Les responsables du marketing chez Kawasaki ont eu recours au cliché du modèle qui «inaugure un nouveau créneau» pour présenter la nouvelle Ninja 1000. Selon eux, il s'agirait d'une sportive conçue non pas pour la piste, comme le sont pratiquement tous les modèles de cette classe, mais plutôt expressément pour la route. L'utilisation du cliché n'est dans ce cas pas fausse, mais elle n'est pas tout à fait juste non plus. Explications.

La vaste majorité, sinon toutes les sportives pures du moment sont d'abord et avant tout conçues dans le but de permettre aux pilotes expérimentés de retrancher des fractions de seconde au chrono sur un tour de piste, et ce, même si ces modèles ne se retrouvent que très rarement sur circuit. Avec un tel contexte comme toile de fond, le constructeur a donc raison de prétendre qu'il est novateur de concevoir une sportive sérieuse d'abord et avant tout destinée à la route, ce qu'est effectivement la Ninja 1000.

Là où Kawasaki pousse peut-être un petit peu, c'est lorsqu'il annonce qu'un tel concept est inédit, équivalant ainsi à l'ouverture d'un nouveau créneau. Sur ce point, je me permets de respectueusement soulever une objection en rappelant que c'est exactement de cette façon - pour la route d'abord - que toutes les sportives étaient jadis conçues.

Les premières Honda Interceptor, les premières Ninja et les premières Yamaha FZ, entre autres, sont autant d'exemples de montures dont les hautes performances - parmi les plus élevées de leur époque - n'empêchaient nullement de demeurer polyvalentes et même confortables sur la route. C'était il y a presque 30 ans et, depuis, toutes ces motos se sont transformées en arme de circuit pure et dure. La Ninja 1000 n'invente donc pas une nouvelle classe, elle en fait plutôt revivre une qui s'était pratiquement éteinte.

Pour arriver à créer une sportive destinée à la route et non au circuit, Kawasaki est resté loin de tous ses propres modèles extrêmes et a plutôt dessiné une toute nouvelle moto qui fut, par ailleurs, développée parallèlement à la Z1000 introduite l'an dernier.

Ainsi, au lieu de prendre les commandes d'une nerveuse machine ultra compacte basculant le pilote vers l'avant et dont la puissance immense est surtout accessible à très haut régime, on découvre une monture dont la nature est infiniment plus amicale. On y est installé tout simplement droit. Les mains ne supportent aucun poids. La selle est plutôt confortable. La position est compacte, mais pas serrée. Le niveau pratique est élevé, puisqu'on peut manuellement régler le petit, mais efficace pare-brise en trois positions et que des valises rigides sont offertes en options, pour les amateurs de longues distances.

C'est au niveau du châssis et du moteur que la Ninja 1000 marque néanmoins les plus hautes notes. La nervosité inhérente aux modèles sportifs ou même aux versions dérivées de ces derniers est complètement absente. À sa place, on a droit à une rassurante stabilité qui n'empêche toutefois pas la direction de rester légère et précise. La Ninja 1000 pourrait à n'en pas douter très bien se débrouiller en piste, mais on sent clairement que ce n'est pas le but premier.

Quant au 4-cylindres en ligne d'un litre qui l'anime, il a beau accuser un recul de près d'une cinquantaine de chevaux par rapport aux moulins de 190 chevaux qui propulsent les dernières sportives pures de 1000 cc, une fois sur la route, on s'en fiche complètement, puisque les quelques dixièmes de secondes que la Ninja concède aux bolides de piste en ligne droite sont remplacés par une arrivée beaucoup plus hâtive de la puissance.

En fait, grâce au généreux couple que le moteur produit dès les premiers tours, il serait plus juste de dire que la Ninja 1000 s'avère carrément un modèle en termes de livrée de puissance pour la route. À part un niveau de vibrations un tout petit peu trop élevé, il s'agit d'une mécanique qui mérite les plus hauts éloges.

La nouvelle Ninja 1000 illustre parfaitement le phénomène du retour du pendule. Elle arrive à un moment où toute l'industrie de la moto se demande un peu où se dirige le créneau ultra sportif. Après des décennies passées à se spécialiser au point de devenir esclave du circuit, ce créneau - ou à tout le moins certains modèles lui appartenant - semble vouloir amorcer un genre de retour aux sources. Si le mouvement se poursuit, la Kawasaki en sera l'un des tout premiers modèles. Sinon, elle sera simplement une superbe réinterprétation moderne de la sportive routière d'antan.

Les frais de transport et d'hébergement pour la réalisation de ce reportage ont été payés par Kawasaki.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.

Fiche technique

Kawasaki Ninja 1000

Prix: 13 699$

Garantie: 1 an/kilométrage illimité

Moteur: 4-cylindres en ligne DACT de 1043 cc refroidi par liquide

Transmission: à 6 rapports, entraînement final par chaîne

Poids en ordre de marche: 228 kg

Frein avant: 2 disques avec étriers à 4 pistons

Frein arrière: 1 disque avec étrier à 1 piston

Pneu avant: 120/70-17

Pneu arrière: 190/50-17