Cette fois-ci, personne ne reprochera à Lincoln d'avoir oublié ses racines. Loin de l'accablante MKS ou de la désolante LS qui reflétaient une aspiration contre nature (ressembler à une voiture allemande!), la Continental exhale une américanité dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est pleinement assumée.

La Continental du XXIe siècle est une grande auto extravertie, un brin provocante, entre le gothique flamboyant et le baroque. Un peu hors du temps, elle évoque une voiture à bord de laquelle il fait bon arpenter les boulevards et se définit comme un modèle allant à l'encontre du courant actuel où tout doit presque impérativement afficher un tempérament sportif.

Le pare-chocs moulé met en exergue l'énorme calandre maillée à l'ancienne de la Continental. Une broche nickelée épinglée à leur extrémité, les ailes avant partent à la rencontre des portières dont les poignées saillantes, intégrées à la ceinture de caisse, étonnent à une époque où les carrosseries se lissent pour répondre aux lois de l'aérodynamique. Plus cintrée en apparence seulement, la partie arrière rappelle vaguement une Bentley ou les Mercedes de type Ponton de l'après-guerre. Plutôt équilibré, le profil très régulier de cette berline ne cherche pas à forcer sur les effets de contraste.

Majestueuse, la Continental non seulement revendique l'héritage d'une marque, mais entend également réinterpréter le luxe (et le clinquant) à l'américaine.

Voué entièrement au culte de l'américanité, ce nouveau modèle fait actuellement l'objet d'une campagne de publicité mettant en vedette le porte-parole de Lincoln, Matthew McConaughey, qui doit très certainement recevoir un cachet substantiel pour réciter un monologue aussi peu convaincant, même dans sa version originale anglaise.

Sans être pessimiste, il ne fait pas de doute que pour cette filiale de Ford, cette Continental apparaît comme une tentative de la dernière chance pour ne pas disparaître pour de bon du segment des voitures de luxe.

Les détails qui choquent

Pas désagréable à regarder, la Continental ouvre ses larges portières sur un habitacle où l'agencement et la présentation sont de bonne facture, mais sans plus. Le vernis appliqué par Lincoln peine à dissimuler la banalité de certaines commandes issues de la grande série. La plus disgracieuse de toutes est sans contredit les palettes au volant. Considérant qu'une firme comme Mitsubishi, par exemple, propose pareilles manettes forgées dans le métal sur des modèles financièrement plus accessibles, il y a tout lieu de s'indigner d'une telle désinvolture.

Le tableau de bord est habillé d'un revêtement sombre qui évoque le galuchat et de sobres placages de bois (est-ce bien du vrai?), alors que sièges et contre-portes sont parés de cuir souple pour le premier et d'un fini satiné pour le second. Classique et élégante, l'instrumentation est complète, mais en dépit de la possibilité de choisir l'information qui nous sera utile, c'est plutôt bric-à-brac.

Pour se démarquer, la Continental adopte de petits raffinements tels un sélecteur de vitesse à boutons-poussoirs ou, plus spectaculaire encore, des sièges avant qui autorisent pas moins de 30 réglages. Il s'agit d'une option (750 $) uniquement proposée sur la déclinaison Ultra, la plus chère évidemment. Étant donné le nombre d'ajustements disponibles, que celui qui ne parvient pas à dénicher sa position de conduite idéale lève la main. Une fois celle-ci trouvée, empressez-vous de la stocker dans la mémoire du véhicule. Qu'à cela ne tienne, il existe des fauteuils moins sophistiqués mais tout aussi confortables chez la concurrence et qui, le cas échéant, seront vraisemblablement moins coûteux à réparer.

Bénéficiant de dimensions extérieures généreuses, la Continental n'est pas avare d'espace pour les occupants des places arrière. On peut sans doute ergoter sur les sièges, moelleux mais pas assez enveloppants, ou sur la rigidité de l'accoudoir central qui limite pratiquement cette Lincoln à ne prendre que quatre personnes à son bord.

Question équipements de série, Lincoln n'a pas consenti un très gros effort pour une auto censée redorer le blason de la marque. Aussi s'étonne-t-on que plusieurs accessoires comme le régulateur de vitesse intelligent assorti au dispositif de coupure automatique à l'arrêt figurent au rayon des options. Curieux jumelage.

Des dessous étonnants

Contrairement à la MKS dont elle prend le relais, la Continental repose - tenez-vous bien - sur une architecture de Ford Fusion... Bonjour la noblesse. Naturellement, de multiples transformations ont été apportées pour éviter toute comparaison possible avec l'intermédiaire de Ford.

Au pays, la Continental propose deux motorisations - toutes deux suralimentées par turbocompresseur - , contre trois aux États-Unis où figure également une mécanique atmosphérique (V6 3,7 L). De série, on retrouve le 2,7 L de 335 ch. Mais considérant le poids de l'auto, mieux vaut allonger les 3000 $ exigés pour compter sur la cavalerie plus imposante du trois-litres. Puisqu'à l'impossible nul n'est tenu, les 400 ch et 400 lb-pi de couple n'échevelleront aucune tête, pas même celle du beau Matthew. En fait, cette puissance suffit à remuer les quelque 2 tonnes de cette Lincoln, pour peu que le pied droit enfonce fermement la pédale d'accélérateur. Sans quoi la Continental donne l'impression de se traîner. Une erreur de calibration propre au véhicule mis à l'essai? Peut-être, ou alors la faute incombe à la boîte de vitesse qui, en mode S (sport), apparaît plus réactive, mais d'une désagréable rudesse aussi.

Contrairement aux neuf générations qui l'ont précédée, cette Continental tient la route et son rouage à quatre roues motrices lui assure une belle motricité.

Cela dit, la première chose qui étonne en se glissant aux commandes de cette Lincoln est la circonférence du volant qui paraît trop faible pour guider une si grosse voiture. Pourtant, non. Elle bénéficie d'une direction active qui consiste à offrir une démultiplication variable. Ainsi, le nombre de tours de volant de butée en butée varie en fonction de la vitesse. Plus la vitesse est élevée, plus le nombre de tours de volant augmente. Plus la vitesse est réduite, moins de tours de volant sont nécessaires. Les avantages de cette technologie se font apprécier aussi bien sur une route sinueuse que dans le labyrinthe d'une grande ville.

Puisque nous y sommes, dans la cité, l'encombrement de la Continental n'est pas trop gênant, malgré un rayon de braquage qui ne facilite pas les manoeuvres. À ce sujet, il importe de rappeler qu'un dispositif d'assistance de stationnement est offert moyennant supplément. Celui-ci permet à cette Lincoln de se garer toute seule pour peu que vous soyez patient et ayez confiance en cette technologie.

Comme bien des berlines de son rang, cette imposante auto propose trois différentes lois d'amortissement (Confort, Normal et Sport). À moins de vous faire expliquer les boutons sur lesquels il faut appuyer et dans quel ordre, peut-être ne saurez-vous jamais que cette suspension à réglages multiples existe. Et, à la réflexion, c'est sans doute mieux ainsi. Le mode Sport souligne trop les limites du châssis, des pneumatiques et de certaines aides à la conduite (celles-ci se déclenchent plutôt rapidement). Le mode Confort, pour sa part, rappellera aux nostalgiques l'époque où cette Lincoln « naviguait » sur la chaussée. Mal au coeur. Alors, aussi bien s'en tenir au mode Normal, qui contrôle bien les mouvements de caisse et assure un confort des plus agréables.

Un peu décalée dans l'environnement des grandes berlines de luxe, cette téméraire Lincoln constitue une prise de risque. Qu'on la juge étrangement élégante ou lourdement bizarre, elle peut se prévaloir de posséder une personnalité singulière. Contrairement à son porte-parole, elle ne pourra briguer qu'un rôle de figurant (au Québec et au Canada) ou de soutien (aux États-Unis et en Chine) dans la distribution. Elle compte tout particulièrement sur son interprétation symbolique du luxe «à l'américaine» et sur sa riche histoire pour éveiller la curiosité. On peut néanmoins se demander si le fait de chercher l'inspiration dans son rétroviseur constitue l'argument le plus efficace pour Lincoln. Au vu des principales nouveautés dévoilées ces dernières années dans ce segment, on peut en douter.

Fiche technique

L'ESSENTIEL

Marque/Modèle: Lincoln Continental

Fourchette de prix: 56 900 à 60 400 $

Frais de transport et de préparation: 1900 $

Visible dans les concessions: Maintenant

Garantie de base: 4 ans/80 000 km

Consommation réelle observée: 11,3 L/100 km

Rivales à surveiller: Cadillac CT6, Genesis G90, Volvo S90

Pour en savoir plus: www.lincolncanada.com

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TECHNIQUE 

Moteur: V6 DACT 3 litres suralimenté

Puissance: 400 ch à 5750 tr/min

Couple: 400 lb-pi à 2750 tr/min

Poids: 2062 kg

Rapport poids/puissance: 5,15

Mode: Intégral

Transmission de série: Automatique 6 rapports

Transmission optionnelle: Aucune

Diamètre de braquage: 12,7 m

Freins av-arr: Disque / Disque

Pneus (av-arr): 255/45R19

Capacité du réservoir: 68 L

Essence recommandée: Super

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ON AIME

Confort de roulement

Dégagement à l'arrière

Direction agréable

ON AIME MOINS

Comportement empesé

Ergonomie discutable

Boîte archaique