Jaguar avait indiqué qu'entre la nouvelle et l'ancienne, ce ne sera plus le jeu des sept erreurs. Promesse tenue. La XJ du 21e siècle marque en effet une rupture très nette. Non, Jaguar ne sera jamais plus tout à fait le même.

«Aujourd'hui, Jaguar est une marque de prestige obnubilée par son futur, mais respectueuse de son passé», avait dit Ian Callum, chef styliste du constructeur, à qui l'on doit aussi le dessin de plusieurs Aston Martin. C'était lors du lancement de sa berline haute couture au salon de Francfort, il y a deux ans.

Pourtant, il y a quelques années à peine, on s'interrogeait sérieusement: comme tout félin, Jaguar pouvait-il retomber sur ses pattes? Au cours des dernières années, ce constructeur britannique, maintenant sous contrôle de l'Indien Tata, a rendu plus fiables ses produits. Autrefois, on reconnaissait la maison des propriétaires de Jaguar aux taches d'huile qui souillaient les entrées de garage...

Les efforts ont porté leurs fruits. Aujourd'hui, l'entreprise a cessé d'écrire les bilans à l'encre rouge et les concessionnaires se sont vidés des clients mécontents.

En revanche, la XJ disposera, comme sur l'actuelle génération, d'une structure et d'une carrosserie en aluminium, gage d'un poids contenu et d'une rigidité accrue. Cependant, pas de rouage intégral en vue: cette Jaguar entend demeurer fidèle à la propulsion (roues arrière motrices), ce qui se fait cruellement ressentir. D'où la diffusion plutôt limitée de cette berline au pays. Il ne s'en est vendu que 189 unités au Canada l'an dernier, dont seulement 27 au Québec.

Pattes de velours

La XJ s'élance sur la route avec l'objectif d'offrir l'alternative aux monolithiques voitures allemandes. Elle cherche à émouvoir différemment. Par sa ligne d'abord, plus féline que jamais avec ce capot plongeant. Comme pour mieux permettre à sa calandre grande ouverte d'avaler le serpent d'asphalte qui rampe devant elle. Le profil s'étire pour donner de la félinité à cette immense carrosserie déposée, au choix de l'acheteur, sur un empattement régulier ou long.

Derrière ses portes, ce palais sur roues connaît une autre révolution. Compteurs et jauges cerclés de chrome virtuel ressemblent à une reproduction holographique qui s'anime aussitôt que l'on presse le bouton de démarrage. Ce faisant, une capsule métallique rotative émerge de la console centrale invitant à faire une sélection d'un rapport (P-R-N-D). On est déjà sous le charme. L'ambiance y est chaleureuse comme une poignée de main.

À bord, le cuir l'emporte désormais sur les placages en ronce de noyer. Le dessin des aérateurs étonne aussi. Sa forme ressemble à une réinterprétation moderne du célèbre bustier conique du couturier Jean Paul Gaultier.

Contrairement à ses aïeules, cette XJ n'oblige plus à conduire sur la pointe des fesses. Son fauteuil est confortable. Tout comme les trois autres places d'ailleurs. À l'arrière, l'assise paraîtra cependant étonnamment basse, mais nécessaire pour ménager suffisamment de dégagement pour la tête sous le toit vitré panoramique. Celui-ci en met plein la vue, mais s'avère aussi source de nombreux craquements incongrus sur une voiture de ce rang. Par chance, la XJ déborde de gâteries moins sonores. Parmi les plus spectaculaires, les sièges massant, l'écran du GPS permettant au seul passager avant de visionner un film, et l'extraordinaire système audio Bowers&Wilkins.

Ça griffe aussi

La XJ conserve sa structure en aluminium. Ce qui nécessitera, à la suite d'une collision, les soins de carrossiers hautement spécialisés. Pour preuve, elle ne comporte aucune soudure, seulement quelque 2800 rivets et 90 mètres d'adhésif époxy. Qu'à cela ne tienne, malgré la légèreté de ce noble matériau, la XJ frise les 2 tonnes.

Au plan mécanique, elle retient les services d'un moteur V85 litres. Celui-ci délivre entre 370 et 510 chevaux, selon qu'il soit jumelé ou non à un compresseur volumétrique. La boîte demeure toutefois la même pour tousles modèles: un ZF à six rapports... Seulement six alors que la concurrence en compte généralement deux de plus. Vive et réactive, cette transmission ne favorise cependant pas la consommation, qui s'établit en moyenne à 13,7 L/100 km dans les meilleures conditions. Celles-ci sont difficiles à réunir. Le mordant de sa mécanique a cette fâcheuse tendance d'alourdir notre pied droit pour goûter à cette accélération rapide et ces reprises tout aussi athlétiques.

Suspension de marbre

Malgré sa taille imposante, cette Jaguar a la souplesse d'un fauve. Sa direction à l'assistance bien dosée permet de circonscrire le rayon de chaque virage. En fait, on s'étonne de pouvoir la jeter dans les courbes avec autant de force et de violence. Son châssis ne bronche pas. Les aides à la conduite sont d'une redoutable efficacité. Il faut carrément les débrancher pour sentir les dérives de ses trains roulants. La suspension, elle, reste de marbre. Dans tous les sens du terme. Sa rigidité est seulement trahie par de légères trépidations à basse et moyenne vitesses. Rien de répréhensible, toutefois. La concurrence fait mieux côté suspension, même avec des roues aussi immenses que celles chaussées par cette Jaguar. Autre récrimination: quand vient le moment de la garer. Son fort diamètre de braquage incite à s'y reprendre trois fois plutôt qu'une pour la glisser dans un espace de stationnement exigu.

Les belles qualités dynamiques de cette XJ seront malheureusement assombries quand la neige et la glace couvriront nos chaussées. La présence d'un dispositif antipatinage, d'un correcteur de stabilité électronique et d'une touche «hivernale» posée sur la console centrale sont autant des griffes rétractiles inefficaces. Alors, aussi bien laisser le fauve dans sa cage. Pardon, dans le garage!

CE QU'IL FAUT RETENIR

- Fourchette de prix : 88 000 $ à 133 500 $

- Frais de transport : 1 270 $

- Version essayée : XJ Supercharged (104 000$)

- Garantie de base : 60mois/80 000 km

- Consommation obtenue dans le cadre de l'essai : 13,7 L/100 km

- Pour en savoir plus : www.jaguar.ca

SURVOL TECHNIQUE

- Moteur : V8 DACT 5 litres - compresseur

- Puissance : 470 ch à 6000 tr/mn

- Couple : 424 lb-pi à 2500 tr/mn

- Poids : 1961 kg

- Rapport poids-puissance : 4,17 kg/ch

- Mode : Propulsion (roues arrière motrices)

- Transmission de série : Semi-automatique 6 rapports

- Transmission optionnelle : Aucune

- Direction/Diamètre de braquage : Crémaillère/12,3 mètres

- Freins : Disque/Disque

- Pneus : 245/40ZR20

- Capacité du réservoir/essence recommandée : 82 litres/Super

NOUS AIMONS

- Ligne superbe

- Performances époustouflantes

- Comportement remarquable

NOUS AIMONS MOINS

- Absence d'un rouage à quatre roues motrices

- Poids en dépit de l'aluminium

- Fiabilité à démontrer