se trouve déjà chez le concessionnaire.

De plus, il ne faut pas se fier à la première impression au téléphone. Dans mon cas, c'est le vendeur le plus désagréable au téléphone qui a été le plus professionnel une fois dans son bureau et qui m'a fait le meilleur prix. De plus, ce meilleur prix a été obtenu après que le directeur des ventes m'eut dressé une liste de «coûts locaux» totalement imaginaires, pour me convaincre que son prix coûtant était bien plus élevé que ce que je pensais. (J'ai vérifié avec Subaru Canada, il mentait.) Mais même avec un fabulateur comme patron, mon vendeur avait le meilleur prix! À l'autre extrême, celui qui semblait l'incarnation même de la franchise et de la transparence au bout du fil a offert le prix le plus cher.

Au fait, la plupart des vendeurs ont nié que leur prix coûtant était aussi bas que ce qu'affirment l'APA et CarCostCanada.

Une anecdote: un des vendeurs avec qui j'ai négocié a refusé mon offre sur le champ mais m'a dit qu'il consentirait généreusement à inclure les écrous de roues verrouillables et des tapis de sol dans la transaction, comme si c'était le plus grand cadeau qu'on puisse faire à un être humain en 2011. Les autres m'ont tous dit que c'était inclus dans le prix.

Et ai-je acheté le véhicule? Pas encore. Avant, je veux comparer avec un autre modèle, plus gros, mais d'occasion. Objectif: une voiture de deux ans, avec bas kilométrage et un meilleur prix.