Ébranlé l'an dernier par le rappel de l'un de ses modèles présentant un défaut de conception dangereux pour la conduite, Campagna Motors tourne la page en soulignant les 20 ans de son véhicule emblématique: le T-Rex. Son président André Morissette saisit cette occasion pour revenir sur ce qui a rythmé et rythme toujours la vie de ce constructeur québécois. Témoignage.

(1) C'EST QUOI, UN T-REX?

«Le père de ce véhicule est Daniel Campagna qui a fait un châssis avec une motorisation de moto. Il était mécano et son idole était Colin Chapman, de Lotus. Le principe de Lotus était d'être performant en misant sur la légèreté. Un T-Rex à la base n'est pas une moto à laquelle on a rajouté une troisième roue, c'est un véhicule quatre roues auquel on a enlevé une roue pour enlever du poids et du frottement, de la résistance. La conception, le design, la géométrie de conduite font en sorte que c'est aussi stable qu'un véhicule quatre roues. C'est une expérience de conduite automobile sportive. La seule chose de commun à une moto, c'est sa motorisation avec des performances au freinage et à l'accélération dignes d'une moto sport.»

(2) LE DÉCOLLAGE

«De 1988 à 1994, le produit était un prototype, le «Concept 3». C'est le designer Paul Deutschman qui a dessiné la carrosserie que l'on connaît aujourd'hui. Le T-Rex est donc né en 1994, mais la production a commencé en 1995 à Plessisville dans un contexte artisanal. Daniel Campagna voulait faire cinq véhicules par année. Il y a eu un engouement, ça s'est développé au fil des années. En 2008, David Neault (vice-président) et moi, on a racheté Campagna et on a ramené ça à Boucherville. On a alors identifié comment pouvoir passer d'une entreprise qui vivotait à une entreprise industrielle qui pourrait attaquer le marché mondial.»

(3) CE QUI A CHANGÉ

«Au niveau de l'ADN, il reste des détails de carrosserie. Mais avec la version BMW [produite depuis l'été 2013], on a franchi un gros pas où on utilise trois modes de conduite électronique. Avec la version BMW, le véhicule est beaucoup plus souple, beaucoup plus évolué. Un petit peu moins puissant, mais qui a du couple et donne une conduite très agréable. [...] Chaque évolution de motorisation marque une nouvelle étape importante, car c'est le coeur du véhicule. L'étape de motorisation la plus importante est celle avec BMW, car elle permet de nous développer à grande échelle, ce qui était impossible avant.»

(4) UNE ÉDITION SPÉCIALE

«Pour les 20 ans, on a fait 20 exemplaires numérotés, la plupart déjà commandés et vendus. Sur le plan esthétique, le châssis est rouge, de la même couleur que les freins, qui fait ressortir l'aspect mécanique, avec une carrosserie deux tons très subtils. La carrosserie n'a pas changé. On a un volant sport en cuir, des suspensions ajustables, la crémaillère est un peu différente. Il est distinctif sans être tape-à-l'oeil. On a le même moteur BMW. Faire un nouveau véhicule pour les 20 ans, ç'aurait été un processus de plusieurs années.»

(5) LES AMBITIONS

«En 2015, on se concentre beaucoup sur le développement d'un réseau de concessionnaires aux États-Unis. On a actuellement un petit réseau de gars qui sont dans toutes sortes de trucs automobiles et motos. On vise beaucoup des concessionnaires automobiles qui vendent des véhicules haut de gamme de petite série, pour pouvoir être plus présents aux États-Unis. Notre objectif est d'être capable de vendre 2000 véhicules par année en 2020, et c'est sûr que ça passe par l'élargissement de notre gamme de produits. On suit ce qui se passe avec les énergies vertes. On n'ira pas faire un véhicule pour M. Tout-le-Monde, on va rester dans une gamme particulière. [...] Il va falloir attendre quelques années avant de voir un nouveau modèle.»

(6) LA CONCURRENCE

«On est très contents que Polaris soit arrivé sur le marché avec son Slingshot parce que depuis 20 ans, il n'y a presque pas de joueurs et le véhicule passe tout le temps pour quelque chose d'original dont les gens se demandent s'il y a un marché pour cela. Le fait d'avoir Polaris avec un produit qui s'adresse à une clientèle qui veut dépenser, un produit qui est beaucoup plus de masse, confirme qu'il y a un marché pour ces véhicules.»

(7) LE BON ET LE MAUVAIS COUP

«Le bon coup est de persévérer dans cette industrie qui n'est pas facile, d'être capable d'être debout encore et d'avoir été capable de mettre à jour le produit sans en perdre l'ADN. Les mauvais coups? De ne pas être allé plus rapidement avec un motoriste comme BMW. Cela aurait dû se faire bien avant. Aussi de ne pas avoir été assez clair dès le début au niveau marketing sur ce qu'est le produit.»

(8) LE RAPPEL DE L'AUTOMNE DERNIER

«Un rappel, ça fait partie de la vie de tout manufacturier. Ce n'est pas tant le rappel qui est difficile à gérer que les relations de presse autour de ça. On n'est pas à l'abri de quoi que ce soit, de rappels, en tant que manufacturier. On tire des enseignements de tout. [...] Ça a coûté plusieurs dizaines de milliers de dollars. [...] Ce n'est pas parce qu'on a changé de motorisation que l'on est à l'abri d'un rappel. Mais on ne s'étendra pas sur ce cas... Si on reconnaît nos responsabilités? On a fait un rappel.»