«Ah ! que je suis content d'entendre ça ! ", s'est exclamé André Belisle quand on lui a demandé de commenter la place de la moto comme pièce du casse-tête de la mobilité urbaine.

C'est que le président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, reconnue pour ses positions environnementales bien tranchées, a passé l'été sur sa Harley-Davidson Sportster 1200, pour le plaisir, mais aussi parce qu'elle est plus économique que son hybride Toyota Prius 2006.

«Mon travail m'appelle à voyager beaucoup avec ma Prius et je me suis demandé ce que je pouvais faire pour améliorer mon bilan énergétique, nous a expliqué M. Belisle. C'est pourquoi j'ai pensé à la moto ; c'est beaucoup plus maniable dans la circulation dense, c'est plus vif, ça prend moins de place et c'est facile à stationner. Avant de devenir pépère, je me suis donc dit que j'allais renouer avec le plaisir de rouler à moto ", a souligné l'écologiste de 60 ans.

André Belisle reconnaît que les motocyclistes sont plus vulnérables que les automobilistes en cas d'accident. Mais on a, selon lui, diabolisé la moto à un point tel qu'il a l'impression que le système voudrait la voir disparaître.

«Il y a toutes sortes d'entraves qui nuisent à l'achat d'une moto, a-t-il soutenu. Sur le plan des assurances et de l'immatriculation, on pourrait donner un peu d'oxygène aux motocyclistes de façon à favoriser les bienfaits de la moto. Quand on fait le choix calculé et réfléchi d'acheter une moto, ça permet de réduire de beaucoup les impacts environnementaux. »

Une position que partage Ottavio Galella, ingénieur expert en circulation, en transport et en planification chez Consultants TRAFIX. " Tous les modes de transport alternatifs doivent être considérés, a-t-il soutenu. Déjà, le Québec fait piètre figure en matière de covoiturage ; aucune politique sérieuse n'est en place, on ne l'envisage toujours pas comme option pouvant être privilégiée. Pourtant, un pourcentage important de travailleurs fait déjà du covoiturage, mais aucun privilège n'a été envisagé pour eux.

«En fait, le Québec est très en retard en matière de solutions de transport, a ajouté l'expert. On a aujourd'hui un bon réseau de voies cyclables, mais ça a pris des décennies pour qu'il voie le jour, on a été très lents à instaurer des voies réservées pour les autobus et on envisage encore les nouvelles autoroutes comme on le faisait il y a 40 ans. Pas étonnant que la moto ne soit pas considérée. »

D'abord pour les loisirs

Malgré sa popularité croissante, la moto reste très peu utilisée par les navetteurs québécois. Pour en favoriser la pénétration, André Belisle évoque par exemple l'idée de réduire les frais d'immatriculation des motos les moins gourmandes. Ottavio Galella soutient de son côté qu'il faudrait, par exemple, réfléchir à l'idée d'ouvrir aux vélos et aux motos certaines voies réservées aux autobus, notamment en les rendant légèrement plus larges. À Londres, où la pratique est permise depuis janvier 2012, le taux d'accidents dans les voies réservées s'est avéré équivalent à celui enregistré ailleurs dans le réseau routier de la capitale britannique. Mais son application chez nous a déjà été exclue par le ministère des Transports du Québec.

M. Galella soutient qu'il faudrait avant toute chose faire une analyse précise de l'utilisation de la moto. " En Europe, la moto est un mode de transport de tous les jours pour un pourcentage élevé de gens, on l'utilise bien davantage que pour les loisirs, a-t-il illustré. Chez nous, il faudrait s'y intéresser davantage, savoir pourquoi, dans la saison propice, on s'abstient de l'utiliser au travail. Il faudrait que les statistiques concernant la moto soient diffusées et interprétées pour connaître les raisons derrière sa non-utilisation. On pourrait en venir à encourager ce mode de transport, notamment en ville. »

Et ainsi joindre l'utile à l'agréable. " Ce n'est pas parce que je suis écolo que je suis condamné à vivre une vie plate ! s'exclame André Belisle. Y a-t-il quelque chose de plus beau que de rouler en moto par un bel après-midi d'été ? »

10,2L/100 km Consommation moyenne des véhicules de promenade aux États-Unis en 2011

5,4L/100 km Consommation moyenne des motocyclettes aux États-Unis en 2011

Source : département des Transports des États-Unis