Qu'ont en commun Mick Jagger, Elton John, Brigitte Bardot et le regretté Tony Curtis? Tous ont un jour roulé en E-Type. Jaguar. Tous, mais pas moi.

Enzo Ferrari la considérait comme la plus belle voiture qui soit. Le Vieux (1) n'avait pas tort. Elle fut et demeure l'une des automobiles les plus sexy de tous les temps. Ses formes singulières, d'une extraordinaire fluidité, ont influencé tous les constructeurs de l'époque et changé la destinée de Jaguar. L'E-type de Jaguar a 50 ans cette année. En effet, c'est en 1961, au salon de Genève, que le phénomène est apparu pour la première fois. Le coup de foudre fut instantané.

Curieusement, le dessin de cette voiture au capot interminable et au fuselage longiligne était l'oeuvre d'un aérodynamicien, Malcolm Sayer... et du patron de Jaguar, William Lyon. Ce dernier savait aussi manier le crayon pour mettre sur pied un budget. L'E-Type coûtait trois fois moins cher qu'une Ferrari et proposait des solutions techniques plus avancées que l'italienne. Les innovations ne manquaient pas: châssis tubulaire à l'avant, quatre roues indépendantes, quatre freins à disque et suspension à barres de torsion. Une combinaison qui lui assurait une remarquable tenue de route et un confort inconnu à bord des sportives de l'époque. Ce savant mélange de beauté et d'idées novatrices a permis à Jaguar d'en écouler 73 000 unités. Du jamais vu au rayon des automobiles sportives souvent condamnées à une production homéopathique.

 

Rêve inassouvi

Qui n'a jamais rêvé d'une E-Type? Moi, j'y ai rêvé. Et j'y rêve encore. Comme de cette Type E azur qui campait en permanence à quelques mètres de la confiserie de madame Flore sur le boulevard Fréchette, à Chambly. Nous sommes au début des années 70, puisque sous l'ellipse de sa lunette arrière était inscrit 5.3. Numéro correspondant à la cylindrée de son moteur, un V12. Impressionnante à voir et à entendre, cette mécanique était pourtant très capricieuse. Craignant la pluie comme le froid, ce V12 avait étonnamment du mal à respirer. Les voies de son châssis avaient pourtant été agrandies pour l'accueillir et le radiateur redimensionné. Rien n'y fit, il cassait comme du verre. Le six-cylindres 3,8 litres qui équipait la première mouture suffisait à la tâche. Il permettait à ce «cigare roulant» d'atteindre les 240 km/h revendiqués par son constructeur.

Je ne l'ai jamais pilotée autrement que dans mes rêves. En revanche, j'ai déjà posé les fesses dans l'une d'elles. La pointe des fesses, devrais-je préciser, tellement l'assise de ses baquets était courte. Et puis après? Ce capot qui s'étend comme une plage, ce grand volant de bois aux branches d'aluminium ajourées et ses 10 interrupteurs alignés comme une parade créaient toute une atmosphère.

Produite entre 1961 et 1975, elle connaîtra trois séries, toutes déclinées en version coupé deux places, 2+2 et roadster. Pour les collectionneurs, seule la première génération, produite de 1961 à 1964, est digne d'attention. Et pour cause, elle était la plus pure. Elle se reconnaissait notamment à ses phares doublés de «verres de contact». Ceux-ci ont disparu pour satisfaire aux normes américaines, son principal marché d'exportation. Paradoxalement, à trop vouloir satisfaire les Américains, l'E-Type roulait à sa perte.

1. Surnom attribué par Niki Lauda, ancien pilote de la Scuderia.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Le dessin de l'E-Type de Jaguar, cette voiture au capot interminable et au fuselage longiligne, est en partie l'oeuvre d'un aérodynamicien.