Étant souvent considérée comme l'ultime machine de passager et étant désormais supposément encore plus invitante pour ce dernier, la Gold Wing ne m'a pas vraiment laissé de choix. Je devais lâcher les poignées et reculer d'un siège afin de constater par moi-même la validité de l'affirmation. Et je comprends maintenant.

Une toute petite minute me suffit pour transformer un pneu arrière de moto en cendre, minute durant laquelle j'inhalerais avec joie autant de cette toxique fumée blanche que mes poumons peuvent contenir. Sur une piste où je me sens à l'aise, aux commandes d'un monstre comme la démente S1000RR de BMW, j'arrive à sortir de courbe avec l'arrière en léger dérapage, l'avant s'envolant jusqu'au prochain virage. Le tout avec un idiot sourire collé au visage. Je crois que tripler la vitesse légale - dans l'environnement approprié, bien sûr - est thérapeutique. Je pourrais continuer.

Mais ne me demandez pas de m'asseoir à l'arrière d'une moto. Pour une quelconque raison, l'acte me terrifie. Au point où je ne le fais tout simplement pas.

Ou devrais-je plutôt dire ne faisais pas, puisque la prétention de Honda concernant la nouvelle Gold Wing - le constructeur insiste pour dire que «le passager est la raison d'être du modèle» - m'a forcé à mettre cette phobie de côté. Devinez quoi? Ça n'est pas si mal. Pour 2012, le modèle, dont l'introduction de la plateforme remonte à 10 ans, reçoit une série de modifications équivalant à une évolution du modèle 2010. Notons qu'il n'y a pas eu de modèle 2011 en raison du déménagement de la ligne de production des États-Unis au Japon.

Honda utilise le terme trône pour décrire le siège du passager, et la réalité n'est décidément pas très lointaine. À l'exception possible du siège arrière d'une Harley-Davidson Electra Glide, ou possiblement d'une Victory Vison, on ne peut tout simplement pas prendre place plus confortablement sur une moto.

Tant la portion avant que l'arrière, chauffantes avec chacune leur contrôle de température, offrent maintenant un rembourrage plus confortable. Elles sont également désormais recouvertes d'un matériel tenant davantage d'un cuir de bagnole de luxe que du simili-cuir de la version 2010.

La vue de l'arrière est périphérique, puisqu'on regarde au-dessus du casque du pilote pour contempler le paysage qui défile. Quant au dossier, qui offre un niveau de support presque automobile, il contribue immensément à la confiance du passager en maintenant celui-ci bien en place, peu importe l'agressivité avec laquelle l'accélérateur est enroulé.

 

Photo: Kevin Wing pour Honda

Entièrement recarénée, la Gold Wing 2012 conserve quand même un air instantanément reconnaissable. Honda a réduit la quantité de chrome et a affuté la ligne.

D'autres caractéristiques, comme l'écoulement de l'air soigné, l'impressionnante qualité de la nouvelle chaîne audio Panasonic - intégrant finalement l'iPod -, l'absence quasi totale de vibrations de la «turbine» qu'est le moteur Boxer à six cylindres et, enfin, ce qui doit être considéré comme la suspension de moto la plus confortable de l'industrie, contribuent également à rendre la Gold Wing extraordinairement accueillante pour le passager.

Et voici pourquoi une telle qualité est si importante: la plupart du temps, ce passager est votre femme. Et comme le tourisme avec une femme heureuse, comme tout homme le sait, se veut hautement préférable à la situation contraire, tous ces détails sont réellement importants pour les couples comptant sérieusement voyager à moto.

Heureusement, la grosse Honda est également plaisante pour le pilote.

Bien qu'elle est effectivement améliorée, la version 2012 demeure très proche de la 2010. Au-delà d'une légère amélioration de l'écoulement de l'air au niveau des jambes et d'un système de navigation plus rapide, le gain le plus intéressant provient de la suspension dont le raffinement est désormais vraiment impressionnant. De nouveaux pneus contribuent par ailleurs à une légère amélioration de la tenue de route, qui demeure étonnamment solide et précise pour une moto de telles proportions.

Enfin, même si les traits restent familiers, le carénage est entièrement revu et propose maintenant une ligne plus affutée. La quantité de chrome a été réduite et les lumières arrière transparentes jadis à la mode ont disparu. Toutes ces petites améliorations ne constituent toutefois pas ce qui m'a le plus impressionné de cette évolution de la Gold Wing, pas plus que le fait qu'elle a contribué à guérir ma phobie des selles arrière. C'est plutôt le miracle d'ingénierie qu'elle représente qui me renverse. Il semble impossible qu'une motocyclette aussi grosse et autant équipée soit aussi légère à manier et aussi à l'aise en pleine inclinaison.

Les divers bénéfices offerts par la version 2012 ne sont probablement pas suffisants pour justifier que le propriétaire d'une 2010 accourre chez son concessionnaire, chéquier en main. Mais pour ceux ayant une meilleure raison de l'acquérir, elle offrira non seulement l'expérience de voyager à moto la plus raffinée qui soit, mais elle contribuera aussi grandement au bonheur conjugal sur la route.



FICHE TECHNIQUE



Honda Gold Wing

Prix: 29 999$

Garantie: 3 ans/kilométrage illimité

Moteur: 6-cylindres Boxer SACT de 1832 cc refroidi par liquide

Transmission: à 5 rapports, entraînement final par cardan

Poids en ordre de marche: 417 kg

Frein avant: 2 disques avec étriers à 3 pistons

Frein arrière: 1 disque avec étrier à 3 pistons

Pneu avant: 130/70-18

Pneu arrière: 180/60-16

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.



Photo: Kevin Wing pour Honda

Tout l'équipement signifie que le pilote fait face à un véritable cockpit. Certaines commandes ne fonctionnent qu'à l'arrêt pour éviter les distractions.