La première Mustang fut un objet du rêve américain. Les générations subséquentes ont su perpétuer cette envie, mais pas toutes. Cinquante ans et 9,2 millions d'unités vendues plus tard, sa descendante cherche à regarder vers l'avenir - et d'autres continents -, tout en cherchant à recréer, elle aussi, la magie de l'icône américaine.

La Mustang 2015 accroche tout de suite le regard, même si elle conserve ses proportions habituelles, celles qui en font un succès. Du dessin de la nouvelle, on dira que l'avant manque de légèreté et de finesse. Pas d'agressivité cependant. En revanche, la chute du pavillon demeure, à mon humble avis, la portion la plus élégante de cette carrosserie tricorps (capot-habitacle-coffre). Un attribut que seuls les acheteurs du coupé pourront apprécier. Bien évidemment, le cabriolet ne dégage pas la même aura avec sa capote encore trop équarrie, malgré de louables efforts des ingénieurs et stylistes.

Fidèle à ce qu'ont été la plupart de ses ancêtres, l'auto ne manque pas de tempérament et comme ses aïeules - les plus puissantes, à tout le moins - elle est du genre à laisser de la gomme sur le bitume à chaque démarrage. Juste assez sonore - comme on l'aime - et d'une généreuse souplesse, le V8 de 5 L de cylindrée développant 435 chevaux - pour peu qu'on les alimente d'essence Super (1) - ne peine pas à mouvoir ce coupé. Son niveau de consommation est même assez honorable compte tenu en particulier du poids élevé de la bête.

À ce propos, on s'entend que la Mustang n'est pas aussi lourde que certains préparateurs le laissaient entendre avant la publication par Ford des chiffres officiels. Mais elle est plus pesante quand même, ce qui va à contre-courant de la tendance actuelle. Le modèle animé du V8 accuse près de 40 kg supplémentaires contre tout juste 2 kg pour la version V6. Quant à la Mustang à quatre cylindres, il n'existe pas de comparable, mais sachez tout de même que sa masse équivaut à 3 kg près à celle du V6. Plus légère avec la boîte manuelle, mais plus lourde avec l'automatique, la version suralimentée (EcoBoost) demeure la mécanique la plus avancée techniquement de cette génération de Mustang. Elle est la seule à bénéficier de l'injection directe et à offrir des cotes de consommation plus «contemporaines».

Conçue sur une architecture toute neuve (dixit Ford), la Mustang ne retient rien de sa devancière. Pas même le pont rigide à l'arrière, si cher aux amateurs de performances et des préparateurs qui la considéraient plus facile à modifier, plus légère et surtout, plus compacte. La Mustang cède au «modernisme» et adopte une suspension entièrement indépendante, un compromis nécessaire, dit-on, pour séduire le marché européen où la Mustang fera dorénavant carrière de manière officielle.

Au volant, la Mustang n'engendre pas de sensation de pesanteur excessive. Sa direction est précise et le rayon de braquage est compatible avec un usage urbain, mais la descendante de l'ex-vedette des années 60 ne se conduit pas tout à fait comme un coupé sport moderne et en toute franchise, c'est mieux comme cela. Des trois rescapées de l'époque des «Muscles Cars» - Chevrolet Camaro, Dodge Challenger - la Mustang demeure encore la proposition la plus homogène de toutes dans ses configurations de base. On fait davantage corps avec elle qu'une Challenger, on y voit mieux que dans une Camaro. En un mot, du groupe, elle est celle qui donne le plus confiance dès les premiers tours de roue.

Et malgré la présence de certaines béquilles électroniques, que ce coupé sous-vire ou survire, il y a deux pédales et un volant pour contourner ce trait de caractère et pour l'amateur, il s'agit de moment de sereine jubilation. Mais cela se rencontre dans des conditions extrêmes sur un circuit. Dans le cadre d'un usage quotidien sur les routes publiques, la Mustang apparaît plus sûre, plus stable sur chaussée déformée et aussi plus confortable en paramétrant la suspension à son goût et à la nature de son utilisation.

Néanmoins pour goûter pleinement aux performances (dans le sens général du terme) de la Mustang, il est impératif de cocher le groupe «performances». Ce dernier, vendu moyennant supplément (2700 $ pour la GT, 3000 $ pour l'Ecoboost) permet de profiter des qualités dynamiques notamment en raison d'un correcteur de stabilité électronique moins prompt à tirer sur la gâchette et d'un freinage doté d'étriers plein de dents.

Aux yeux des puristes, le V85 L est le seul moteur qui mérite de se glisser sous le capot de ce pur-sang américain. Il faut dire qu'il signe de solides performances, que ses échappements laissent filer un voix de stentor et qu'il s'accommode très bien de la boîte manuelle dont le guidage et la précision étonnent vue la générosité du couple. À noter que l'embrayage est aussi très progressif et que considérant le faible écart - annoncé - des consommations, la boîte manuelle demeure la plus agréable et la seule également à offrir la possibilité de commander le groupe performances et de bénéficier du dispositif permettant de faire fumer les pneus arrière (Electronic Line-Control) sans avoir l'air d'un débutant.

Toi, moi et avons-nous des enfants?

La seule déception provient de l'habitacle, qu'on espérait plus romantique, voire légèrement kitsch. Bien que les matériaux utilisés ont beaucoup progressé en qualité, les placages comme les tirettes en faux alu font «toc» - pourquoi ne pas s'être inspiré de la Mini - et l'instrumentation est tout sauf originale, mais a en revanche le mérite d'être claire et lisible. Par bonheur, la position de conduite est agréable et elle l'est d'autant plus si on a eu le bon goût - et les moyens - de s'offrir les baquets Recaro (1500 $). Et si la visibilité n'est pas si mal - chose certaine, supérieure à la Camaro -, une autre dépense s'impose: les capteurs d'angles morts.

Les générations se suivent et se ressemblent et l'habitacle de la Mustang n'est accueillant vraiment que pour deux personnes. Étriquées, les places arrière ne conviennent qu'à de très jeunes enfants. Et encore. Le volume du coffre est acceptable.

Au final, la Mustang pose une roue dans le moment présent (suspension indépendante, retour du quatre-cylindres, injection directe, etc.), sans pour autant trahir entièrement son identité grâce au maintien du V8. Comme bien d'autres icônes, la Mustang est prisonnière de sa propre personnalité.

(1) L'homologation de ce moteur (et de sa puissance) a été réalisée avec de l'essence Super. Ford autorise l'usage de l'essence ordinaire, mais celle-ci aura un impact sur les performances.

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Il était une fois, la SVO

Produite entre 1984 et 1986, la Mustang SVO (Special Vehicle Operations) cherchait à faire mentir les «petits nez retroussés» selon lesquels seule la vieille Europe pouvait donner naissance à des sportives sophistiquées.

La démonstration n'a pas duré longtemps, mais Ford a néanmoins été en mesure de prouver le contraire avec cette déclinaison plutôt avant-gardiste pour l'époque. Animée d'un moteur quatre cylindres suralimenté de 2,3 litres, cette SVO se reconnaissait aisément avec sa partie avant remodelée «à l'européenne» et à son double aileron arrière, à la manière de la Merkur XR4Ti vendue au cours de la même période.

Dans sa version ultime, la SVO délivrait 205 chevaux, soit 45 de plus qu'une Audi Ur-Quattro. Elle fut la première Mustang à adopter une suspension adaptative, des disques à l'arrière (de série la Mustang recevait des tambours en ce temps-là) et un pédalier spécialement adapté pour favoriser la pratique du «talon-pointe», si chère aux amateurs de conduite.

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Photo fournie par Ford

On aime

> Son confort amélioré

> Sa prise en main plus facile

> Sa direction plus incisive

On aime moins

> Sa tendance à prendre du poids

> Sa consommation

> Ses commandes un peu kitch

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Ce qu'il faut retenir

> Fourchette de prix : 24 999 $ à 42 499 $

> Frais de transport et de préparation : 1600 $

> Garantie de base : 3 ans / 60 000 km

> Consommation réelle : 13,2 L/100 km

> Pour en savoir plus : www.ford.ca

> Moteur : V8 DACT 5 litres

> Puissance : 435 ch à 6500 tr/min

> Couple : 400 lb-pi à 4250 tr/min

> Rapport poids-puissance : 3,86 kg/ch

> Poids : 1681 kg (avec boîte manuelle)

> Mode : Propulsion

> Transmission de série : Manuelle 6 rapports

> Transmission optionnelle : Semi-automatique 6 rapports

> Direction / Diamètre de braquage (m) : Crémaillère / 11,5 (pneus 18 pouces)

> Freins av-arr : Disque / Disque

> Pneus (av-arr) : 235/50R18

> Capacité du réservoir / Essence recommandée : 60 litres /Ordinaire