La Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) applique depuis juin une directive de Revenu Québec totalement déraisonnable, que ce dernier, ténébreux et cupide, refuse d'expliquer.

L'histoire: un propriétaire d'un motorisé de 35 pieds, acheté neuf 110 000$ en 2009, le revend 78 000$ cet été à un particulier. Ce dernier passe à la SAAQ pour finaliser la transaction. Sur sa facture, apparaît 12 000$ de TVQ. Calcul mental rapide: 15,5% de TVQ! Le préposé explique que Revenu Québec estime la valeur des motorisés au pied linéaire: 4000$ le pied pour un 2009:140 000$. On calcule donc le 8,5% de TVQ sur ce montant imaginaire.

«-Êtes-vous fou? Il en valait 110 000$ neuf il y a deux ans!

-Nous, on applique la règle. Contestez à Revenu Québec!»

Le client n'a pas prévu cette bagatelle de 6000$ supplémentaires et hésite: renoncer à son achat ou voir son banquier pour financer cette taxation injuste? Le cas échéant, tenter une contestation, ou fermer sa boîte en râlant?

Équité

Il n'existe pas de «Red Book», de tableau d'évaluation pour les véhicules récréatifs. Craignant de se faire flouer par des gens qui s'arrangent entre eux pour payer au noir une part de leur achat et conclure des transactions faussement basses, le Revenu a fixé une valeur moyenne au pied linéaire.

Cela donne deux situations absurdes. Le contribuable cité plus haut se fait taxer le double parce qu'il achète un motorisé modeste. Mais celui qui acquiert un véhicule luxueux de 500 000$ paiera deux fois moins de TVQ que le pourcentage normal. On surtaxe les modestes et on épargne les plus riches!

C'est aussi aberrant que si on évaluait nos maisons au pied carré, peu importe qu'il s'agisse d'un palace opulent bien situé ou d'une cambuse délabrée dans un coin perdu. Pourquoi ne pas vérifier la valeur à neuf du motorisé, et déduire un pourcentage de dépréciation annuelle?

Impossible d'obtenir des éclaircissements. Un porte-parole du ministère affirme sans rire le moins du monde, que la règle est interne et que les explications ne sont pas publiques.

Pas publiques? Les règles fiscales ne devraient-elles pas être éminemment publiques, hautement transparentes? Les gouvernements confisquent à la classe moyenne la moitié de ce qu'elle gagne, via les taxes, les impôts, les droits, les permis, et autres subterfuges.

La limpidité, la logique des mesures fiscales ne devraient-elles pas être non seulement publiques, mais fort publicisées, pour que le citoyen comprenne sur quelle base on lui soutire son bien?

Poker

Vérifications faites auprès de fiscalistes, Revenu Québec joue souvent cette partie de poker sauvage avec des contribuables. «Si tu veux voir mon jeu, c'est-à-dire mon raisonnement, vérifier si je respecte les règles d'équité fondamentale, conteste d'abord et obtient un jugement qui m'oblige à te répondre.»

Quand le contribuable aura obtenu ce jugement, les démarches lui auront coûté plus cher que s'il avait versé l'inique cotisation. David n'a même pas le temps de sortir sa fronde contre Goliath...

Revenu Québec, qui entretient une armada de juristes, prend la gageure que le citoyen n'aura pas les moyens d'avoir raison. Sauf s'il est très riche. Seules les grosses fortunes accèdent à la justice fiscale, voire à la justice tout court...

De plus, bien des contribuables et commerçants craignent la vindicte du ministère et ses vérifications tatillonnes. Même ceux qui tiennent des livres impeccables les redoutent: ces inspections grugent les nerfs, l'énergie et le temps.

Alors on se tait, on casque, on râle que l'État nous floue. Et certains se vengent discrètement sans remords, en le dupant à leur tour.

Les politiciens et journalistes considèrent à tort le Revenu comme un ministère dédaignable, mineur. Vivement, que l'on y nomme un politicien consciencieux qui remplit lui-même son rapport d'impôt, et qui secouera cette malsaine culture d'arrogance opaque et de voracité...