La Presse a convié deux luxueux multisegments à quatre roues motrices à se chamailler au milieu des nids-de-poule et des ornières de Montréal. Voyons lequel en sortira avec tous ses morceaux.

Si BMW inscrit un score en dessous de la moyenne de l'industrie, le X3 ne peut être mis en cause. Ce dernier est - selon l'étude de J.D. Power & Associates - l'un des véhicules les plus fiables du constructeur bavarois. Aussi, faut-il le préciser, l'enquête réalisée par le cabinet d'analystes auprès de quelque 48 000 automobilistes s'est attardée pendant 3 ans aux modèles de l'année 2008. Quelle valeur doit-on alors accorder à cette étude maintenant que le X3 a changé de peau et origine des États-Unis et non plus d'Autriche? Pas grand-chose, mais admettez que notre entrée en matière a su capter votre attention, non?

Le X3 est plus ample dans le but naturellement de ne pas souffrir de la comparaison avec ses concurrents, mais aussi pour se détacher physiquement du futur ticket d'entrée de la famille X chez BMW, le X1. Celui-ci fera son entrée dans quelques mois dans les salles d'exposition. Revenons au X3 qui, dans le cadre de cette refonte, s'embourgeoise un peu.

De son côté, le MKX applique une couche de fard ici et là pour faire oublier que sa mise en service remonte à cinq années déjà. Et rien ne trahit encore véritablement son âge. Au fil des ans, ce multisegment assemblé au Canada (en Ontario) a fait l'objet d'une constante évolution. Une stratégie payante puisqu'au Québec, l'an dernier, les ventes de MKX ont plus que doublé et toisent maintenant celles du X3. Cette année, la protégée de Lincoln retouche sa partie avant. Elle adopte un nez aquilin en lieu et place de cette calandre qui ressemblait à un ridicule collage d'ustensiles de cuisine.

Disparité d'accessoires

L'acheteur traditionnel d'une BMW ne considérera jamais une Lincoln. L'inverse est également vrai. L'image suggérée par la première porte essentiellement sur le dynamisme de son comportement. La seconde mise sur ses valeurs de luxe à l'américaine. Et il y a l'image. Celle de BMW dit tout. Celle de Lincoln, on n'en sait aujourd'hui trop rien. Certains lecteurs trouveront sans doute à redire sur le pouvoir d'attraction des marques, mais celui-ci aimante bien des consommateurs.

Au-delà de l'image, X3 et MKX ont certains points en commun. Tenez le prix, par exemple. Dans sa version 35i, le BMW coûte - seulement - 400$ de plus que le Lincoln. Et l'écart, en faveur du Lincoln, augmente en faisant un détour au rayon des accessoires. En les «habillant» de façon comparable, le fossé entre ces deux modèles se chiffre à près de 3000$. L'exercice est fastidieux, mais mérite que l'on s'y attarde. Tenez par exemple la caméra de recul. Le MKX l'offre sans frais, alors que le X3 exige un déboursé additionnel de 700$. Le Lincoln propose un système de divertissement à l'intention de ses passagers arrière, pas le BMW. En revanche, l'allemand offre des éléments que l'on ne trouve pas sur l'américain, comme la disponibilité d'une suspension plus sportive ou encore une instrumentation tête haute (head-up display). Prenons un raccourci et synthétisons notre évaluation de la manière suivante: le X3 s'articule autour de son conducteur; le MKX autour de ses passagers.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Le coffre du Lincoln est aussi vaste que celui du BMW mais plus pratique.

Égoïste ou charitable?

Le même raisonnement s'applique au chapitre de la vie à bord. Le MKX offre un meilleur dégagement intérieur que le X3, même si les dimensions de ce dernier ont forci. Comprenons-nous bien cependant: il y a suffisamment de place pour quatre adultes à bord de ces deux véhicules. Sur une longue distance, le niveau de confort du Lincoln apparaît supérieur à celui du BMW. À l'exception sans doute du baquet du conducteur qui, clairement, s'avère mieux taillé chez l'allemand pour quiconque prend plaisir à conduire. Est-ce le nombre accru de réglages du baquet au niveau des lombaires? Le positionnement du pédalier? Ou tout simplement l'angle d'enracinement de la colonne de direction? Allez savoir! Chose certaine, on se sent bien aux commandes du BMW. On a l'impression de faire corps avec elle, sensation que l'on n'éprouve pas au volant du Lincoln.

D'un point de vue purement fonctionnel, le Lincoln est plus pratique. Son coffre est aussi vaste que celui du BMW. Cela dit, nos deux protagonistes innovent peu. Ils permettent de rabattre en tout ou en partie la banquette arrière pour accroître le volume de chargement, sans plus. Le baquet du passager avant, par exemple, ne s'escamote pas pour faciliter le transport de longs objets et la lunette du hayon demeure immuablement fixe. Toutefois, le X3 prend une douce revanche sur son rival d'un jour en permettant de tracter une charge nettement plus importante.

Sur le plan de la présentation intérieure, c'est matière de goût. Autant celle du BMW apparaît sobre, autant celle du Lincoln paraît recherchée. D'ailleurs, le dispositif MyLincoln Touch (l'équivalent de MyFord Touch) a paru plus sophistiqué et plus convivial que l'I-Drive conçu par BMW. De plus, la variété et la qualité des matériaux utilisés par Lincoln sont apparues plus valorisantes que celles adoptées par le X3.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Le X3 peut tracter une charge nettement plus importante que son rival d'un jour.

Sur la route

Ne dit-on pas: «En avril, ne te découvre pas d'un fil»? Observons cette maxime et voyons comment ces multisegments à quatre roues motrices se comportent au milieu des nids-de-poule et des ornières.

À cet exercice, le X3 déboule en tête. Plus compact et plus agile surtout, le X3 ne tangue ni ne vagabonde en dehors de la trajectoire désirée. Ses mouvements de caisse sont clairs et parfaitement contrôlés. Sans se comporter comme un navire privé de gouvernail, le MKX peine à suivre. Sa direction offre un toucher de route moins précis et son train avant abdique rapidement dès que le rayon des courbes se referme devant ses roues. Deux dispositifs - un correcteur de stabilité électronique doublé d'un antipatinage - tentent tant bien que mal de corriger la situation, mais leur intervention manque de finesse, contrairement aux mêmes dispositifs qui équipent le X3.

Autre différence de taille: le rouage à quatre roues motrices. Celui du X3 est nettement plus évolué et tellement plus sophistiqué que celui offert à bord du MKX. Ce dernier, à prise temporaire, transfère bêtement couple et puissance aux roues arrière si le train avant manque d'adhérence. Celui du BMW est à prise constante, donc toujours active. En plus d'offrir une meilleure motricité, ce système veille à répartir de manière variable les forces motrices entre les essieux avant et arrière. Ce système est piloté en permanence par le Dynamic Stability Control (DSC) et réagit rapidement et précisément dès qu'une tendance au survirage ou au sous-virage est détectée. En outre, il optimise également le comportement dans les courbes en augmentant automatiquement le couple transmis à l'essieu arrière. En un mot, le dispositif mis au point par Lincoln ne fait pas le poids. Et c'est peut-être mieux ainsi puisqu'il en découragera plusieurs de s'aventurer hors des sentiers battus où ils risquent non seulement de s'embourber, mais aussi d'abîmer le châssis insuffisamment protégé, à commencer par le système d'échappement.

Sur le plan mécanique, le X3 prend, de nouveau, l'ascendant sur son rival. La vélocité, la souplesse et la musicalité de ce six-cylindres en ligne suralimenté en fait l'un des moteurs les plus agréables, toutes catégories confondues. Sur papier, pourtant, le V6 3,7 litres atmosphérique du MKX n'a rien à lui envier. Bien au contraire. Il est plus puissant, plus «coupleux», mais son rendement global demeure inférieur tant sur le plan des performances pures que du rendement. Ce V6 doit, il est vrai, composer avec le poids particulièrement élevé du véhicule et une boîte semi-automatique qui compte deux rapports de moins (six au lieu de huit) que celle désormais adoptée par BMW.

Avant de signer

À ce stade-ci, rien n'est joué! Le MKX a remporté la première manche de ce match (vie à bord), le X3 la deuxième (performances générales). Au champ «budget», c'est l'égalité.

Le MKX remporte la bataille au chapitre du rapport prix-accessoires et apparaîtra plus valorisant aux yeux de toute la famille. Celle-ci pourra à bord du Lincoln bénéficier de petites douceurs que BMW n'offre pas, même en option. Du volant chauffant aux baquets avant réfrigérés en passant par le dispositif MyLincoln Touch, le MKX en met plein la vue. Avantage donc à la marque américaine qui, en outre, offre des remises intéressantes ($) sur ce modèle qu'elle assemble depuis déjà un certain nombre d'années.

Le X3 reprend l'avantage au chapitre de la consommation. Il consomme moins que son adversaire et sans doute l'écart de pointage aurait été ici plus grand encore s'il se contentait d'essence ordinaire et non super.

La valeur de revente, maintenant. Sans être mauvaise, celle du MKX demeure inférieure à celle du X3.

Enfin, au chapitre de la garantie et du réseau de concessionnaires, Lincoln reprend la «main». Sa garantie de base est identique à celle de BMW, mais l'américaine offre en prime une assistance dépannage d'une durée de six ans. Elle peut également s'appuyer sur les points de service de Ford pour faciliter l'entretien régulier ou pour résoudre un problème.

Qui remporte ce match? Le X3. Mais sa victoire, il la doit au dynamisme de son comportement, à la sophistication de son rouage à quatre roues motrices et à ce critère très subjectif qu'est l'agrément de conduite. La conduite du MKX n'offre pas autant de plaisir. Le propriétaire du Lincoln trouvera satisfaction à voir la mine réjouie de ses passagers qui profitent d'une suspension plus prévenante, d'accessoires plus pratiques et de tous leurs bagages.

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay pour sa participation à ce match.

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BMW X3 / LINCOLN MKX

VIE À BORD (40 POINTS)

Accessoires: 3,9 / 3,7

Espaces de rangement: 3,4 / 3,6

Position de conduite: 3,9 / 3,7

Ergonomie: 3,6 / 3,8

Habitabilité et confort: 3,7 / 3,9

Visibilité: 3,5 / 3,4

Accès, volume et modularité du coffre: 3,7 / 4

Qualité de finition et de fabrication: 3,8 / 3,9

SOUS-TOTAL: 29,5 / 30

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PERFORMANCES GÉNÉRALES (45 POINTS)

Performances pures (reprises, accélérations): 4 / 3,8

Transmission (passage des rapports, souplesse, etc.): 4,1 / 3,9

Tenue de route: 3,9 / 3,6

Plaisir de conduite: 4 / 3,7

Confort de roulement: 3,7 / 3,9

Direction: 3,8 / 3,6

Freinage: 4 / 3,8

Aptitudes hors route et rouage intégral: 4,1 / 3,7

Capacité de remorquage: 4 / 3,4

SOUS-TOTAL: 35,6 / 33,4

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BUDGET (20 POINTS)

Rapport prix/accessoires: 3,7 / 4

Consommation et émissions: 3,6 / 3,4

Valeur de revente: 3,6 / 3,3

Garanties et réseau: 3,6 / 3,8

SOUS-TOTAL: 14,5 / 14,5

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TOTAL: BMW X3 79,6 / LINCOLN MKX 77,9

Photos: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Le MKX (en bas) offre un meilleur dégagement intérieur que le X3, même si les dimensions de ce dernier ont forci.