On raconte que toute forme de culte génère ses excès. La déclinaison Z06 de la Corvette est un objet culte. Et un bon, à plusieurs égards. Voiture suralimentée, bonifiée, son adhérence phénoménale donne le tournis, tandis que la force de son accélération et de son freinage vous chavire le ventre. Mais le plus impressionnant: elle coûte carrément deux, trois, voire quatre fois moins cher que ses concurrentes à prestations comparables.

Dès la mise en route, on sent vivre cette Corvette Z06 dans tous ses membres. Le moteur gronde, la transmission manuelle grogne, et vous voici au coeur d'un orchestre qui n'éprouve aucun complexe à se faire entendre! Le châssis, du genre viril, communique ses moindres réactions, ce qui contribue d'ailleurs à le rendre passionnant à maîtriser. Et il faut s'y employer. La Z06 repousse les limites. Toutes les limites. Elle s'accroche dans les virages comme une sangsue sur la peau et freine aussi vite qu'elle accélère.

Cette Corvette Z06 donne du talent. C'est qu'elle est humble. En fait, il serait plus juste d'écrire que c'est elle qui est plus douée que bon nombre de ses utilisateurs. Les nombreux filtres et dispositifs électroniques qu'elle met à disposition rendent la conduite de cette auto d'une facilité dérisoire. Mais sur un circuit technique comme celui de Spring Mountain, dans le Nevada, la Corvette invite le conducteur à faire corps avec elle et permet, dans un environnement sûr, de tirer profit de ces «anges gardiens» pour déverrouiller une partie des formidables ressources de ce biplace.

Son potentiel en matière de performance, de tenue de cap et de freinage est tel que l'on se retrouve sans forcer en complet décalage avec les autres usagers de la route. Les montées en régime de la Z06 sont plus toniques que celles de la défunte ZR-1 et de l'actuelle Stingray. D'ailleurs, les plus distraits accrocheront souvent le limiteur de régime avec la boîte manuelle sur les premiers de ses sept rapports. Puisqu'il en est question, le guidage est étonnamment précis, l'embrayage, facile à doser et, surtout, il ne nécessite pas de lester de plomb sa chaussure gauche.

Les purs et durs disciples lèveront le nez sur la boîte semi-automatique - une première sur ce modèle -, mais au risque de les décevoir, elle s'avère la plus rapide. Pas de beaucoup, mais suffisamment - sur un circuit fermé - pour «coller» quelques dixièmes au tour à ceux qui prétendent manier un levier aussi rapidement que Kent Nagano sait jouer de la baguette. En revanche, il est juste que l'absence d'une troisième pédale émousse un peu le plaisir et entraîne - fait inusité - une consommation plus élevée. Qu'à cela ne tienne, vous aurez plus de temps pour soigner vos trajectoires et profiterez d'une poussée digne d'un dragster: tout juste 3 secondes pour atteindre les 100 km/h.

Le pilotage de cette américaine au rendement exacerbé est un vrai régal et ne réserve que du bonheur. Ses masses sont non seulement bien équilibrées, mais réduites au minimum, et son comportement en tire profit dans tous les domaines, tant à l'accélération qu'au freinage et en tenue de route. Son moteur suralimenté par turbocompresseur n'a peut-être pas la noblesse ni le velouté d'une mécanique atmosphérique, mais l'important n'est-il pas le rendement? Avec 650 chevaux sous le pied et une valeur de couple identique, cette motorisation au souffle inépuisable propulse la Z06 avec la force du Goliath, manège de La Ronde.

Et pour s'assurer de répéter à l'infini ce niveau de performance, la plastique de la Z06 comporte pratiquement autant de trous qu'un gruyère pour évacuer la chaleur générée par ses composants et les rafraîchir d'air bien frais. À ce propos, il est saisissant de voir le nombre de transformations apportées à la carrosserie et le détail (et la fonction) de certaines excroissances pour améliorer la stabilité, le refroidissement et l'aérodynamique de cette auto.

Chiro? Pas toujours

Carrément stupéfiante sur circuit, la Z06 ne craint pas de prendre la route et de se noyer dans la circulation. Ses immenses pneumatiques ont naturellement la fâcheuse tendance à «pister» les déformations de la chaussée. Sur celle du Nevada, on ne s'en inquiète guère. À Montréal, cela risque d'être une autre histoire.

Le roulement est sec, mais pas inconfortable pour autant, pour peu que la molette qui permet de paramétrer la dynamique de certains de ses composants mécaniques se trouve à la position Eco ou Confort. Il existe aussi un mode Sport et Track. Ce dernier, comme son nom l'indique, est réservé à un usage sur circuit, sans quoi une visite chez le chiropraticien s'impose après chaque balade au volant.

Pour les mordus, Chevrolet pousse le bouchon un peu plus loin et propose un groupe d'options appelé Z07, plus extrême encore. Celui-ci comporte notamment des freins Brembo dotés d'immenses disques en carbone, d'une suspension plus ferme et de pneus Michelin Sport Cup 2 plus adhésifs sur une chaussée sèche. Sous la pluie, c'est beaucoup moins sûr. Un groupe (Z07) réservé seulement si cette Corvette est destinée à un usage sur circuit.

Une adaptation nécessaire

Pour apprécier tout le potentiel et prendre un plaisir (coupable) à la conduire, cette Corvette nécessite tout de même une certaine période d'acclimatation. Sa carrosserie est encore plus large (+56 mm à l'avant et +80 mm à l'arrière) qu'une Stingray. Encombrement accru, mais visibilité toujours aussi réduite. Mais une fois que vous avez trouvé vos repères, que les composants ont été paramétrés avec soin et que la semelle des pneumatiques a complété sa séance d'échauffement, la Z06 met rapidement en confiance.

En plus de cette série de transformations mécaniques et aérodynamiques, la Z06 adopte, en option, des sièges spécifiques de type compétition qui ne correspondent pas à toutes les morphologies et à un usage quotidien. Les baquets d'origine comportent une plus grande palette de réglages et s'avèrent un meilleur choix.

À l'exception de la petite plaque informative appliquée au pied de la console centrale, qui rappelle la puissance et la couple de sa mécanique, la Z06 ne diffère guère de la version Stingray. Les habitués de ce modèle reconnaîtront d'emblée la belle facture des matériaux entrant dans la composition de cet habitacle qui, à défaut de fleurer le cuir pleine peau, en a tout le moins l'apparence.

Pourtant, c'est du vinyle «enrichi aux protéines» avec surpiqûres. Trompe-l'oeil, vous dites! Le bloc d'instruments se laisse configurer comme une console vidéo et crée l'illusion de s'installer chaque fois à bord d'une auto. Et cela est d'autant plus vrai avec la Z06 qui nous fait bénéficier, comme sur le modèle de course, la C7R, d'un système appelé PDR (Performance Data Recorder). Celui-ci produit des vidéos en haute définition auxquels il est possible de juxtaposer un certain nombre de données (temps, vitesse, accélération latérale, etc.). Assurément utile sur un circuit, mais futile sur la route. À moins de vouloir confronter vos «performances» avec celles enregistrées par les représentants des forces de l'ordre...

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par GM du Canada.

CE QU'IL FAUT RETENIR

> Fourchette de prix: 85 095$ à 96 915$

> Frais de transport et de préparation: 1800$

> Garantie de base: 3 ans/60 000 km

> Consommation estimée: 14,1 L/100 km

> Pour en savoir plus:www.chevrolet.ca

> Moteur: V8 6,2 L suralimenté par compresseur

> Puissance: 650 ch à 6400 tr/min

> Couple: 650 lb-pi à 3600 tr/min

> Rapport poids-puissance: 2,45 kg/ch

> Poids: 1598 kg

> Mode: Propulsion

> Transmission de série: Manuelle sept rapports

> Transmission optionnelle: Semi-automatique huit rapports

> Direction/Diamètre de braquage: Crémaillère/11,5m

> Freins av.-arr.: Disque/Disque

> Pneus av.-arr.: 285/30ZR19 - 335/25ZR20

> Capacité du réservoir/ Essence recommandée: 70 L/Super

> Capacité de remorquage maximale: Non recommandé

ON AIME

> Très haute performance à petit prix

> Raffinement poussé

> Boîte automatique qui émousse légèrement les sensations

ON AIME MOINS

> Dimensions intimidantes et visibilité précaire

> Consommation élevée

> Pneus qui n'affectionnent qu'une chaussée sèche