Avec la Classe S, Mercedes-Benz s'engage dans une surenchère comme on n'en avait jamais vu auparavant. Imaginez un peu: une voiture pouvant lire la route et donc, dans certaines circonstances, se conduire toute seule. D'ailleurs, pour illustrer «l'intelligence et la perspicacité» de ce modèle, le président et chef de la direction du constructeur allemand, Dieter Zetsche, n'a pas manqué de faire allusion au fait que celle-ci était «dotée de six yeux et de six oreilles». Toutefois, en hiver, elle ne voit et n'entend pas toujours très bien.

La Classe S roule pourtant majestueusement sur une chaussée enneigée. Son rouage à quatre roues motrices (4Matic) et sa kyrielle d'aides à la conduite permettent de rendre l'expérience sécurisante. Là n'est pas le problème.

La contrariété vient plutôt de toutes ces technologies qui font appel aux caméras et aux capteurs extérieurs. Ces derniers ont maille à partir avec la gadoue, le verglas, les petits et les gros flocons de neige. Avec l'hiver, quoi!

Plus d'une fois, des messages comme «avertisseur actif d'angle mort non disponible pour l'instant» ou «Pre-safe, fonctionnement limité momentanément» ont défilé au centre du bloc d'instrumentation pour prévenir que la Classe S avait les «yeux» fermés ou les «oreilles» bouchées.

En toute franchise, on constate ces limites dans tous les véhicules équipés de technologies similaires. Mais ne suis-je pas en présence de la «meilleure voiture au monde» (dixit Dieter Zetsche)? Peut-être faudrait-il songer à équiper ces caméras et ces capteurs d'un essuie-glace et d'un dégivreur pour faire face à toutes les intempéries?

D'un point de vue nordique, il y a parfois lieu de se demander s'il vaut la peine de payer pour ces avancées technologiques, qui sont pour la plupart offertes en option.

Bien sûr, la météo n'est pas toujours mauvaise. Dans des conditions «normales», ces technologies fonctionnement remarquablement bien, même si certaines sont - encore une fois - limitées.

Par exemple, la suspension pneumatique associée à l'amortissement adaptatif. Grâce à une caméra placée derrière le pare-brise, la voiture numérise les imperfections et le profil de la chaussée afin d'adapter en un battement de cils les éléments suspenseurs. Selon l'analyse, le combiné ressort/amortisseur s'assouplit ou se raffermit. Et ça fonctionne!

En 33 ans de carrière, je n'ai jamais conduit une automobile aussi confortable. En revanche, même par beau temps, cette technologie a des limites: elle ne fonctionne ni la nuit ni à plus de 130 km/h.

Un numéro complet de La Presse ne suffirait pas pour décrypter les quelque 130 pages du document préparé par Mercedes-Benz sur les technologies incluses dans la Classe S. La prise en mains n'est pas simple, même si l'on peut très bien la conduire sans en connaître d'emblée tous les secrets. Son propriétaire finira - avec l'aide précieuse d'un conseiller et du manuel de l'utilisateur informatisé - par assimiler l'intégralité des fonctions de sa voiture. Comme ce petit flacon posté dans le coffre à gants, qui embaume l'habitacle de son subtil parfum. Et que dire de ces 14 coussins d'air logés dans les sièges pour vous prodiguer le meilleur des massages, ou de ces accoudoirs chauffants? À la réflexion, il n'y a que le café que cette Classe S semble incapable de servir.

Mercedes ne lésine sur rien, si ce n'est sur les ampoules... En effet, la Classe S n'en compte aucune, une première dans l'industrie. Toutes les fonctions d'éclairage sont assurées par des diodes lumineuses (DEL), dont 300 seulement pour créer l'une des sept ambiances intérieures.

Ce qu'on oublie

Produite à Sindelfingen, près de Stuttgart, la Classe S - sixième du nom - prétend établir un record en matière de coefficient de traînée aérodynamique (Cx 0,24) pour mieux faire oublier, sans doute, le côté déjà-vu de sa silhouette. Celle-ci a été allongée de quelque 40 mm, mais a perdu une centaine de kilos. En la détaillant, on lui trouve certaines ressemblances avec la Classe E, moins chère, mais aussi avec la regrettée (?) Maybach, filiale récemment abandonnée par Mercedes et qui devait rivaliser avec les Bentley et Rolls-Royce.

À l'intérieur, le dessin délicieusement rétro des buses de ventilation détourne notre regard du gros «téléviseur» de 12,3 po enchâssé en plein centre du tableau de bord.

Toutefois, plusieurs des «petites douceurs» annoncées par Mercedes se retrouvent au catalogue des options. Ainsi, il faudra acquitter la somme de 5700$ pour bénéficier notamment de la climatisation et des dossiers réglables à l'arrière. Rassurez-vous, la clientèle ne s'en offusque pas, au contraire. Rien n'est apparemment trop beau, ni trop cher, ni trop exclusif pour elle.

Une boule de ouate

Connue dans l'entreprise sous le nom de code W222, cette sixième génération de Classe S impressionne aussi par son confort de roulement exceptionnel. Sans lisser pour autant toutes les - toujours trop nombreuses - imperfections de la chaussée québécoise, cette Mercedes semble glisser sur un coussin d'air et nous faire voyager dans une boule de ouate.

Au fil des kilomètres, on se surprend à penser que rien ne pourrait nous arriver à son bord, tant sa tenue de cap paraît imperturbable et son châssis, robuste. Voilà sans doute les deux plus grandes qualités de cette routière capable de parcourir des centaines de kilomètres sans donner l'impression d'avoir quitté votre garage (vous avez bien un garage, n'est-ce pas?).

Sa conduite n'est pas la plus dynamique de son groupe sélect, pas plus que sa direction n'est la plus précise. En revanche, son moteur, un V8 de 4,6 litres, a du coffre, et la boîte semi-automatique qui l'accompagne égrène ses sept rapports comme un chapelet.

On lui reprochera seulement de ne pas se hâter quand le moment est venu de rétrograder pour profiter pleinement des reprises. Mais là n'est pas le rôle de cette routière qui, rappelons-le à l'intention de nos lecteurs plus pressés, se décline également en version AMG.

Et elle se conduit toute seule? Assurément, mais dans les conditions essayées, impossible de quitter les commandes. La Classe S ne pouvait soit repérer les bandes sur la chaussée, soit jeter un oeil par-dessus mon épaule. Pour que la conduite assistée fonctionne, TOUTES les béquilles électroniques doivent être fonctionnelles, sans quoi le système refuse de prendre le volant.

Mercedes a l'habitude de pousser son avantage toujours plus loin, mais, cette fois, un seuil paraît avoir été franchi. Au point que l'on peut se demander si cette pionnière de l'automobile ne prend pas quelque risque en cultivant pareille démesure. On songe aux limites de ses avancées, mais aussi à leur fiabilité à long terme. D'aucuns diront qu'il faut bien commencer quelque part.

L'essentiel

> Fourchette de prix: 106 600 $ à 151 600 $

> Frais de transport et de préparation: 1 950 $

> Garantie de base: 4 ans / 80 000 km

> Consommation réelle: 12,4 L/100 km

> Pour en savoir plus: www.mercedes-benz.ca

> Moteur (essence): V8 DACT 4,6 litres biturbo 

> Puissance: 449 ch entre 5250 et 5500 tr/min

> Couple: 516 lb-pi entre 1800 et 3500 tr/min

> Poids: 2050 kg

> Rapport poids-puissance: 4,56 kg/ch

> Mode: Intégral

> Transmission de série: Semi-automatique 7 rapports

> Transmission optionnelle: Aucune

> Direction / Diamètre de braquage (Crémaillère / 11,9 m (empattement reg.)

> Freins av-arr: Disque / Disque

> Pneus (av-arr): 245/45R19 - 275/40R19

> Capacité du réservoir / Essence recommandée: 78,5 / Super

Ce qu'on aime

> Prouesses technologiques

> Souplesse de la mécanique

> Impression de rouler dans un coffre-fort

Ce qu'on aime moins

Prise en main laborieuse

> Transmission lente

> Les coûts des réparations hors garantie