Il en a vu bien d'autres. Mais il semble qu'il n'était pas à l'abri pour autant. Notre collaborateur a eu le coup de foudre...

J'arrive généralement à ne pas trop m'éprendre d'une monture d'essai. À la rendre à son constructeur sans sentimentalisme. Sans émotion. Ou presque. Puis à complètement m'en détacher dès l'essai suivant. Je résiste d'ailleurs tellement bien à cet attachement potentiel que je demeure encore aujourd'hui sans moto personnelle.

Mais cette fois, c'est différent. Cette fois, je souffre. Comme un amateur, je me suis fait prendre au piège. Je ne sais trop comment c'est arrivé, mais je me suis - profondément - épris de la Panigale et la réalité est aussi difficile à accepter qu'implacable: la belle Italienne s'en va.

Belle, que dis-je... Elle est superbe, glorieuse. Hypnotique, même. Pas un autocollant, pas une autre couleur que le rouge sang. Pas besoin. Quelle finesse, quelle silhouette... Ses traits sont à la fois uniques et simples. Elle incarne carrément la beauté naturelle et l'exotisme.

À elle seule, toutefois, cette beauté n'est pas la raison pour laquelle je me suis tant épris de l'Italienne. Je ne suis pas si superficiel, quand même.

Non, si la nouveauté de Ducati a un tel effet sur moi, c'est aussi, et probablement surtout, à cause de la machine infernale qui se cache derrière ce fabuleux look. Les chiffres en donnent une idée, particulièrement la puissance annoncée de 195 chevaux qui est même plus élevée que celle de la phénoménale S1000RR, offerte à 193 chevaux par BMW.

Comment un V-Twin de série peut-il générer une telle puissance alors qu'il y a encore cinq ou six ans on s'étonnait qu'une telle mécanique arrive à produire 150 chevaux? Et ce, moyennant deux fois et demie le prix de la Panigale... Aucune idée.

J'ai toujours dit que certains ingénieurs étaient des sorciers et rien de moins que de la sorcellerie n'aura été nécessaire pour arriver à générer une poussée aussi prodigieuse que celle de la 1199 Panigale lorsque son accélérateur électronique est entièrement ouvert.

Et puis, il y a ce son, cette voix à la fois sophistiquée, grave, brutale, forte, dure. Intimidante, même. Rien, et je dis bien rien, sur deux roues ne sonne comme une Panigale.

Au-delà de sa beauté et de ses muscles, l'Italienne possède aussi un unique châssis «sans cadre» sur lequel tout est essentiellement fixé au moteur et qui réduit radicalement le poids.

En guise d'instrumentation, un véritable ordinateur permet au pilote de gérer les freins ABS, la livrée de puissance, la suspension (sur la version S), le frein moteur, le sélecteur de vitesses électronique et, bien entendu, l'antipatinage, devenu un must sur les sportives de ce calibre.

C'est uniquement sur un circuit que la belle Italienne laisse transparaître sa vraie personnalité et que sa magie se constate vraiment. Car sur la route, sa selle de bois, sa position extrême, sa mécanique qui pétarade et se fait parfois supplier pour démarrer en fait un ensemble joli, mais pas particulièrement plaisant et même capricieux. Comme si toutes les règles et les contraintes de la route l'agaçaient au point d'en faire une peste.

Une fois en piste, toutefois, la transformation est complète, la Ducati devenant alors une athlète d'un calibre inimaginable. Le comportement particulier de la 1198 précédente n'est plus et fait place à une agréable facilité de pilotage qui rappelle celle d'une légère sportive japonaise.

La position de conduite devient soudainement parfaite, puisqu'elle se fait oublier. La compacité et la minceur de la machine prennent tout leur sens en permettant au pilote d'être maître à bord, sans la moindre interférence.

Mais le coeur de la Panigale et LA caractéristique qui en fait une machine aussi attachante, c'est sa mécanique. La puissance que ce V-Twin génère est majestueuse. En termes absolus, la poussée est assez similaire à celle de l'ultrarapide S1000RR, mais en termes de sensations, l'Italienne transporte son pilote dans un tout autre univers.

En fait, la Panigale m'a amené dans un monde qui est le sien et seulement le sien. Ce qu'elle offre et qu'elle fait vivre, aucune moto de série ne s'en approche.

Ce qu'elle offre, c'est le nec plus ultra de la haute performance dans un format V-Twin, et ce qu'elle fait vivre, c'est l'expérience aussi unique que fascinante et exaltante qui découle de cette solution mécanique.

Au revoir, Panigale. Tu me manqueras et jamais je ne t'oublierai.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.

Marque : Ducati

Modèle : 1199 Panigale

Prix : 19 995 $

Garantie : 2 ans/kilométrage illimité

Moteur : bicylindre en V de 1199 cc refroidi par liquide

Transmission : à 6 rapports, entraînement final par chaîne

Poids : 188 kg

Frein avant : 2 disques avec étriers à 4 pistons

Frein arrière : 1 disque avec étrier à 2 pistons

Pneu avant : 120/70-17

Pneu arrière : 200/55-17