En apparence, la ficelle est aussi grosse que l'aileron installé à l'arrière ou la prise d'air qui forme une béance sous les naseaux de la calandre. Prenez une Mustang, administrez-lui un traitement façon tuning (avec plaque numérotée sur le tableau de bord pour rappeler le caractère exclusif de ce modèle), dotez-la de nobles matériaux et placez sous le capot un moteur musclé. Agitez bien fort et, à la sortie de la chaîne d'assemblage, apposez le respectable sigle Shelby. Cela suffit pour produire des coupés européens et japonais de grande renommée, et ce, pour une fraction du prix.

Pour plusieurs générations d'automobilistes, la Mustang est déjà une voiture-culte. Ses déclinaisons le sont davantage auprès des aficionados, et la Shelby GT350 tout particulièrement.

La première version, lancée il y a 50 ans, a tellement fait d'effet (562 unités produites) qu'elle figure encore aujourd'hui comme étant la plus recherchée de sa lignée. La toute nouvelle GT350, pas très éloignée extérieurement d'une Mustang classique, mais dotée d'une mécanique et d'un châssis exceptionnels, demeure une voiture (relativement) facile à vivre au quotidien, même si elle ne s'exprime pleinement que sur une piste...

Mais avant d'aller plus loin, une précision s'impose. Il y a la GT350 et il y a la GT350R. Cette dernière, plus exclusive et plus chère encore, se distingue de la première par son traitement extérieur particulier. Ici, la suspension se trouve pilotée (offerte en option sur le modèle d'entrée), son poids réduit (-45,3 kg) et ses appendices aérodynamiques plus nombreux. Des «gains» qui ne se mesurent pas sur l'autoroute Jean-Lesage, mais sur le circuit Gilles-Villeneuve.

L'intéressant, avec cette Shelby GT350, c'est qu'il s'agit moins d'une question de puissance que d'efficacité. Le huit-cylindres en V n'a pas besoin de turbocompresseur ou d'un compresseur pour cracher ses 526 chevaux. Ce moteur - à lui seul un morceau de bravoure - dorloté comme nul autre chez Ford tourne très vite, et affiche une valeur de 101 chevaux par litre. C'est plutôt flatteur lorsqu'on sait que la Lamborghini Huracan culmine à 117 chevaux par litre.

La particularité de cette motorisation réside largement dans la configuration «à plat» du vilebrequin par opposition au dessin «en croix» que l'on retrouve généralement dans l'industrie. Cette forme inusitée - reprise de la compétition - a pour principal avantage de permettre au moteur d'atteindre un régime de rotation beaucoup plus élevé et d'obtenir des changements de régime plus rapides. Les esthètes apprécieront aussi le savoir-faire et la souplesse de la transmission aux roues arrière. Un très pointu système d'antipatinage y contribue avec brio, mais il faut pendre soin de piloter l'auto du bout des doigts lorsqu'on évolue sur revêtement humide. Si, au contraire, la voie est libre, la cavalerie de la GT350 peut monter à l'assaut. La consommation? Nul besoin de saper le moral des troupes en affichant avec trop d'insistance l'appétit de la Shelby GT350 qui, sans être délirant vu les performances, prend vite des proportions impressionnantes dès que la pédale d'accélérateur flirte avec le plancher.

Les six rapports de la boîte manuelle enchaînés, on découvre avec incrédulité que l'aiguille du tachymètre aborde dans la plus grande sérénité les 160 km/h alors que celle du compte-tours donne l'impression de paresser. On se calme. Inutile d'invoquer le freinage très performant et les diverses assistances électroniques à la conduite (assistant de démarrage rapide, antipatinage, entre autres); la Shelby GT350 n'a aucun mal à transgresser les limites imposées sur nos routes. Heureusement, il n'est pas nécessaire de se transformer en danger public pour apprécier sa tenue de route et la poussée du huit-cylindres, à la fois majestueuses et ébouriffantes. En soi, son inimitable acoustique caverneuse est déjà un régal. Très travaillée et moins bêtement métallique, cette signature sonore n'est pas pour autant l'une des plus harmonieuses que l'on puisse entendre.

Énergique, cette Mustang possède un excellent châssis, amélioré pour l'occasion, et surtout une direction à assistance électrique réactive, mais trop éthérée tout de même pour une automobile aussi sportive. Quoiqu'elle n'ait rien d'un poids plume, cette Ford se mène avec une certaine finesse et c'est un régal de la solliciter tant elle montre du coeur à l'ouvrage. Encore faut-il apprendre à doser le freinage et se méfier du rayon de braquage trop large, gênant pendant les manoeuvres de stationnement. Raffermies pour mieux coller à la route, les suspensions jugulent les mouvements de caisse mais trépignent sur les revêtements irréguliers, et les pneus extrêmement adhérents ont cette vilaine tendance à suivre sans répit le profil de la chaussée. C'est aussi à ce prix que l'on «sent» vraiment une voiture.

Une Mustang tout de même

Spartiate, l'habitacle de la GT350 se pare de quelques touches sportives. Les sièges particuliers offrent une étreinte rassurante pour maintenir fermement le conducteur en place. Hormis les monogrammes «Shelby», «GT350» et «R» glissés çà et là, on retrouve l'ambiance un peu glauque des autres Mustang. Cette critique est d'autant plus sévère vu le prix que cette déclinaison commande. La R surtout (100 000$ taxes comprises). Et puisqu'il en est question, la R ne comporte pas de banquette arrière.

L'allure extérieure adoptée par cette version la distingue immédiatement du reste de la famille. Pour reprendre le flambeau de sa divine ancêtre lancée sur les circuits en 1965, elle se donne un air méchant et bariole sa carrosserie de bandes «à la Le Mans». Les roues à jantes larges ne cultivent pas non plus la discrétion, pas plus que l'aileron monté sur le couvercle de coffre de la R qui nuit à la visibilité déjà très faible de ce modèle. Amateurs d'autos sportives mais discrètes, s'abstenir. Pourtant, il faut bien constater que cette allure extravertie ne déplaît pas à tout le monde. Auprès d'une certaine catégorie de la population, on peut même parler de plébiscite. Ce modèle, dont l'ensemble de la production destinée au Canada s'élève à peine à 700 unités, dont 100 auront le sigle R, jouit d'une étonnante notoriété. Du moins, dans certains cercles fermés.

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Ford du Canada.

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L'essentiel

> Marque/Modèle: Ford Mustang Shelby GT350/GT350R

> Fourchette de prix: 62 599 $ à 79 499 $

> Coût de transport et de préparation: 1750 $

> Garantie de base: 3 ans/60 000 km

> Consommation réelle: Non mesurée

> Pour en savoir plus: www.ford.ca

Technique (modèle essayé)

> Moteur: V8 DACT 5,2 litres atmosphérique

> Puissance: 526 ch à 7500 tr/min

> Couple: 429 lb-pi à 4750 tr/min

> Poids: 1796 kg (GT350)

> Rapport poids-puissance: 3,41 kg/ch

> Mode: Propulsion

> Transmission de série: Manuelle 6 rapports

> Transmission optionnelle: Aucune

> Direction/Diamètre de braquage (m): Crémaillère/12,3

> Freins (av.-arr.): Disque/Disque

> Pneus (av.-arr.): 295/35R19 -305/35R19

> Capacité du réservoir/Essence recommandée: 45 litres/Ordinaire

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On aime

> Neutralité du comportement

> Freinage musclé

> Moteur très expressif

On aime moins

> Plus qu'une Mustang, mais une Mustang tout de même

> Pneus très directeurs

> Poids encore trop élevé