Trop raisonnable, trop banale, trop modeste. La Subaru Legacy fait partie de ces voitures que l'on croise sans les remarquer. La sixième génération qui vient d'apparaître devait transformer tout cela, mais elle se présente de nouveau sans fard. Une (autre) occasion manquée?

Elle n'est pas du genre à prendre la pose. La Subaru Legacy, berline de taille intermédiaire - doublée d'une populaire version familiale baptisée Outback -, est redessinée, allongée, épaissie depuis maintenant 25 ans. Mais en dépit de toutes ces transformations, elle peine toujours à s'extraire du milieu de peloton.

Timide, la Legacy s'affiche comme une auto robuste et sérieuse. Elle l'est aussi, même si la nouvelle en impose davantage. Sa grande calandre et ses formes, plus déliées, ne cultivent pas le style mièvre des précédents modèles, mais l'ensemble reste encore plutôt impersonnel et guère chaleureux. Plus aérodynamique, comme se plaît à le répéter la marque japonaise, mais peu inspirée tout de même. Sévère? Il faut avoir vu le concept présenté à l'automne 2013 au salon de Los Angeles pour tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer. La forme monolithique de l'étude qui, pensait-on, devait préfigurer la version définitive a été complètement diluée.

L'habitacle s'inscrit, lui aussi, dans un registre des plus traditionnels, ce qui ne l'empêche pas d'offrir des matériaux de belle facture, doux au toucher et agréables à l'oeil. Là encore, l'ambiance n'est pas à la fête, malgré de louables efforts dans le choix des coloris (et des matières), même si cela touche principalement les versions haut de gamme.

Les goûts, ça ne se discute pas, mais les insertions métallisées ou vernies donnent une petite touche de modernisme à ce tableau de bord trop cunéiforme et tarabiscoté. En revanche, la disposition des commandes a le mérite d'être claire, à l'exception de ce régiment de boutons placé à gauche du volant. Ceux-ci sont difficilement identifiables sans devoir quitter la route des yeux. Cela est d'autant plus regrettable que parmi eux se trouvent des dispositifs irritants - pour un automobiliste appliqué et alerte - comme le détecteur de changement de trajectoire ou encore l'alerte anticollision.

Autre source potentielle de distraction, le système audio/navigation. Celui-ci fait peau neuve et intègre une surface tactile de 6,2 pouces qui, aux yeux de plusieurs consommateurs, n'a rien du «grand écran, mais d'une petite lucarne», pour paraphraser l'une des répliques du film Le dîner de cons.

Ce système représente un pas en avant par rapport à celui offert sur les anciennes réalisations du constructeur japonais. À noter que la caméra de recul figure parmi les caractéristiques de série de chaque version, de même que l'ensemble de téléphonie mains libres.

Les sièges offrent une assise confortable et procurent un support adéquat. À l'arrière, on retrouve suffisamment de dégagement - notamment au niveau des hanches - pour deux adultes. Et pour trois? Seulement sur de courtes distances. L'infortuné occupant de la place centrale devra composer avec la bosse au plancher, nécessaire pour faciliter l'installation du rouage intégral.

Derrière les dossiers - rabattables de manière asymétrique - de la banquette: le coffre. Celui-ci, de forme très cubique, présente un grand espace grâce à des amortisseurs compacts destinés à soulever le couvercle, au lieu d'encombrants longerons. Son ouverture est large, le seuil de chargement, peu élevé, et la contenance du réservoir à essence demeure la même que l'an dernier.

Prisonnière de son image

Conçue comme une solution de rechange décalée aux autres véhicules de sa catégorie, la Legacy n'a jamais pu tenir vraiment son rang. En raison de son manque de charme, mais aussi parce qu'elle est restée trop «compacte» par rapport à une concurrence qui ne cesse de grandir. La carrosserie plus ample du modèle 2015 ne lui permet de rattraper qu'une partie de ce retard.

L'utilisation de matériaux à la fois plus rigides et plus légers améliore certes les qualités dynamiques du châssis, qui demeurent sous-exploitées par le quatre-cylindres à plat de 2,5 litres. Celui-ci profite naturellement de quelques raffinements, lesquels concernent presque essentiellement le poids, le niveau sonore et le rendement général. Ce dernier terme est plutôt vague et large, c'est pourquoi il importe d'apporter certaines précisions.

Par rapport au moteur de la Legacy 2014, la puissance du «nouveau» augmente de 2 chevaux, mais le régime de rotation pour bénéficier de toute la puissance passe de 5600 à 5800 tr/min. Le couple demeure le même, mais cette fois, les 174 lb-pi se manifestent à 4000 tr/min et non 4100 tr/min comme c'était le cas sur la génération antérieure. Dès lors, il apparaît un peu présomptueux d'écrire «le couple... s'étale sur une plus grande plage de régimes afin de favoriser les reprises» (dixit le communiqué de presse de Subaru). Le six-cylindres à plat de 3,6 litres offert sur les versions haut de gamme est, pour sa part, reconduit sans l'ombre d'un changement. Personne ne va s'en offusquer, la quasi-totalité des ventes étant réalisée avec le quatre-cylindres.

On s'étonne que Subaru n'ait pas profité du renouvellement de ce modèle pour intégrer l'injection directe d'essence, voire un dispositif d'arrêt automatique. Peut-être, comme le laisse entendre la rumeur, ces changements n'interviendront-ils qu'avec le lancement d'une version hybride attendue d'ici deux ou trois ans.

Revenons à cette 2015. On peut difficilement faire la fine bouche, compte tenu des performances d'ensemble de cette mécanique. Après tout, sa consommation apparaît aujourd'hui tout à fait raisonnable, considérant le rouage à quatre roues motrices à prise permanente qui lui est attaché.

Le crédit revient à la boîte à variation continue (CVT). Plus fluide encore, son rendement la fera passer pour une transmission classique aux yeux de plusieurs automobilistes. Surtout si ceux-ci font usage des palettes au volant qui permettent de sélectionner manuellement les six rapports artificiellement programmés. Cela ne change rien à l'accélération, mais l'autorise toutefois à signer de meilleurs temps de reprise tout en ajoutant un zeste d'agrément. En position normale (D), la poussée paraît plus vive qu'elle ne l'est en réalité en raison d'une pédale d'accélérateur plutôt sensible. Quelques creux à bas régime et une sonorité pas vraiment enchanteresse complètent le tableau.

Saine, stable et sans surprise. Voilà, en quelques mots, un résumé de l'expérience de conduite ressentie au volant de cette berline qui, par temps sec, n'excelle en rien, mais est bonne en tout.

Sur la route, le conducteur pourra également apprécier l'agréable direction à assistance variable et la rigueur du châssis. En ville, on peste un peu contre le diamètre de braquage un peu fort. Quant aux amateurs de suspensions bien amorties, ils seront comblés. Le freinage est solide, mais sa modulation pose problème. La pédale nécessite une pression anormalement forte pour réveiller les étriers.

Finalement, il y a tout lieu de douter que cette Legacy fasse, sur l'ensemble du marché nord-américain, la conquête d'une multitude de nouveaux acheteurs. Les fidèles apprécieront la douce évolution de ce modèle, les autres auront peine à se laisser séduire avant la première bordée de neige de l'hiver.

 

L'ESSENTIEL

> Fourchette de prix : 24 795 $ à 35 395 $

> Frais de transport : 1595 $

> Garantie de base : 3 ans / 60 000 km

> Consommation obtenue lors de l'essai : 9,2 L / 100 km

> Pour en savoir plus : www.subaru.ca

> Principales concurrentes : Ford Fusion, Nissan Altima, Volkswagen Passat

TECHNIQUE

> Moteur : H4 DACT 2,5 litres

> Puissance (moteur essence) : 175 ch à 5 800 tr/min

> Couple (moteur essence) : 174 lb-pi à 4400 tr/min

> Poids : 1598 kg

> Rapport poids-puissance : 9,31 kg/ch

> Mode : Intégral

> Transmission de série : Manuelle 6 rapports

> Transmission optionnelle : Semi-automatique CVT 6 rapports

> Direction / braquage : Crémaillère / 11,2 m.

> Freins avant/arrière : Disque/disque

> Pneus : 225/55R17

> Type de carburant : Ordinaire

> Capacité du réservoir de carburant : 70 L.

ON AIME

> Boîte manuelle toujours disponible (style)

> Comportement sain et sécurisant

> Construction sérieuse

ON AIME MOINS

> Le manque d'inspiration (style)

> Économie ou performance ? Économie

> Freinage difficile à doser