Harley-Davidson fait des pieds et des mains pour tenter de rajeunir sa clientèle. Pas facile en effet de se défaire de l'image du boomer bedonnant qui roule le dimanche en affichant le rythme traînant d'une vieille balade de Nazareth. Mais la Roadster, dernière-née du constructeur de Milwaukee, représente certainement un dynamique pas de plus dans la bonne direction.

Entendons-nous tout de suite: l'idée n'est pas de tourner le dos à la clientèle fidèle qui a permis à Harley de devenir ce qu'il est, avec tout ce que ça représente. Il s'agit de faire découvrir cet univers à une nouvelle génération et de faire cohabiter tout ce beau monde. L'opération séduction auprès des jeunes urbains est déjà bien entreprise avec les séries Street et Dark Custom - l'Iron 883 et la Sportster Forty-Eight connaissent déjà d'excellentes ventes, nous confirme la direction de Harley-Davidson Canada -, il s'agit maintenant d'aller chercher ceux qui aiment bien l'attitude Harley, mais qui apprécient aussi quand leur bécane sait tourner et freiner.

«La Roadster est certainement plus athlétique, c'est une option de rechange à nos cruisers traditionnels, a reconnu Anoop Prakash, président de Harley-Davidson Canada. On veut séduire des motocyclistes qui sont à l'extérieur de notre clientèle habituelle. Pour ce faire, nous sommes allés puiser dans l'ADN de la série KHR, notre machine de course "flat track" des années 50.»

La comparaison entre les deux motos est en effet frappante, de la position du guidon, des suspensions, des repose-pieds et des silencieux. On s'est ainsi éloigné de la mal-aimée XR1200, qui a été retirée du catalogue de Harley-Davidson il y a maintenant quatre ans. «La XR1200 penchait davantage du côté des motos sport conventionnelles», a soutenu M. Prakash en entrevue au téléphone. 

«Avec la Roadster, nous croyons avoir trouvé l'équilibre entre le côté sportif et l'allure classique d'une Harley-Davidson simple et épurée. Nous avons retenu les leçons nécessaires de notre mésaventure avec la XR.»

Selon M. Prakash, la Roadster devrait plaire à un plus vaste éventail de motocyclistes, alors que la XR s'est avérée en mesure de séduire une maigre clientèle de niche. Néanmoins, la Roadster a des caractéristiques qui la distinguent du reste de la gamme Harley-Davidson. «Son comportement est différent, il n'y a pas de doute, a reconnu Anoop Prakash. Elle a une garde au sol plus élevée, son siège est plus haut, la géométrie de la direction est unique, ce qui la rend très agréable à piloter sur les chemins de campagne tortueux. En fait, la Roadster est idéale pour celui qui a déjà de l'expérience à moto.»

À 12 999 $, la Roadster est la huitième moto de la gamme Harley offerte sous la barre des 13 000 $ au Canada, l'idée étant d'étoffer l'offre de motos destinées à une clientèle à la fois jeune et urbaine. Mais que le jeune urbain branché soit bien avisé: s'il jette son dévolu sur la Roadster, il se trouvera au guidon d'une moto qui l'emportera bien malgré lui dans des contrées qui lui étaient jusqu'alors inconnues, par-delà les ponts. Parce que c'est là que la nouvelle Harley se révèle sous son plus beau jour.

Harley-Davidson réussira-t-il le pari improbable de plaquer son inimitable style - et l'attitude qui en découle - sur une moto qui ne craint pas de jouer les sportives? C'est bien possible.

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La Roadster à l'essai

Civilisée

La Roadster s'avère relativement docile en ville - malgré la position un peu gênante des repose-pieds à l'arrêt ainsi qu'un moteur qui dégage une chaleur plutôt intense quand on est coincé dans un bouchon. Ainsi, ses 258 kg - tous pleins faits - s'effacent assez vite et on peut envisager des manoeuvres serrées, chose impensable pour bien des Harley-Davidson de gros calibre.

Dynamique

On se surprend à se déhancher sur la selle étroite pour aller chercher un peu plus de mordant en virage, car avec un angle d'inclinaison de plus de 30 degrés à droite comme à gauche, il est en effet possible d'enchaîner les courbes avec dynamisme, sans risquer de frotter le chrome des silencieux. L'angle de la fourche avant, réduit à moins de 29 degrés, couplé à un guidon large et des repose-pieds placés sous les genoux, permet une conduite vive et précise.

Rassurante

Les freins avant doubles de 300 mm associés à une suspension avant à fourche inversée - une particularité chez Harley-Davidson - permettent d'attaquer les courbes avec assurance, en dépit des nombreuses irrégularités de notre revêtement national. La course des suspensions est d'ailleurs plus importante sur la Roadster que sur tout autre modèle de la gamme Harley, ce qui explique la hauteur relative de la selle - ses 785 mm accueillent néanmoins plusieurs types de gabarits.

Coupleuse

Avec 76 lb-pi extraits dès 3750 tr/min, le V-Twin de 1200 cc de la Roadster est le plus coupleux de la gamme Sportster. Cela permet des reprises satisfaisantes - elles ne sont pas foudroyantes, mais le son «Made in Milwaukee» qui les accompagne colle à tout coup un sourire au visage. On ne s'en lasse pas, et on comprend mieux pourquoi Harley-Davidson a fait breveter cette sonorité. Et pourquoi elle se marie si bien à la cloche à vache d'un gros rock'n'roll sale de Nazareth...

Un peu sèche

En fait, le plus gros problème de la Roadster est celui de nos routes: la suspension, calibrée assez fermement - le seul réglage possible se fait à l'arrière en précontrainte -, s'avère sèche sur un revêtement cahoteux. Comme le format réduit de la selle ne permet pas différentes positions de pilotage, rouler pendant plusieurs kilomètres sur une route cahoteuse nous force à prendre quelques pauses imprévues. Bref, les longues randonnées sont envisageables, mais vaut mieux se diriger vers le sud ou l'ouest...