La moto au Québec est toujours en quête d'un statut de moyen de transport à part entière.

Elle est en effet très marginale : selon le Front commun motocycliste, de 8 à 10 % des motocyclistes du Québec utilisent leur bécane pour aller travailler. Une évaluation qui tient la route quand on sait que, selon le département de Recensement des États-Unis, les trajets à moto constituent seulement 0,12 % de tous les déplacements motorisés, et que la moto représente un peu moins de 3 % de l'ensemble des véhicules motorisés au Québec.

Mais voilà une situation qui pourrait être appelée à changer. Plus la circulation urbaine se densifie, plus de gens se tournent vers la moto et le scooter. Il n'y a jamais eu autant de motos et de scooters sur les routes du Québec. «C'est une question de logique et de goût : la moto représente la mobilité urbaine suprême, c'est plus rapide que le métro ou l'autobus, c'est économique et peu gourmand, le bonheur est là», estime Odile Mongeau, coauteure du guide Le Québec à moto.

«À mon avis, la popularité de la moto va augmenter, c'est inévitable, soutient Éric Lessard, président du Front commun motocycliste, qui regroupe les principales organisations de motocyclistes du Québec. Le virage du deux-roues comme moyen de transport est déjà bien entrepris, il n'ira pas en diminuant. On va finir par voir davantage de motos sur les routes. Dans 8 ans, 10 ans, peut-être 15. Mais c'est inévitable, on va s'en reparler. »

La sécurité en tête

Selon M. Lessard, on assiste aussi à une évolution de la pensée des motocyclistes, qui sont beaucoup plus conscients et informés. Malgré une augmentation sensible du nombre de motos et de scooters sur les routes en 2012, le nombre de morts liés à leur pratique est resté à peu près stable - autour de 40 par année. C'est bien évidemment 40 de trop, mais c'est néanmoins un témoignage rassurant des efforts entrepris au cours des dernières années, notamment par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Et les initiatives pour améliorer la sécurité à moto se poursuivent, suivant la dizaine de propositions du rapport déposé au printemps par le comité moto du ministère des Transports. Ainsi, on veut revoir la formation en mettant l'accent sur les techniques d'urgence comme le contre-braquage, le freinage et la maîtrise des virages. " La révision est en cours, une équipe de la SAAQ y travaille activement. On vise sa mise en place en 2015 ", nous confirme d'ailleurs le porte-parole de la SAAQ, Mario Vaillancourt.

Les autres recommandations, comme l'accès graduel pour les motos à risque basé sur l'expérience de conduite, ont été appuyées par le ministre Sylvain Gaudreault, mais elles nécessitent une révision du Code de la sécurité routière, ce qui n'est pas prévu avant 2016.

Grâce à ces mesures, couplées à l'amélioration des dispositifs de sécurité passive dont sont munies les motos de dernière génération, il n'est pas farfelu de penser que la pratique du deux-roues sera de plus en plus sûre. Ce qui attirerait ainsi de nouveaux adeptes, à plus forte raison si cela permet de circuler plus aisément en ville. " L'amélioration de la sécurité pourrait en effet amener plus de gens à faire de la moto, reconnaît Audrey Chaput, de la SAAQ. Mais ce serait davantage un effet collatéral. Si ça fait en sorte qu'il y a plus de gens qui en font, on serait bien contents, mais ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on cherchait à faire. »

Ce n'est en effet pas demain la veille que la moto bénéficiera de mesures incitatives, bien qu'elle soit plus pratique, moins encombrante et plus économique. " C'est l'ignorance qui nuit à la pratique de la moto, s'indigne Odile Mongeau. La moto n'a pas bonne presse et les gens qui sont en autorité ne voient pas pourquoi les deux-roues auraient droit à des avantages particuliers. Par contre, quand ils vont en Europe, ils sont ébahis de voir tous ces scooters et toutes ces motos, mais ils ne sont pas prêts à faire de pas en avant, pour ne privilégier personne. »

Les motocyclistes ne forment pas une masse critique. Mais avec les immenses chantiers qui menacent de bouleverser encore davantage le portrait de la mobilité urbaine au Québec, cela pourrait changer. On ne pourra alors plus ignorer les deux-roues.