En apparence, la recette est aussi simple que les prises d'air qui forment des béances sur le capot. Prenez une grosse berline qui n'est plus une première jeunesse, administrez-lui un traitement «jeune» - roues de 20 pouces, teintes criardes et surpiqûres colorées sur le cuir des sièges -; et placez sous le capot un moteur particulièrement musclé. Agitez bien fort et, à la sortie de la chaîne d'assemblage canadienne, apposez le respectable sigle Hellcat sur le flanc de ses ailes. Vous obtenez la berline de série la plus puissante au monde (707 chevaux).

Puisque l'univers de la voiture exige toujours plus de diversité et que la durée de vie des modèles raccourcit sans cesse, Dodge fait avec les moyens du bord. Et un petit goût de revanche. Du temps de Mercedes, les motoristes de Dodge se plaignaient secrètement d'être bridés par leurs homologues allemands qui voulaient éviter toute comparaison entre les produits de sa filiale américaine d'alors et ceux de son antenne sportive, AMG. Cette fois, Dodge a pu rajouter autant de chevaux sous le capot qu'il le souhaitait.

Il faut en effet relever le vaste effort consenti par Dodge pour donner un coup de jeune à cette plateforme née chez Mercedes. La prouesse - s'il en est une - a été de suralimenter le V86,2 litres à l'aide d'un compresseur pour en extraire pas moins de 707 chevaux. Un peu extrême, vous en conviendrez. Juste pour le plaisir d'aller narguer les BMW M5, Audi RS7, Jaguar XF-RS et Mercedes E63 AMG sur leur propre terrain. Aux amateurs, point très fortunés, de voitures tapageuses, pour ne pas dire tape-à-l'oeil, ce constructeur propose aussi d'autres déclinaisons (voir notre onglet sur la nomenclature de la gamme) moins délurées, mais assez musclées. Ce clin d'oeil appuyé aux tuners causera peut-être son petit effet, surtout si le comportement routier de cette Hellcat est, comme promis, à la hauteur des ambitions de ses concepteurs.

Sur papier, nous sommes d'autant plus enclins à croire en effet à toutes ces promesses que le châssis s'est considérablement bonifié. La coque profite d'un certain nombre de renforts et les trains roulants grandement repensés garantissent un guidage précis durant leurs débattements. Les bienfaits de ces modifications sont perceptibles dès les premiers tours de roues. L'impression d'être au volant d'une immense auto subsiste, mais on peut désormais adopter un rythme (très) sportif sans que cela se termine en tête-à-queue ou par une excursion hors route.

La Charger Hellcat est tout à la fois efficace, facile à conduire et confortable. Sa direction n'est à proprement parler ni très douce ni ultraprécise, mais suffisamment rapide pour corriger une trajectoire mal évaluée.

Elle propose à son utilisateur de paramétrer plusieurs éléments de son châssis et de son groupe motopropulseur. Parmi les options offertes, on en retrouve une - Track - qui permet d'exploiter au mieux le potentiel de cette berline sur un circuit par temps sec. Et s'il était détrempé? On peut seulement présumer qu'il faut se garder de tout enthousiasme excessif. En gros, une petite gêne qui, chez nous à tout le moins, limite la Charger à une utilisation presque saisonnière.

Bien que cette auto compte plusieurs béquilles électroniques, elle nous autorise à la conduire «à l'ancienne», c'est-à-dire à l'accélérateur et au volant. Et il y a là un réel plaisir - un peu rétro, j'en conviens - à batailler à son volant. Il faut travailler avec ardeur pour l'exploiter. On n'y arrive pas toujours. Par chance, la technique arrive à la rescousse, notamment pour le freinage agrandi et renforcé avec des étriers - Brembo - composés de six pistons à l'avant et de quatre à l'arrière.

Tour de manège 

S'éloignant de l'image surannée de la grosse voiture américaine faisant référence aux sièges en peluche et aux suspensions guimauves, cette Charger se fait ferme sinon dure à la tâche, armée de chevaux plus vindicatifs. Ici, l'habit fait le moine et on se retourne dans la rue sur cette berline fort peu sage qui affiche, mais avec peu de retenue, sa nouvelle mission.

D'appuyer sur le bouton de démarrage (avec la clé rouge et non la noire qui limite le moteur à 500 chevaux) ou de faire éclater les échappements comme du maïs soufflé ne dit pas tout du tempérament volcanique de son moteur. Fouettés à coups d'accélérateur, les 707 chevaux se cabrent avec vigueur. Un, deux, trois, qua..., voilà le 100 km/h déjà atteint. Si le calcul est bon, vous pourrez répéter cette expérience environ 240 fois avant que le réservoir d'essence ne se vide de son contenu ou que vous ne vous trouviez dans l'obligation de faire une rotation des pneus. Dans une utilisation normale, cette Charger consomme tout de même beaucoup - êtes-vous surpris? - et son réservoir ne permet guère de viser plus de 350 km d'autonomie. C'est peu.

La boîte automatique - considérablement renforcée - mitraille ses huit rapports avec célérité, mais on ne peut s'empêcher de rêver: quel plaisir ce serait de pouvoir compter sur une transmission manuelle, comme dans le bon vieux temps. Nostalgie, quand tu nous tiens!

Des muscles bien visibles

Comme toutes les Charger, la Hellcat est habillée d'une carrosserie plus moderne. Les dimensions extérieures sont à peu près intactes. La physionomie demeure la même, mais les stylistes ne manquent pas de rappeler - histoire de justifier leur travail - que seuls le toit, les glaces et les portes antérieures sont identiques au modèle de l'an dernier. Tout le reste a été revisité, y compris les embouts d'échappement, différents d'une version à l'autre.

Pour bien klaxonner sa différence, la Hellcat sort de l'anonymat grâce à son aileron collé sur le couvercle du coffre, son capot à prises d'air fonctionnelles et autres bas de caisse fort bien intégrés. Les roues de 20 pouces en imposent, mais Dodge s'est retenu d'en faire trop dans le démonstratif. L'ensemble est de bon goût si on choisit une couleur discrète.

La transformation extrême se voit de l'extérieur, mais un peu moins de l'intérieur. Malgré, là encore, un coup de plumeau, l'ergonomie, les plastiques, la présentation commencent à dater. La sellerie de cuir et l'écran d'affichage - 7 pouces - au centre du tableau de bord cachent habilement le déficit esthétique, mais pas au point de masquer totalement la qualité parfois inégale de l'assemblage. En revanche, de bons mots au sujet des sièges enveloppants de cette version et de l'impeccable transparence du dispositif U-Connect qui permet de se divertir ou de communiquer.

Pourquoi s'en cacher, la Charger Hellcat vous met des paillettes dans les yeux. Voilà un modèle un peu fou, à contre-courant des tendances actuelles et surtout politiquement incorrect. Et alors? Au prix demandé - qui risque de se maintenir, selon certains collectionneurs -, voilà une auto offrant un rapport poids-puissance supérieur à une Ferrari 458, une palette de couleurs aussi criardes qu'une Lamborghini et vendue pratiquement la moitié du prix des représentantes des grandes marques européennes. Raffinement en moins, bien entendu, mais 707 chevaux tout de même.

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par FCA.

Photo fournie par Dodge

Photo fournie par Dodge

Une gamme revisitée

La catégorie à laquelle appartient la Charger a déjà pesé beaucoup plus lourd sur l'échiquier automobile nord-américain. À défaut de faire tourner son usine canadienne à pleine vapeur, Dodge tire satisfaction ailleurs. 

D'abord sur la mainmise de la Charger et de sa complice, la Chrysler 300, qui détiennent près de la moitié (44 %) des ventes du segment dans lequel elles se trouvent inscrites. Ensuite, il y a l'âge de la clientèle. Le propriétaire d'une Charger a en moyenne 21 ans de moins que l'acheteur traditionnel de berlines intermédiaires « classiques ».

Si tous les projecteurs pointent en direction de la délirante Hellcat et de son moteur de 707 chevaux, c'est sans doute parce que nous ne la croiserons pas souvent dans la rue. On verra plutôt circuler des Charger équipées du moteur V6 3,6 L et du rouage à quatre roues motrices. Incidemment, ce dernier est désormais offert sur le modèle d'entrée de gamme. En revanche tous les démons de la gamme - SRT, R/T, Hellcat et autres - en sont toujours privés.

Avec les V8, seules les roues arrière sont motrices. Les grosses cylindrées (5,7, 6,2 et 6,4 L) se glissent sous le capot des versions plus typées de la gamme, mais aussi les moins représentatives des ventes. Les SE et SXT - les modèles d'entrée - sont de loin les plus populaires. Si votre budget ne vous permet pas de vous offrir une Hellcat (64 495 $), la R/T Scat Pack (46 495 $) apparaît sans doute comme l'option la plus homogène avec ses 485 chevaux.

Le « quoi de neuf pour 2015 » de la Charger se discerne au premier coup d'oeil. Pratiquement tous les panneaux de la carrosserie ont été refondus. L'acheteur sera seul juge des nouveaux atours, mais souhaitons seulement que la qualité d'assemblage ne mine pas le travail des stylistes.

Photo fournie par Dodge

La Dodge Charger se décline sur plusieurs versions. 

Une Hellcat, mais laquelle?

À moins de vouloir absolument visiter l'enfer en compagnie de la petite famille,

la Challenger Hellcat représente sans doute l'offre la plus démoniaque de Dodge. Ne serait-ce que pour profiter de la boîte manuelle à six rapports. Même si son embrayage nécessite un mollet bien entraîné, surtout en pleine heure de pointe.

Bien qu'elle ne permette pas de dégainer aussi vite que l'automatique, la présence

de trois pédales à bord d'une Challenger Hellcat ajoute au plaisir. Elle fera assurément remonter à la surface des « anciennes » générations - la mienne en tout cas - de délicieux souvenirs et instruira l'actuelle sur ce qu'est une voiture à fort caractère.

Au-delà de la boîte de vitesse manuelle, le choix de la Challenger Hellcat apparaît plus avisé en raison de sa monte pneumatique asymétrique qui permet une meilleure motricité en sortie de virage. Naturellement, par rapport à une Charger, cette option est moins économique et impose le remplacement d'un jeu de gommes plutôt que sa rotation.

Autre argument en faveur de la Challenger, son poids un peu plus contenu.

En revanche sa répartition entre les trains avant et arrière n'est pas aussi équilibrée.

À noter que les versions Hellcat de la Charger et de la Challenger conservent toutes les deux une assistance hydraulique pour une meilleure précision de conduite.

La Challenger est offerte à meilleur prix que la Charger, mais se révèle beaucoup moins fonctionnelle en raison de sa carrosserie deux portes. Voilà sans doute son plus gros défaut. Les places arrière sont aussi particulièrement étriquées, mais à ce chapitre, il ne faut pas en conclure que la Charger est un modèle d'habitabilité pour autant. Plusieurs intermédiaires proposent un volume intérieur et utilitaire supérieur.

Alors Challenger Hellcat ou Charger Hellcat ?

Photo fournie par Dodge

La Dodge Challenger Hellcat 

Photo fournie par Dodge

Dodge Challenger Hellcat 

On aime

› Accélération digne d'un dragster

› Habitacle spacieux

› Comportement prévisible

On aime moins

› Consommation hallucinante (Hellcat)

› Utilisation saisonnière

› Rusticité du concept

Ce qu'il faut savoir

› Marque/Modèle: Dodge Charger

› Fourchette de prix: 32 495$ à 64 495$

› Frais detransportet de préparation: 1695$

› Garantie de base: 3 ans/60000km

› Consommation réelle: 14,3L/100km

› Pour en savoir plus: www.dodge.ca

› Moteur: V8 6,2 litres - compresseur

› Puissance: 707 ch à 6000 tr/min

› Couple: 650lb-pi à 4800 tr/min

› Rapport poids-puissance: 2,93kg/ch

› Poids: 2075 kg

› Mode: Propulsion

› Transmission de série: Semi-automatique 8 rapports

› Transmission optionnelle: Aucune

› Direction/Diamètre de braquage(m): Crémaillère/11,7

› Freins (av-arr): Disque/Disque

› Pneus (av-arr): 275/40R20

› Capacité du réservoir/Essence recommandée: 70 litres/Super